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AVERROÈS, arabe IBN RUSHD (1126-1198)

Averroès et Aristote

C'est surtout comme commentateur d'Aristote qu'Averroès fut connu des Latins : il est pour eux « le Commentateur », comme Aristote est « le Philosophe ». C'est ainsi que Dante le présente, dans les Limbes, au milieu d'autres philosophes et savants : « Averroès, qui fit le grand commentaire » (Inferno, IV, 144). C'est aussi de cette façon qu'il commença sa carrière de philosophe : à l'occasion de sa présentation à Abū Ya‘qūb Yūsuf par Ibn Ṭufayl, Averroès fut sollicité par l'émir de commenter les ouvrages d'Aristote. Il se mit aussitôt à l'œuvre, et en une vingtaine d'années écrivit sur presque tous les traités du corpus aristotélicien. Le nom générique de commentaire en couvre plusieurs espèces distinctes ; la plus aisément reconnaissable est celle du « grand commentaire », où Averroès suit le texte pas à pas et formule les problèmes que suscitent certains passages, rapporte les solutions avancées par les commentateurs antérieurs, les examine, expose la sienne propre : cela donne lieu à des développements parfois très longs. Les « petits » et « moyens » commentaires ne se laissent pas toujours bien distinguer ; Averroès y expose de la façon qu'il juge la meilleure la matière du livre qu'il explique. Ajoutons qu'il a composé aussi de courts ouvrages (questions, traités, abrégés, etc.) sur un grand nombre de sujets philosophiques. Il faut noter d'autre part qu'un certain nombre de ces ouvrages ne nous sont pas connus dans leur langue originelle, mais dans des traductions hébraïques ou latines : citons, pour nous en tenir à un exemple, le grand commentaire du traité De l'âme, accessible dans sa seule traduction latine (dont le vocabulaire et la syntaxe pleine d'arabismes prouvent l'extrême littéralité).

Le respect d'Averroès pour Aristote est bien connu ; c'est une attitude naturelle de la part d'un commentateur. Mais l'éloge qu'il en fait va parfois jusqu'à lui attribuer plus qu'une supériorité contingente, et à conférer à son existence une signification proprement exemplaire. On en jugera d'après ce passage du grand commentaire du traité De l'âme(III, 14) : « Ce point est si difficile que, si Aristote n'en avait pas parlé, il eût été très difficile, impossible peut-être, de le découvrir – à moins qu'il ne se fût trouvé un autre homme comme Aristote. Car je crois que cet homme a été une norme dans la nature, un modèle que la nature a inventé pour faire voir jusqu'où peut aller la perfection humaine en ces matières. »

De fait, Averroès est un aristotélicien fidèle, le plus fidèle sans doute de tous les grands médiévaux. Si sa propre pensée, formée en des temps et des lieux très différents de ceux du Philosophe, s'en détache en certains points, elle s'appuie toujours sur des principes authentiquement aristotéliciens.

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)

Classification

Pour citer cet article

Jean JOLIVET. AVERROÈS, arabe IBN RUSHD (1126-1198) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • TRAITÉ DÉCISIF, Averroès - Fiche de lecture

    • Écrit par François TRÉMOLIÈRES
    • 684 mots

    Averroès (Ibn Rušd, 1126-1198), philosophe et médecin arabe de Cordoue, n'a été connu du Moyen Âge occidental que comme le « Commentateur », c'est-à-dire pour le corpus considérable de ses commentaires d'Aristote (notamment le De anima et la Métaphysique), à peu près la...

  • AL-ANDALUS - (repères chronologiques)

    • Écrit par Pascal BURESI
    • 268 mots

    711 Arrivée des Omeyyades en Espagne.

    756 ‘Abd al-Rahm̄an Ier fonde l'émirat omeyyade de Cordoue.

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    929 ‘Abd al-Rahm̄an III proclame le califat de Cordoue.

    985 Al-Mans̄ur (Almanzor,...

  • ARISTOTÉLISME MÉDIÉVAL

    • Écrit par Alain de LIBERA
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    ...aristotélicienne est-elle largement christianisée avant même que ne se formulent les thèses monopsychistes de l'aristotélisme radical : jusque vers 1245-1250, la thèse «  averroïste » de l'intellect unique pour tous les hommes est attribuée soit à Pythagore soit à Avicenne – Averroès étant, quant à lui, crédité...
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    En préambule, il faut remonter à 1195, quand le philosophe Ibn Rushd, connu en Occident sous le nom d’Averroès, tomba en disgrâce et vit ses livres brûlés. Averroès fut séduit par la jeune Dunia, sans se douter qu’il s’agissait d’une djinnia attirée hors du Peristan, le monde des fées, par sa curiosité...
  • IBN ‘ARABĪ (1165-1241)

    • Écrit par Osman YAHIA
    • 4 422 mots
    ...pleinement. Dès son entrée dans la Voie se manifestèrent des phénomènes psychiques exceptionnels qui attirèrent la curiosité du grand philosophe de Cordoue, Averroès (Ibn Rushd). Celui-ci était un ami personnel du père d'Ibn ‘Arabī ; il lui manifesta le désir de faire la connaissance de son jeune...
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Voir aussi