YEN

Le yen, monnaie de réserve

Bien que le Japon ait été la deuxième économie mondiale en termes de PIB (jusqu’en 2010), sa monnaie ne joue qu'un rôle secondaire dans le système monétaire international.

Durant la période de forte expansion de l’économie japonaise, du milieu des années 1970 à la fin des années 1980, le yen a pourtant connu une phase d’internationalisation. Les autorités japonaises étaient plutôt réticentes à celle-ci, par crainte que les flux de capitaux internationaux déstabilisent le marché des changes et l’économie, et rendent inefficace la politique monétaire. Sous la pression américaine, elles acceptent cependant en novembre 1983 de favoriser l’internationalisation de leur monnaie et la libéralisation des marchés de capitaux.

La part du yen dans les réserves de change et dans les règlements commerciaux va ensuite augmenter significativement, tirée par la forte croissance de l’économie japonaise, par la taille de son secteur exportateur, ainsi que par la forte appréciation du yen qui incite à sa détention en tant que réserve de valeur.

La dimension internationale du yen reste pourtant faible en comparaison des monnaies des autres pays industrialisés. Cette situation paradoxale s'explique d'abord par la structure des échanges de l’économie japonaise : les États-Unis sont le principal partenaire commercial du Japon et ils n'utilisent pas d'autre monnaie que le dollar ; les matières premières et l’énergie, traditionnellement facturées en dollars, représentent plus de la moitié des importations ; des raisons culturelles et politiques jouent aussi leur rôle. Le dollar d'argent dit mexicain a été la monnaie de référence en Asie tout au long du xixe siècle, et il n'est guère surprenant de voir le dollar reprendre ce rôle après 1945. Au cours des années 1980, l’essentiel des échanges commerciaux du Japon s’effectue en dehors de la zone Asie avec des pays développés, ce qui a limité les perspectives d’intégration régionale et les possibilités d’expansion du yen. Aujourd’hui encore, les fluctuations des monnaies d'Asie sont davantage corrélées aux fluctuations du dollar qu’à celles du yen. Il n'y a pas de bloc ou de zone yen et la monnaie japonaise n’a jamais atteint le statut de monnaie véhiculaire internationale.

Après l’avoir subie, les autorités monétaires ont pourtant souhaité, à partir de 1998 promouvoir l’utilisation internationale du yen. Les motivations étaient triples : réduire la dépendance de la zone Asie au dollar, affirmer le yen face à l’avènement en 1999 de l’euro et contribuer à l’attractivité de Tōkyō comme place financière internationale. La crise des années 1990 va pourtant mettre fin à l’expansion du yen dans les échanges internationaux. Si sa part dans le commerce mondial se stabilise (environ 40 p. 100 des exportations japonaises et 25 p. 100 des importations sont libellées en yen), elle diminue dans les réserves de change, passant de 8,5 p. 100 en 1991 à un point bas de 2,9 p. 100 en 2007.

Aujourd’hui, le yen est essentiellement considéré comme une valeur refuge durant les épisodes de crise. C’est une des devises vers laquelle se tournent les investisseurs quand l’aversion au risque augmente. Sa valeur a ainsi progressé de 30 p. 100 par rapport au dollar et de 52 p. 100 par rapport à la livre sterling entre 2007 et la fin de 2008, au moment de la crise financière internationale. Sa part dans les réserves de change est également remontée suite à la crise financière de 2007, passant à 3,7 p. 100 en 2012.

Si le yen reste une monnaie importante en Asie, reflétant l’intégration financière et commerciale de la région, son poids reste là encore faible si on le compare à celui de l’euro en Europe, ou à celui du dollar dans l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain). Le yen va par ailleurs être[...]

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Écrit par

  • Sophie BRANA : docteure en sciences économiques, professeure des Universités en sciences économiques
  • Dominique LACOUE-LABARTHE : professeur de sciences économiques à l'université de Bordeaux-IV-Montesquieu, directeur du Groupe de recherche en analyse et politique économiques, unité mixte du C.N.R.S. 5113

Classification

. In Encyclopædia Universalis []. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DOLLAR

    • Écrit par Dominique LACOUE-LABARTHE
    • 11 247 mots
    • 2 médias
    ...marchés des changes, un certain partage de l'ajustement entre les grands pays formant le groupe des Cinq (États- Unis, Royaume-Uni, R.F.A., France, Japon). Le Japon accepte notamment de favoriser une appréciation ordonnée et substantielle du yen pour diminuer ses excédents commerciaux et ses investissements,...
  • ÉCONOMIE MONDIALE - 1990 : de l'euphorie à la crainte

    • Écrit par Régis PARANQUE
    • 15 061 mots
    ...les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l'Australie, l'Espagne et la Suède, et inversement (Japon, Allemagne, Belgique, Pays-Bas et Suisse). Le yen est resté la seule exception majeure à ce réalignement des taux de change sur les données fondamentales de l'économie, en connaissant une baisse...
  • ÉCONOMIE MONDIALE - 1995 : vers une redistribution des ressources mondiales

    • Écrit par Tristan DOELNITZ
    • 6 242 mots
    La crise yen- dollar et celle des établissements de crédit japonais ont fini par être étroitement mêlées en 1995, tant elles sont partie intégrante du marasme économique nippon. La première ne peut être dissociée de la tension commerciale entre Washington et Tōkyō au sujet des ventes d'automobiles...
  • ÉCONOMIE MONDIALE - 1996 : sur la voie de la convergence

    • Écrit par Tristan DOELNITZ
    • 7 769 mots
    L'affaiblissement du yen a contribué à la reprise. En novembre, il avait effacé vis-à-vis du dollar la quasi-totalité de l'appréciation enregistrée depuis le premier semestre de 1993. Après un nouveau tassement au premier semestre (— 1,4 p. 100), les exportations ont augmenté de 7,5 p. 100 dans la seconde...
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Voir aussi