MESSERSCHMITT WILLY (1898-1978)
Né à Francfort-sur-le-Main (Hesse), Willy Messerschmitt avait douze ans lorsque sa famille s'établit à Bamberg ; il s'y lie d'amitié avec Friedrich Harth, pionnier du vol à voile, avec lequel il prend son baptême de l'air.
Trop jeune pour être mobilisé lorsque la Première Guerre mondiale éclate, il construit avec succès un planeur d'après des dessins de Harth. Il rejoint l'armée en 1917 et est transféré dans l'aéronautique militaire. Après l'armistice, il continue à travailler avec Harth tout en poursuivant ses études. Les connaissances acquises lui facilitent l'accès de l'École des ingénieurs techniques de Munich où il obtient son diplôme. Le planeur S-13, premier appareil dont il fait les plans, établit un record de durée de 21 minutes. En 1923, il fonde sa propre société, la Flugzeugbau Messerschmitt, et se lance dans la fabrication de planeurs à moteur auxiliaire : les S-15 et S-16. Son premier avion, le M-17, est un monoplan biplace équipé d'un moteur de 32 chevaux qui réussit un vol au-dessus des Alpes, de Bamberg à Rome.
En 1926, son usine prend quelque importance et devient la Messerschmitt Flugzeugbau GmbH. Il obtient sa première commande de 12 appareils de transport léger de type M-18 grâce à des subsides du gouvernement de Bavière et de banques régionales. La société prend alors le nom de Bayerische Flugzeugwerke A.G., bientôt connue sous le nom de B.F.W., et s'établit à Augsbourg avec un capital de 400 000 Reichsmark. Messerschmitt n'est plus le seul à diriger, mais, malgré l'hostilité du secrétaire d'État à l'Air Erhard Milch, il conserve son indépendance et continue à construire ses propres avions, de tourisme et de commerce, pour lesquels il obtient des commandes. Son premier grand succès commercial est le Bf-108, monoplan à aile basse cantilever et fuselage métallique monocoque bientôt dénommé Taifun et accepté par la Luftwaffe comme appareil d'entraînement et de liaison. 529 de ces appareils seront construits entre 1934 et 1942. En 1936, Rudolf Hess présente lui-même l'appareil au cours d'un meeting à Berlin. La brutalité de ses figures d'acrobatie aérienne fait qu'il n'échappe que de justesse à un accident fatal. En 1939, pour son quarantième anniversaire, Messerschmitt se voit enfin nommé président-directeur général de la maison qui prend le nom de Messerschmitt A.G. Dès lors, la carrière du constructeur et sa vie même se confondent pratiquement avec l'histoire de ses réalisations. Il sait s'entourer d'ingénieurs habiles et des meilleurs pilotes. Un grand nombre d'appareils sont dessinés ; certains ne dépasseront pas l'étape du prototype et il n'est possible de signaler que les plus importants, ceux qui ont établi la réputation de Willy Messerschmitt, qui ont considérablement fait progresser l'industrie aéronautique et participé largement au duel, longtemps favorable à l'Allemagne, et dont l'enjeu était la supériorité aérienne au cours du second conflit mondial.
Le Bf-109, dont la construction commence dès 1934, et qui prendra après 1939 le nom de Me-109, est dessiné pour être le chasseur le plus léger et le plus compact autour des moteurs allemands les plus puissants de l'époque, les Junkers Jumo 210-A et Daimler Benz V-12. Il faut attendre 1937 et la guerre d'Espagne pour le voir débuter sa carrière opérationnelle au sein de la Légion Condor ; il s'y montre très supérieur aux appareils des forces républicaines. En 1939, au début de la campagne de Pologne, la Luftwaffe dispose de 1 056 Me-109, la plupart du type E ; environ 200 sont utilisés sur ce front, une trentaine prennent part à la campagne de Norvège. 850 Me-109E composant sept escadres sont employés pour la campagne de France où ils se heurtent aux appareils de l'armée de l'air, Morane-406, Bloch-152, Dewoitine-520 et Curtiss Hawk et à ceux de la Royal Air Force, surtout des Hurricane. La Luftwaffe perd environ 350 appareils par l'action de la chasse. Le 13 août 1940, jour que les Allemands considèrent comme le début de la bataille d'Angleterre, l'ordre de bataille comprend en France, Belgique et Pays-Bas, vingt-trois escadres de deux groupes de chasse chacune, soit 2 289 Me-109E. Malgré l'avantage que leur confère leur vitesse quelque peu supérieure à celle des Hurricane et des Spitfire de cette époque, dont la manœuvrabilité en virage est toutefois plus grande, ils subissent l'inconvénient de l'éloignement de leurs bases qui ne leur permet de rester qu'environ 20 minutes au-dessus de la Grande-Bretagne. La maîtrise de l'air au-dessus du territoire britannique revient enfin à la R.A.F. Pendant la période qui s'étend de juillet à octobre 1940 le Fighter Command de la R.A.F. perd 1 172 avions (dont 631 Hurricane et 403 Spitfire) la plupart d'entre eux par l'action des Me-109. Pendant cette même période, les pertes allemandes s'élèvent à 1 792 avions dont 610 Me-109-E. Les versions successives du Me-109 montrent de nettes améliorations sur les types précédents. En 1941, 2 628 Me-109 sont livrés à la Luftwaffe, qui va les employer en grand nombre sur le front russe.
