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BIODIVERSITÉ

Capacités d’adaptation de la vie

Les espèces font actuellement face à un bouleversement de leur milieu de vie du fait du changement climatique qui s’effectue probablement à une vitesse sans précédent dans l’histoire de la Terre. Quel que soit le niveau de réchauffement qui sera atteint dans les décennies à venir, le changement climatique exerce déjà – et exercera encore davantage à mesure qu’il va s’amplifier – une pression de sélection énorme sur les populations (modifications des rythmes biologiques et des aires de répartition des espèces, du fonctionnement des écosystèmes, des chaînes trophiques, des cycles biogéochimiques…). En effet, chaque espèce a évolué pendant des milliers – voire des millions – d’années de manière à ce que ses individus soient capables de survivre, croître et se reproduire dans des conditions climatiques particulières.

Courbes de réponse de performances physiologiques d’organismes à la température - crédits : Encyclopædia Universalis France

Courbes de réponse de performances physiologiques d’organismes à la température

Chaque espèce possède une tolérance à une certaine gamme de températures qui lui est propre. Elle est parfois très étroite comme dans le cas de Nototheniacoriiceps, un poisson marin vivant dans les eaux antarctiques entre –2 et +4 0C, qui a mis au point, pour affronter ces conditions de vie, des adaptations très spécifiques telles que la production de molécules antigel dans son sang et ses tissus, et un métabolisme très bas. À l’inverse, très peu d’organismes sont capables de vivre dans des conditions de températures qui dépassent 60 0C car l’intégrité moléculaire, notamment celle des protéines, est alors atteinte. Dits thermophiles et hyperthermophiles, ils vivent par exemple dans les sources hydrothermales, et ce sont principalement des bactéries et des archées, mais on trouve aussi des protozoaires, des algues et des champignons.

Chaque espèce est également plus ou moins tolérante au manque d’eau liquide, élément essentiel à toute forme de vie et qui possède les propriétés physico-chimiques permettant de transporter efficacement des substances (protéines, sucres, minéraux, hormones…) du milieu extérieur vers les cellules vivantes et d’une cellule à l’autre. Les émissions de gaz à effet de serre augmentent la température de surface, et, par là même, diminuent la quantité d’eau liquide disponible pour les êtres vivants, à moins que la pluviométrie augmente elle aussi. En effet, un sol plus chaud évapore plus vite l’eau qu’il contient, et les plantes poussant sur ce sol l’absorbent davantage. En conséquence, le sol s’assèche plus rapidement.

Les conditions devenant plus chaudes et plus sèches, à la limite de leur gamme de tolérance, les espèces ont tendance à se déplacer vers les régions où les conditions restent favorables à leur survie, souvent dans la direction des pôles ou des sommets montagneux. Ces migrations constituent le premier niveau d’adaptation possible au changement climatique. Mais toutes les espèces n’ont pas les mêmes capacités à se mouvoir dans l’espace. Ainsi, la plupart des plantes – qui ne peuvent disperser leurs graines que d’une génération à l’autre – et les petits vertébrés – qui ne peuvent parcourir en moyenne que de courtes distances – ne pourront pas migrer assez vite pour suivre leur climat (niche climatique). Le second moyen d’adaptation des espèces à de nouvelles conditions climatiques est la plasticité phénotypique adaptative, que l’on peut appeler aussi acclimatation, et qui permet aux organismes de maintenir des performances maximales quand les conditions extérieures fluctuent. Mais cette plasticité ne permet en général de s’adapter qu’à des modifications qui restent dans la gamme de soutenabilité des conditions. S’adapter à des conditions auxquelles les espèces n’ont jamais été exposées auparavant nécessite des modifications génétiques ou épigénétiques (des gènes ou de l’expression des gènes que portent les individus de ces espèces). Ces modifications peuvent avoir lieu très rapidement si[...]

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Écrit par

  • : directrice de recherche au CNRS, centre d'écologie fonctionnelle et évolutive, Montpellier
  • : directrice de recherche de classe exceptionnelle CNRS, Laboratoire d'écologie alpine, Grenoble

Classification

Pour citer cet article

Isabelle CHUINE et Sandra LAVOREL. BIODIVERSITÉ [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Une représentation des pinsons de Darwin - crédits : Encyclopædia Universalis France

Une représentation des pinsons de Darwin

Courbes de réponse de performances physiologiques d’organismes à la température - crédits : Encyclopædia Universalis France

Courbes de réponse de performances physiologiques d’organismes à la température

Productivité des forêts - crédits : Encyclopædia Universalis France

Productivité des forêts

Autres références

  • BIODIVERSITÉ URBAINE

    • Écrit par Philippe CLERGEAU
    • 2 378 mots

    Sous le poids d'un désir citadin de plus en plus fort de nature dans la ville et d'un hygiénisme constant, la ville a évolué très rapidement, en un siècle, pour proposer aujourd'hui des parcs plus « naturels » et demain des corridors écologiques. Certaines espèces disparaissent sous les effets de l'urbanisation,...

  • COP 15 SUR LA BIODIVERSITÉ

    • Écrit par Denis COUVET, Hélène SOUBELET
    • 2 863 mots
    • 3 médias

    La quinzième conférence des parties de la Convention sur la diversité biologique (dite COP 15 – Conference of the Parties), initialement prévue en 2020 en Chine (dans la ville de Kunming) et reportée à plusieurs reprises en raison de la pandémie de Covid-19, s’est finalement tenue au palais des...

  • AGENCE FRANÇAISE POUR LA BIODIVERSITÉ

    • Écrit par Denis COUVET
    • 1 558 mots
    • 1 média
    La biodiversité se caractérise d’abord par sa diversité biologique, qui comprend la diversité des espèces (animales, végétales et microbiennes), de leurs interactions, la diversité des gènes et celle des écosystèmes. Mais la biodiversité englobe aussi les fonctions écologiques nécessaires au fonctionnement...
  • AGRICULTURE BIOLOGIQUE

    • Écrit par Céline CRESSON, Claire LAMINE, Servane PENVERN
    • 7 882 mots
    • 6 médias
    ...application en 2021, on note l’émergence ou le renforcement de notions comme celles de services environnementaux ou écosystémiques, reconnaissant ainsi la biodiversité non pas seulement comme une composante à préserver mais aussi comme un facteur de production utile à l’agriculture biologique. Sont également...
  • AGRICULTURE URBAINE

    • Écrit par Jean-Paul CHARVET, Xavier LAUREAU
    • 6 273 mots
    • 8 médias
    ...n’était pas le cas. Dans ce pacte, il est précisé, entre autres, que les villes ont un rôle crucial à jouer dans la promotion de systèmes alimentaires sains et durables, dans le développement des relations entre citadins et ruraux ainsi que dans la protection de l’environnement et de la biodiversité.
  • AMAZONIE

    • Écrit par Martine DROULERS
    • 3 273 mots
    • 6 médias
    Avec 15 à 20 p. 100 du total des espèces de la terre, l'Amérique du Sud tropicale est une des régions de la planète les plus riches en biodiversité, notamment pour la flore. Six pays amazoniens figurent parmi les douze pays les plus riches en diversité biologique. La Colombie est au premier rang mondial...
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Voir aussi