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MORE THOMAS (1477 ou 1478-1535)

Le défenseur du biblisme érasmien, de l'Église et de la foi

Mais, aussi attachant soit-il, l'humaniste en More ne peut faire oublier le chrétien. More professe vis-à-vis des bonae litterae l'attitude que son maître et ami Érasme développe par exemple dans sa fameuse Paraclesis ou Exhortation à l'étude de la philosophie chrétienne. Elles constituent seulement une propédeutique à la philosophia Christi, elles préparent le chrétien à une tâche plus essentielle et plus urgente, celle de l'étude et de la traduction des textes de l'Écriture. La maîtrise des langues grecque et latine est moins orientée vers la découverte des chefs-d'œuvre antiques que vers une meilleure compréhension de la Parole de Dieu. Socrate est grand, mais le Christ le dépasse infiniment, comme l'ordre de la charité dépassera chez Pascal l'ordre de l'esprit. Les célèbres lettres de More à Martin Van Dorp (octobre 1515), à l'université d'Oxford (1518), à Edward Lee et à « un certain moine » (monachus quidam) de 1519 et 1520 constituent autant de plaidoyers chaleureux en faveur du grec (tout ce qui compte dans tous les domaines du savoir, y compris la théologie, est grec, dit-il aux « Troyens » d'Oxford), et prennent la défense de l'édition bilingue du Nouveau Testament donnée par Érasme en 1516. More s'y livre, avec une verve heureuse qui rappelle les Epistolae obscurorum virorum (1516) ou le In pseudodialecticos de Vives (1519), à la démolition de cette théologie disputatrix, stérile, arrogante, morcelée en quaestiunculae et en sophismata, qui préfère le jargon et les vaines subtilités des Parva Logicalia à la Parole même de Dieu et aux premiers Pères de l'Église. Il y affirme, contre Dorp et les théologiens de Louvain, la nécessité de corriger le texte de la Vulgate, même après les corrections de saint Jérôme, et proclame déjà hautement la supériorité de la tradition vivante de l'Église (le consensus fidelium) sur le texte écrit.

Après l'apparition des premiers pamphlets de Luther (le De captivitate babylonica date de 1520) et la publication de l'Assertio septem sacramentorum de Henri VIII (1521), More devient le defensor fidei officiel de l'Angleterre, le champion infatigable de l'Église visible, pécheresse et menacée. Ses principaux écrits polémiques (Adversus Lutherum, 1523 ; Dialogue Concerning Tyndale, 1528 ; The Supplication of Souls, 1529 ; The Confutation of Tyndale's Answer, 1532-1533 ; The Apologye of Sir T. More et The Debellation of Salem and Byzance, 1533) lui assurent, selon A. Prévost, une « place unique dans l'histoire de la pensée religieuse de son siècle ».

Ses écrits de prison (notamment ses Lettres et son Dialogue of Comfort against Tribulation) attestent la sincérité et la pureté de sa foi. Il consacra la fin de sa vie à une Imitation fervente de la Passion du Christ, qui lui permit de trouver la joie au cœur même de la souffrance et de l'épreuve. Il fit de sa mort une élévation et une délivrance, un acte d'adoration.

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Écrit par

  • : professeur de littérature française, directeur du département des langues romanes, The Johns Hopkins University, Baltimore

Classification

Pour citer cet article

Gérard DEFAUX. MORE THOMAS (1477 ou 1478-1535) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<em>Thomas More</em>, H. Holbein le Jeune - crédits : VCG Wilson/ Corbis/ Getty Images

Thomas More, H. Holbein le Jeune

Autres références

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