Le Me-109 fut construit à plus de 30 000 exemplaires par les usines Messerschmitt ; ce qui, sans tenir compte des fabrications sous contrat en Allemagne et à l'étranger, en fait déjà cependant le premier avion de chasse du monde par le nombre, mais aussi par ses performances (environ 570 km/h pour le type E), tout au moins jusqu'en 1941. Il équipa également la Hongrie, la Finlande, l'Italie, la Bulgarie, la Roumanie, l'Espagne et la Suisse.
Les autres grands succès de Messerschmitt sont tout d'abord, le 26 avril 1939, le record du monde de vitesse pure porté à 755 km/h avec un appareil de sa construction piloté par Fritz Wendel. La propagande allemande proclama que l'avion en question était un Me-109R, afin de donner l'impression qu'il s'agissait d'une version modifiée de l'avion de chasse standard. En fait, les deux appareils n'ont aucun point commun, et le record fut battu par un Me 209 dont la construction ne dépassa jamais le stade des prototypes.
Parmi les autres productions, il faut citer le Messerschmitt-110, chasseur bimoteur de jour et de nuit et avion de reconnaissance, construit à 3 500 exemplaires, les Me-210 et 410, de reconnaissance, le Me-321, planeur lourd, et le Me-323, bombardier à six moteurs. Dans le domaine des techniques avancées, la firme Messerschmitt met au point l'avion-fusée Me-163, dont les plans originaux sont dus à l'ingénieur Lippisch. Le Me-163B atteint 9 000 mètres en 2 minutes 30 secondes, mais sa réserve de carburant ne lui permet, à partir de cette altitude, qu'un vol propulsé de faible durée, l'obligeant à regagner rapidement sa base. Il est toutefois utilisé en petit nombre en 1944 à partir du terrain de Brandis, près de Leipzig. Sa vitesse exceptionnelle (plus de 800 km/h) en fait un adversaire redoutable. La guerre terminée, il servit de base de travail aux essais russes et américains. Aux États-Unis, il donna naissance au Bell XS-1, à bord duquel Charles Yeager franchit pour la première fois le mur du son en 1947.
La firme Messerschmitt est également responsable de l'intercepteur Me-262, dont Hitler demanda la transformation en bombardier. Malgré sa volonté et avec, semble-t-il, l'appui des cadres de la Luftwaffe, l'appareil resta un chasseur ; et malgré le retard considérable dû au bombardement allié des usines d'Augsbourg, il entre en opérations à partir du mois d'août 1944. Équipé de deux turboréacteurs Junkers Jumo et armé de 4 canons de 30 mm, c'est l'appareil le plus redoutable de la fin de la guerre et une remarquable réussite technique (870 km/h). Le général Adolf Galland forme alors lui-même une escadrille de chasse équipée d'une quinzaine de ces appareils. La faible production des moteurs Junkers ne permet pas la mise en service en grand nombre de ces chasseurs à réaction, que l'on trouva souvent inachevés sur les bases allemandes, après l'armistice. Au moment de la capitulation, les ateliers, bureaux d'études et halls de montage Messerschmitt se trouvent détruits ou sérieusement endommagés. Willy Messerschmitt est arrêté par les forces armées des États-Unis et considéré comme criminel de guerre, notamment en raison du titre de « pionnier du travail » dont il avait été décoré par les autorités nazies. Le tribunal de dénazification d'Augsbourg lui accorde finalement un non-lieu, considérant qu'il avait été employé contre son gré par le régime de Hitler. L'interdiction formelle de construire faite à l'industrie aéronautique allemande est respectée jusqu'en 1948. En 1951, les constructeurs se regroupent ; en 1955, à la fin du régime d'occupation, les travaux reprennent.
Pendant cette période intermédiaire, Messerschmitt fabrique en Allemagne des machines à coudre et des scooters. De 1945 à 1955, la Hispano-Aviation construit en Espagne, sous sa direction, le Me-100, appareil de liaison et le Me-200, avion à réaction équipé de deux turboréacteurs français Marboré. À partir de 1956, Messerschmitt reprend ses activités à Augsbourg et produit sous licence le Fouga Magister français de Potez, puis des appareils américains T-33 et F-104 ainsi que des chasseurs italiens Fiat G-91. La firme produira ensuite ses propres avions.
Willy Messerschmitt meurt le 15 septembre 1978 à Munich ; il était président honoraire de la société qu'il avait fondée et au sein de laquelle il avait acquis une réputation mondiale.
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Écrit par
- Jean REVEILHAC : conservateur au musée de l'Air
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Médias
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