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SAṂNYĀSIN ou SANNYĀSIN

Au cœur de la tradition brahmanique classique (depuis le ~ viiie s. et jusqu'à nos jours) se trouve l'idée que l'existence n'est rien, si on la réfère à l'essence. Le monde des phénomènes n'est pas dépourvu d'être propre (comme le pensent les bouddhistes), puisqu'il est soutenu par le Principe (le brahman), dont il est issu et auquel il fera retour à la fin du cycle cosmique pour renaître à nouveau, et cela indéfiniment. Mais le déploiement de la manifestation est, par définition, transitoire, non permanent, précaire.

Aussi les hindous ont-ils ressenti, dès l'origine, une sorte de « nostalgie de l'Être », un « goût de l'Absolu » qui les a conduits à un pessimisme métaphysique radical : tout ce qui existe est soumis à la loi du malheur, de la souffrance (sarvam duḥkam : « tout est souffrance »). Chez l'homme, que le désir pousse à agir, chaque acte est créateur de karman ; et celui-ci détermine à quel degré de l'échelle hiérarchique des êtres (des animaux aux dieux) l'individu devra renaître après sa mort. Les paradis eux-mêmes (et les enfers) où vont, pour un temps, ceux qui ont accompli des œuvres exceptionnelles en bien (ou en mal) sont du domaine phénoménal : ils « existent » et, à ce titre, disparaîtront, eux aussi, à la fin du cycle. De là vient l'idée que, pour échapper au cours indéfini des renaissances (samsāra : « transmigration »), il faut et il suffit de cesser d'agir, donc de renoncer au monde (saṃnyāsa : « renoncement »).

Celui qui décide de quitter le siècle le fait comme on entre en religion : il prononce des vœux irréversibles qui font de lui un mort-vivant. Les ayants droit héritent de ses biens puisqu'il est déclaré décédé ; son épouse devient veuve et peut se remarier, lorsque la tradition de caste ne s'y oppose pas. Le plus souvent, un rituel solennel marque le départ de celui que l'on nomme désormais samnyâsin (saṃnyāsin : « renonçant »), sâdhu (sādhu : « saint ») ou bhikshu (bhikṣu : « mendiant »).

Ayant l'obligation d'errer sans cesse et de vivre d'aumône (car il ne doit rien posséder), le samnyâsin peut vivre une vie solitaire (beaucoup font vœu de silence) ; mais, le plus souvent, après être parvenu au terme de sa quête spirituelle, il accepte des disciples à qui il transmet l'initiation qu'il a lui-même reçue de son maître. Il devient alors un guru (« maître spirituel ») et fonde parfois un âshram (āśrama), sorte d'école religieuse formée par le cercle des disciples qui vivent autour du guru.

Quelques-unes de ces écoles sont devenues de véritables sectes qui se perpétuèrent après la mort du maître. L'une d'elles a donné naissance à une grande religion : le bouddhisme est né, en effet, de l'enseignement du plus prestigieux des samnyâsins, le prince Gotama Siddhârta qui, après avoir renoncé au monde, atteignit la connaissance suprême (aussi l'appela-t-on buddha, « l'éveillé »), reçut des disciples et fonda une « communauté » (saṅgha) qui, par la suite (le Buddha vécut au ~ vie siècle), se transforma en une « Église » universelle.

— Jean VARENNE

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III

Classification

Pour citer cet article

Jean VARENNE. SAṂNYĀSIN ou SANNYĀSIN [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ASCÈSE & ASCÉTISME

    • Écrit par Michel HULIN
    • 4 668 mots
    • 1 média
    ...intellectualiste » est représentée par des écoles telles que le sāṃkhya et le vedānta. Elle suppose une rupture initiale avec le monde : le « renonçant » ( saṅnyāsin) abandonne ses biens, sa famille, sa caste et jusqu'à son nom, pour se consacrer uniquement à la poursuite de la délivrance ultime (...
  • BHIKṢU

    • Écrit par Jean VARENNE
    • 92 mots

    Nom donné à ceux des hindous qui, pour obtenir la délivrance (moksha,[ṃoksa], c'est-à-dire le « salut »), décident de renoncer au monde et se doivent de ne plus rien posséder qu'un bâton pour s'aider dans leur marche et un bol pour recueillir les aumônes. On les nomme encore sâdhus (...

  • GURU ou GOUROU

    • Écrit par Jean VARENNE
    • 247 mots

    Mot sanskrit qui signifie d'abord « lourd », « pesant », et qui désigne, dans l'hindouisme classique (depuis le ~ viiie s.) et dans l'hindouisme moderne, le « maître spirituel » dans la mesure où on le tient pour riche en force magique et en science sacrée. Il s'agit, d'ailleurs,...

  • INDE (Arts et culture) - Les doctrines philosophiques et religieuses

    • Écrit par Jean FILLIOZAT
    • 16 660 mots
    • 3 médias
    ...modes de vie particuliers. Beaucoup ont eu pour attitude commune de renoncer pour eux-mêmes au bénéfice ordinaire de la vie mondaine. Ces renonçants ( sannyāsin), en se dégageant de l'emprise mondaine dès cette vie, préparent leur dégagement définitif des liens qui enserrent et amoindrissent leur individualité...
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Voir aussi