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SIMULATION, chimie

Bien avant l'avènement de la chimie, d'habiles artisans savaient contrefaire l'or, d'autres métaux nobles comme l'argent ou le platine, les pierres précieuses. Ces experts en imitations acquirent un savoir certain, tout à la fois pratique et théorique.

Au xvie siècle, Bernard Palissy (1510 env.-1589 ou 1590), observateur avisé des phénomènes naturels et l'un des pères de la science expérimentale, imite la nature par admiration de la création divine : il fabrique donc des simulacres, qu'il s'agisse des « rustiques figulines » ornant ses plats de faïence ou de grottes artificielles.

Évolution des simulations en chimie

Au cours du xviie siècle, lorsque l'alchimie cède le pas à la chimie, la discipline toute neuve hérite de cet art des simulacres. Puis, en s'affirmant, la chimie fournit à la société de nombreuses productions artificielles, imitant la nature ou prétendant l'améliorer. Citons l'aspirine (1900), antalgique aux effets secondaires bien moindres que ceux de son modèle naturel ; la Bakélite (1907), l'une des premières matières plastiques artificielles ; les caoutchoucs artificiels (début du xxe s.) ; le Nylon (1937) et les soies artificielles que sont les autres polyamides ; l'aspartame (1965), un édulcorant de référence... De façon très générale, cette activité de l'industrie chimique a doté la planète d'une véritable chimiosphère, où les formulations sont à présent légion. C'est que, en jouant avec les objets de leur activité, les chercheurs accèdent à des résultats fondamentaux.

Les modèles moléculaires, comme des maquettes agrandies, permettent de se faire une idée, par la vue et par le toucher, de ce à quoi ressemble une molécule quelconque. Leur rôle est fondamental, puisqu'ils servent de support à l'imagination. La notion d'objet moléculaire ne va pas de soi. Alors qu'une molécule, cette minuscule miette ou gouttelette de matière, aux dimensions de l'ordre de grandeur du nanomètre (10–9 m), nous est et nous reste imperceptible, un véritable acte de foi pose qu'elle ne diffère pas des objets usuels. Dès lors, on peut la doter d'une forme précise, d'une plus ou moins grande rigidité, d'une dureté ou au contraire d'une mollesse, d'une élasticité, d'une texture de surface, d'un volume propre.

Durant un bon siècle (1860-1960), ces modèles ont été faits de tiges en bois ou en métal pour simuler les liaisons entre atomes, et de boules pour représenter les atomes. À partir des années 1930, des boîtes de modules standardisés furent commercialisées. On les assemblait comme un jeu de construction pour les enfants (modèle CPK, modèle de Dreiding, etc.).

À présent, la modélisation se fait sur ordinateur, au moyen de divers logiciels. Le recours à l'informatique permet l'animation du modèle. On peut ainsi conférer aux atomes les mouvements dont, en réalité, ils sont animés (dynamique moléculaire). De la sorte, les chimistes s'essaient, par exemple, à concevoir des molécules de médicaments. Puisque ces derniers vont s'encastrer dans des récepteurs biologiques, de nature protéique, on peut espérer remonter de la connaissance de la géométrie précise de l'une de ces logettes à la définition des molécules pouvant venir s'y insérer. On fignole ensuite les contacts entre atomes se trouvant en regard, à la suite de fixations des molécules actives sur leurs sites opérationnels. Il y a là, à l'échelle nanoscopique, un labeur d'ajusteur.

Le plus souvent, une simulation s'impose parce que le système réel nous reste inaccessible. Il est trop éloigné, trop vaste, trop complexe, trop dangereux, trop onéreux... Ainsi, la simulation est au laboratoire ce que ce dernier est à la nature : un modèle réduit. Ce qui pose une question de fond :[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'École polytechnique et à l'université de Liège (Belgique)

Classification

Pour citer cet article

Pierre LASZLO. SIMULATION, chimie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • GÉNIE CHIMIQUE

    • Écrit par Henri ANGELINO, Henri GIBERT, Pierre PIGANIOL
    • 7 794 mots
    • 10 médias
    Depuis longtemps, on utilise l'ordinateur dans la conception de l'ensemble du procédé pour la simulation, c'est-à-dire pour représenter artificiellement un fonctionnement réel. Les années 1960 ont vu la naissance de nombreux simulateurs créés par des équipes universitaires ou par des industriels....
  • KARPLUS MARTIN (1930- )

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 450 mots
    • 1 média

    Physico-chimiste austro-américain, Prix Nobel de chimie en 2013, Martin Karplus naît à Vienne (Autriche) le 15 mars 1930 dans une famille juive qui fuit la Shoah en émigrant aux États-Unis en 1938. Après des études universitaires à Harvard, il prépare son doctorat sous la direction de Linus Pauling...

  • PHARMACOLOGIE

    • Écrit par Edith ALBENGRES, Jérôme BARRE, Pierre BECHTEL, Jean-Cyr GAIGNAULT, Georges HOUIN, Henri SCHMITT, Jean-Paul TILLEMENT
    • 20 323 mots
    • 9 médias
    La finalité de cette méthode est de se représenter et de prévoir par le calcul la structure 3D qu'une molécule doit avoir pour interagir avec un récepteur donné. Cette méthode peut donc s'appliquer soit pour optimiser des molécules connues, soit pour concevoir, ab initio, de nouvelles...
  • PRIX NOBEL DE CHIMIE 2013

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 400 mots
    • 3 médias

    Le prix Nobel de chimie récompense en 2013 trois théoriciens experts de la simulation numérique des réactions chimiques. L'Austro-Américain Martin Karplus (né le 15 mars 1930 à Vienne en Autriche) est professeur émérite à l'université Harvard et directeur du laboratoire de chimie-biophysique...

Voir aussi