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VICTORIA (reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande)

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Une figure iconique (1887-1901)

Après son jubilé d’or, Victoria prit une dimension iconique. Son image était littéralement omniprésente : sur les pièces de monnaie et billets de banque, sur les timbres-poste (une invention faite pendant son règne, en 1840), objet de statues érigées partout dans l’empire (au sein duquel « Victoria » était le nom de localité le plus répandu), mais aussi sur d’innombrables objets du quotidien, comme les affiches publicitaires des marques fournissant la Cour et dont les produits avaient obtenu le Royal Warrant (mandat royal). La presse, en pleine expansion, avait compris que toute information se rapportant à la Couronne était source de ventes supplémentaires : apparut alors le « journaliste royal » (royal reporter), chargé de suivre les membres de la famille royale pour rendre compte de leurs divers engagements officiels ou déplacements privés.

L’ami et domestique de la reine, John Brown, étant mort en 1883, la Cour fit ensuite beaucoup de cas de la position tenue par un nouveau serviteur, Abdul Karim. D’origine indienne, musulman, il était entré au service de Victoria lors du jubilé de 1887, et elle l’avait chargé de lui apprendre l’ourdou, une des langues de l’Inde – ce pour quoi elle le surnommait munshi, c’est-à-dire « professeur ». Plus prosaïquement, il fit découvrir à la reine le poulet au curry – qui devint un de ses plats préférés et même, à terme, un plat national britannique. Plus encore que pour John Brown, cette proximité avec un domestique scandalisait les courtisans, alors que la reine montrait simplement qu’elle n’avait aucun préjugé social ou racial envers ses employés. Pour le gouvernement et l’opinion, le problème principal était qu’Abdul Karim était musulman et qu’il pouvait influencer la reine en faveur de ses coreligionnaires, alors que les rapports entre hindous et musulmans en Inde étaient très tendus. Mais ces craintes s’avérèrent infondées.

Le jubilé de diamant (1897) déclencha, plus encore que le précédent, l’enthousiasme populaire. Victoria devenait le souverain ayant régné le plus longtemps de l’histoire britannique – record qu’elle conserva jusqu’à ce que son arrière-arrière-petite-fille, Élisabeth II, la supplante, en 2015. L’empire britannique s’était encore agrandi, avec d’importantes avancées en Afrique, notamment. L’un des moments forts des festivités fut d’ailleurs le défilé, dans les rues de Londres, de plusieurs régiments coloniaux – procession dont il existe des images filmées. On y voit aussi la reine assister à la cérémonie d’action de grâces depuis son carrosse, placé à l’extérieur de la cathédrale Saint-Paul, ses rhumatismes l’empêchant de gravir les marches jusqu’à l’intérieur. De fait, sa santé déclinante l’obligea durant les dernières années de sa vie à se déplacer en fauteuil roulant, tandis que la cataracte l’avait rendue presque aveugle. Elle décéda le 22 janvier 1901, dans son château d’Osborne, où elle avait passé, comme à son habitude, les fêtes de fin d’année.

Les funérailles de la reine Victoria revêtirent un caractère réellement planétaire. Tout l’empire britannique, soit un cinquième des terres émergées et 390 millions d’habitants environ, porta le deuil, mais cela alla bien au-delà : le pape Léon XIII fit prier pour elle dans toutes les églises catholiques ; la Bourse de New York suspendit ses séances, et les drapeaux furent mis en berne aux États-Unis. Tous les grands États de l’époque étaient représentés, le 2 février, dans la chapelle Saint-Georges du château de Windsor, pour la cérémonie – de l’Allemagne (l’empereur Guillaume II était le petit-fils de Victoria), la Russie et l’Autriche-Hongrie, à l’Empire ottoman et au Siam, en passant par les très républicains États-Unis et France.

Le 4 février, la reine[...]

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Pour citer cet article

Philippe CHASSAIGNE. VICTORIA (reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 21/03/2024

Médias

Victoria et la monarchie familiale - crédits : Historical Picture Archive/ Corbis/ Getty Images

Victoria et la monarchie familiale

Victoria et John Brown - crédits : G. W. Wilson/ Bettman

Victoria et John Brown

Victoria, reine du Royaume-Uni - crédits : Culture Club/ Getty Images

Victoria, reine du Royaume-Uni

Autres références

  • VICTORIENNE ÉPOQUE

    • Écrit par et
    • 10 883 mots
    • 11 médias

    Petite-fille de George III, Victoria succède, en 1837, à son oncle Guillaume IV. Elle est alors âgée de dix-huit ans et découvre un héritage des plus difficiles : une monarchie déconsidérée par le souvenir d'un George IV corrompu et d'un Guillaume qui, « dans sa vie privée, aurait fait...

  • ÉLISABETH II (1926-2022) reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (1952-2022)

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    Née le 21 avril 1926 à Londres, Elizabeth Alexandra Mary Windsor régna, à partir de 1952, sur le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord sous le nom d’Élisabeth II (orth. franç.), et fut parallèlement chef du Commonwealth jusqu’à sa mort, le 8 septembre 2022, au château de...

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    L' époque victorienne couvre la plus grande partie du xixe siècle. La reine dont elle tient son nom est montée sur le trône en 1837, à l'âge de dix-huit ans, elle est morte en janvier 1901. Mariée en 1840 à Albert de Saxe-Cobourg, qui fournit ainsi à sa dynastie une nouvelle dénomination, elle...