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DILTHEY WILHELM (1833-1911)

Le refus du positivisme

Dilthey n'a cessé de reprocher à Auguste Comte et à John Stuart Mill un monisme naturaliste fermé à la spécificité des sciences sociales. Réduisant le travail de l'historien à enregistrer des corrélations causales entre des faits, le positivisme historique, chez Taine ou Buckle, imposait aux sciences humaines de calquer leurs méthodes sur celles des sciences naturelles.

Contre cet impérialisme, Dilthey, systématisant les intuitions d'un Schleiermacher ou d'un Droysen, creuse l'écart entre les deux groupes de sciences, à partir des places respectives qu'y occupent l'explication et la compréhension. Ainsi l'antipositivisme le conduisait-il directement vers une problématique décisive, aujourd'hui encore, pour toute théorie des sciences humaines.

Si les sciences historiques sont compréhensives, ou interprétatives, comment concevoir, pour leurs énoncés, une validité possible ? Si l'histoire n'est pas enregistrement de faits, ne se voue-t-elle pas à un pur relativisme ? Question d'autant plus légitime qu'à l'époque même de Dilthey s'exprimait l'affirmation nietzschéenne selon laquelle « il n'y a pas de faits, seulement des interprétations » : Nietzsche, prenant lui aussi le contre-pied de l'idéal issu de Comte, réduisait l'histoire à une collection d'opinions sur des opinions, comme si la critique du positivisme devait inévitablement conduire au subjectivisme. Le pari de Dilthey aura été de ne pas céder à un tel vertige : « Le besoin le plus violent que j'ai jamais ressenti, écrit-il encore à la fin de sa vie, c'est la soif de vérité objective. » Reste à déterminer jusqu'à quel point ce besoin, si estimable face aux séductions troubles du relativisme, s'est trouvé satisfait par le développement de sa réflexion.

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Écrit par

  • : docteur en sociologie, chargée de recherche au C.N.R.S.

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Pour citer cet article

Sylvie MESURE. DILTHEY WILHELM (1833-1911) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Wilhelm Dilthey - crédits : AKG-images

Wilhelm Dilthey

Autres références

  • COMPRÉHENSION (sociologie)

    • Écrit par Isabelle KALINOWSKI
    • 903 mots

    C’est au sein des sciences humaines allemandes de la seconde moitié du xixe siècle que la notion de compréhension a été formulée pour la première fois par l’historien Johann Gustav Droysen puis par le philosophe Wilhelm Dilthey. Elle est d’emblée définie en référence à un dualisme des...

  • CRITIQUE LITTÉRAIRE

    • Écrit par Marc CERISUELO, Antoine COMPAGNON
    • 12 918 mots
    • 4 médias
    ...philologique de Schleiermacher, conforme au positivisme français, postulait que la reconstruction du contexte d'origine était possible et suffisante, Dilthey et surtout Husserl voient dans toute œuvre la manifestation d'une conscience. La tâche du critique est de retrouver cette conscience, comme...
  • HERMÉNEUTIQUE

    • Écrit par Jean GREISCH
    • 3 294 mots
    • 3 médias
    ...conquiert ainsi un statut philosophique. Alors que Friedrich Schleiermacher (1768-1834) y voit encore une simple « science auxiliaire » de la philosophie, Wilhelm Dilthey (1833-1911) va lui accorder une dimension philosophique intrinsèque, en montrant le rôle central que les notions d'interprétation et de...
  • HISTORICITÉ

    • Écrit par Hans Georg GADAMER
    • 6 456 mots
    • 3 médias
    Dilthey, en tant qu'héritier de l'école historique, fut le premier à prendre conscience des conséquences philosophiques que contient cet héritage, et qui, avec l'idée du « droit naturel », mettaient aussi en question l'idée de la vérité intemporelle. Avec son ami le comte Ludwig Yorck von Wartenburg,...
  • Afficher les 9 références

Voir aussi