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SLUTER CLAUS (1350 env.-1406)

Le portail de la chartreuse de Champmol

Dès 1386, l'architecte Drouet de Dammartin avait donné les « traiz » du portail. Nous avons montré, textes d'archives à l'appui, que Jean de Marville avait prévu pour ce portail une ordonnance semblable à celle des portails des églises parisiennes du temps de Charles V, avec une statue au trumeau et une statue debout sur chacun des piédroits. La conception plastique plus ample de Claus Sluter dut s'adapter au bâti architectural ; celui-ci fut simplement élargi, pour y introduire deux statues de plus : d'où ce désaccord, souvent dénoncé, entre architecture et sculpture, dont le nouvel imagier n'est pas entièrement responsable.

Au milieu se tient la Vierge (en place en 1391) contemplant avec fierté l'Enfant Jésus dans un élan de tout le corps, qui fait tourbillonner les draperies en y creusant de profonds replis : on ne retrouve plus l'attitude statique des Vierges du xive siècle, leur sourire souvent conventionnel, le maniérisme de leur profil sinueux et le graphisme des plis du drapé. Sur des consoles à leurs armes sont agenouillés et tournés vers la Vierge Philippe le Hardi et Marguerite de Flandre (1393), étonnants portraits, d'un puissant réalisme, où ne sont tempérées ni la morgue du duc ni la laideur de la duchesse. Leurs protecteurs, saint Jean-Baptiste et sainte Catherine (1391), les accompagnent, disposés sur des consoles où discutent prophètes et docteurs de la Loi, figures prestement enlevées et non laborieusement modelées, comme celles de Bruxelles. Cette composition « théâtrale », qui anime le portail, s'adapte mal aux supports et sort du cadre trop étroit qui n'avait pas été conçu pour elle. Cependant, la position à demi fléchie des saints protecteurs n'est pas seulement une attitude de respect : elle contribue à créer un certain rythme, qu'accentue encore la cadence des gros bourrelets que forment les plis.

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Écrit par

  • : conservateur en chef des musées de Dijon, chargé de cours à la faculté des lettres et sciences humaines de Dijon, vice-président de la Commission régionale des monuments et richesses artistiques de Bourgogne

Classification

Pour citer cet article

Pierre QUARRÉ. SLUTER CLAUS (1350 env.-1406) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Le Puits de Moïse</it>, C. Sluter - crédits : Encyclopædia Universalis France

Le Puits de Moïse, C. Sluter

Puits de Moïse, C. Sluter (6) - crédits : J.L. Duthu/ 2004, Inventaire Général

Puits de Moïse, C. Sluter (6)

Puits de Moïse, C. Sluter (2) - crédits : J.L. Duthu/ 2004, Inventaire Général

Puits de Moïse, C. Sluter (2)

Autres références

  • CHARTREUSE DE CHAMPMOL, PRÈS DE DIJON, SCULPTURES DE CLAUS SLUTER

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 216 mots
    • 2 médias

    Sous les ducs de Bourgogne Philippe le Hardi et son fils Jean sans Peur, Dijon, centre politique d'un domaine en pleine expansion, devint un des grands foyers artistiques européens. C'est dans la statuaire que se manifeste le plus son originalité, grâce au Hollandais Claus Sluter,...

  • ART DE COUR

    • Écrit par Philippe VERDIER
    • 4 801 mots
    • 1 média
    ...et d'autre du trumeau à Saint-Jacques-aux-Pèlerins. Ce dernier portail serait le prototype du portail commencé par Jean de Marville et sculpté par Claus Sluter à l'église de la Chartreuse de Champmol, fondation de Philippe le Hardi (1385). Sont à rapprocher du « beau pilier d'Amiens » les statues...
  • FRANCO-FLAMANDS ARTS

    • Écrit par Pierre QUARRÉ
    • 993 mots
    • 2 médias

    On qualifie généralement de franco-flamand l'art des sculpteurs du temps de Charles V et celui des peintres travaillant à la cour de France au début du règne de Charles VI, et ce en raison de l'origine « flamande » de bon nombre de ces artistes. Il semble en effet qu'ils n'aient pas apporté...

  • GOTHIQUE ART

    • Écrit par Alain ERLANDE-BRANDENBURG
    • 14 896 mots
    • 27 médias
    ...aléas de la commande, mais ils lui impriment un caractère personnel. Il s'ensuit une histoire de la sculpture française difficile à établir clairement. Claus Sluter (1389) à Dijon se rattache à la tradition parisienne, avec laquelle il rompt en même temps par un lyrisme inédit (chartreuse de Champmol)....
  • WERVE CLAUS DE (connu entre 1396 et 1439)

    • Écrit par Alain ERLANDE-BRANDENBURG
    • 539 mots
    • 2 médias

    La personnalité artistique de Claus de Werve est longtemps demeurée obscure pour les historiens d'art. Le puissant génie de son oncle Claus Sluter, qui le prend dès 1396 comme aide, éclipse un sculpteur que des recherches récentes ont contribué à réhabiliter. Il est inconcevable qu'entre...

Voir aussi