SUPRACONDUCTIVITÉ
Dans les années 1910, la théorie des métaux de Paul Drude attribue leur conductivité à l’existence en leur sein d’électrons libres, non liés aux ions du réseau cristallin. Cette conductivité est limitée par l’interaction avec les vibrations de ce réseau (ou phonons) et les impuretés du métal. Cette théorie prévoyait une décroissance de la résistivité électrique ρ du métal avec l’abaissement de la température, ρ tendant progressivement vers 0 au zéro absolu (0 kelvin, ou K, soit – 273,15 0C). Mais, à cause des impuretés contenues dans les échantillons réels de métaux, une résistance résiduelle perdurait encore. Heike Kamerlingh Onnes, physicien à Leyden, fut le premier à réussir à liquéfier l’hélium (He) et à atteindre des records de basse température (1 kelvin ou K). Il voulut tester les prédictions théoriques et choisit le mercure (Hg) car il était possible de l’obtenir à l’état pur par distillation. Avec son élève Gilles Holst, il réalisa en avril 1911, la mesure de la résistivité du mercure en abaissant progressivement la température.

Première mise en évidence de la supraconductivité
Encyclopædia Universalis France
Première mise en évidence de la supraconductivité
Dans cette expérience réalisée par G. Holst et H. Kamerlingh Onnes en 1911, on mesure la résistivité…
Encyclopædia Universalis France
À leur grand étonnement, la résistance tombait à 0 à partir d’une température finie de 4 K, dite température critique (T c ), pour le mercure. Cette expérience constitua la première observation de la supraconductivité. Lorsque la T c est atteinte, la résistance est donc vraiment nulle, non mesurable avec les appareils les plus perfectionnés : un courant électrique lancé dans un anneau de plomb (Pb) devenu supraconducteur en dessous de 4K, continue à circuler en théorie indéfiniment sans atténuation et sans aucun apport d’énergie extérieure. Depuis, de nombreux métaux et alliages supraconducteurs ont été découverts (Al, Pb, Nb, Nb3Sn…) avec des T c variables, atteignant 23 K pour le niobium-germanium (Nb3Ge), puis des cuprates avec des T c permettant d’utiliser l’azote liquide pour le refroidissement (donc supérieurs à 77,36 K soit – 195,79 0C), ouvrant ainsi de nombreuses perspectives d’applications.
La lévitation magnétique des supraconducteurs
L’effet Meissner, du nom de son découvreur en 1933, est une propriété remarquable des matériaux supraconducteurs qui désigne le phénomène d’expulsion du champ magnétique de l’intérieur de ceux-ci.
On classe les corps en deux catégories selon leurs propriétés magnétiques. Les paramagnétiques et les ferromagnétiques, comme le fer (Fe), s’aimantent dans la direction du champ extérieur qu’on leur applique, et les corps ferromagnétiques sont attirés par les aimants. Les corps diamagnétiques s’aimantent dans le sens inverse du champ extérieur et sont repoussés par les aimants. Si le champ magnétique intérieur de matériaux diamagnétiques atteint 0, on dit qu’ils sont des diamagnétiques parfaits.
Lorsqu’on place un cylindre supraconducteur (en plomb, par exemple) dans un champ magnétique extérieur H, la mesure du champ magnétique B à l’intérieur du cylindre donne 0. Il s’agit donc d’un diamagnétique parfait.

Lévitation magnétique
Julien Bobroff/CNRS Photothèque
Lévitation magnétique
Un aimant est placé au-dessus d'une pastille d'un cuprate supraconducteur de type YBaCuO (yttrium,…
Julien Bobroff/CNRS Photothèque
Si l’on place maintenant un échantillon supraconducteur au-dessus d’un aimant, la pesanteur est compensée par la répulsion magnétique liée à l’expulsion du champ magnétique intérieur B du matériau supraconducteur : l’échantillon flotte. Ce phénomène est appelé « lévitation magnétique ».
Leur comportement vis-à-vis du champ magnétique extérieur sépare les supraconducteurs en deux catégories. Le plomb est un exemple de supraconducteur de type I. Le champ magnétique interne du plomb à l’état supraconducteur est expulsé jusqu’à un champ appliqué extérieur maximum H c (dit champ critique), atteignant la valeur 5 × 10–2 tesla (T ; unité d’induction magnétique) pour le plomb à 4 K. La valeur de H c décroît quand la température T augmente et s’annule lorsqu’elle atteint la valeur[...]
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Écrit par
- Julien BOK : ancien directeur du laboratoire de physique de l'École normale supérieure
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Pour citer cet article
Julien BOK, « SUPRACONDUCTIVITÉ », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
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Première mise en évidence de la supraconductivité
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Première mise en évidence de la supraconductivité
Dans cette expérience réalisée par G. Holst et H. Kamerlingh Onnes en 1911, on mesure la résistivité…
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