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VILLEGLÉ JACQUES MAHÉ DE LA (1926-2022)

Né le 27 mars 1926 à Quimper, Jacques Mahé de la Villeglé – plus tard abrégé en Jacques Villeglé – a rencontré Raymond Hains (1926-2005) en 1945 à l'école des Beaux-Arts de Rennes : à partir de là, ils allaient travailler ensemble de nombreuses années durant. Dès 1947, à Saint-Malo, il commence à collecter des « objets trouvés » : fils de fer ou « débris éclatés du mur de l'Atlantique », et abandonne des études d'architecture pour s'installer à Paris à la fin de 1949.

Ayant « pris ses distances vis-à-vis de l'acte de peindre et de coller » et certain que « l'absence de préméditation, de toute idée préconçue, devait devenir, non seulement pour [lui] mais universellement, une inépuisable source d'art, d'un art digne des musées », Villeglé arrache avec Hains des affiches lacérées sur les murs et met au point les « lettres éclatées » qui vont leur servir à composer Hépérile éclaté, le poème de Camille Bryen qu'ils rendent « illisible » à partir de sa déformation à travers des verres cannelés. Les films Pénélope, Loi du 29 juillet 1881 et Défense d'afficher doivent autant au regard de Villeglé qu'à celui de Hains. Ayant suivi les récitals de poésie lettriste, ou ultralettriste, de François Dufrêne, ils vont former avec lui, en 1954, une sorte de groupe semi-clandestin, qui devance l'avant-garde des années 1960. Après la première exposition des affiches lacérées de Hains et Villeglé chez Colette Allendy en 1957, Villeglé soulignera avec clarté la différence entre ce qu'il appelle la « lacération anonyme » et le collage : « Il y a 500-600 ans les peintres s'éveillant à un nouveau mode de représentation découpaient des vedute dans le rideau qui servait de fond aux tableaux religieux ; “Lacéré anonyme” de même ouvre de quatre coups de rasoir une fenêtre dans le mur de signes fonctionnels de l'affiche. »

En mai 1959, Hains, Villeglé et François Dufrêne exposent chez ce dernier « dessus » et « dessous d'affiches », et se manifestent de même par leur exposition conjointe à la première biennale des Jeunes de Paris, où leur travail fait sensation. Ils cosignent tous trois le « Manifeste du nouveau réalisme » de Pierre Restany le 27 octobre 1960, puis participent aux manifestations du groupe ainsi formé avec Yves Klein, Tinguely, Spoerri, César, Raysse... Chargé d'une salle au Salon Comparaisons de 1960 à 1968, Villeglé sera le premier à inviter des représentants des Objecteurs, de l'école de Nice, de l’Arte povera et du MecArt. Il participe en 1962 à l'exposition Collages et Objets, organisée par Robert Lebel et Alain Jouffroy, qui rassemble pour la première fois les peintres américains du pop art et les nouvelles avant-gardes européennes, devient l'historien du courant Lacéré anonyme, revalorise l'œuvre du dadaïste Johannes Baader et le « décollage » du surréaliste Léo Malet. Il décolle en 1968 des affiches maculées de peinture (L'Anonyme du dripping) et, à partir de 1969, étudie les graffiti politiques, où il répertorie les nouveaux emblèmes de cette « écriture sauvage », qu'il appelle « la guérilla des signes ». Son exposition Les Présidentielles de 1981 vues par Villeglé, en 1982, marque sa volonté de coïncider avec l'histoire en train de se faire, et pas seulement avec celle de l'art.

Artiste exigeant, indépendant, discret, d'une grande cohérence avec ses décisions originelles, Villeglé est sans doute, parmi ceux qu'on a nommés les Affichistes, celui qui a su établir la lecture globale la plus aiguë, esthétique et politique, des arts spontanés de la rue. Toutes ses œuvres portent la marque du même regard sans complaisance ni vulgarité, qui tient à son « estime du choix, en tant qu'acte critique ». Il date et indique le lieu[...]

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Écrit par

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Classification

Pour citer cet article

Universalis et Alain JOUFFROY. VILLEGLÉ JACQUES MAHÉ DE LA (1926-2022) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • HAINS RAYMOND (1926-2005)

    • Écrit par Jean-Marc HUITOREL
    • 799 mots

    C’est un lieu commun d’affirmer que l’œuvre d’un artiste ne se clôt pas avec sa vie, un pléonasme de parler d’œuvre ouverte. À propos de Raymond Hains, on osera l’un et l’autre. Il était né le 9 novembre 1926, à « Saint-Brieuc-les-choux », comme il aimait à dire, à la suite de Jarry, et c’est là qu’a...

  • NOUVEAU RÉALISME

    • Écrit par Catherine VASSEUR
    • 2 608 mots
    ...images publicitaires depuis 1947. Lors du tournage d'un court-métrage, Loi du 29 juillet 1881, il « décolle » sa première affiche en compagnie de Jacques de La Villeglé. Collectionneur averti d'objets trouvés, ce dernier refusera de considérer ce geste comme l'« objectivation de l'expérience vécue...

Voir aussi