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SPIEGEL SAM (1903-1985)

L'industrie du cinéma américain regrette parfois, après avoir longtemps condamné leur dictature, les grands producteurs des années 1940 et 1950. Sam Spiegel fut l'un de ces ultimes « nababs » décrits sans complaisance par Scott Fitzgerald dans son roman posthume. Curieux déterminisme de l'histoire : The Last Tycoon fut le dernier film produit par Sam Spiegel en 1976. S'il fut un producteur indépendant, son nom n'en reste pas moins étroitement lié aux succès que connut la firme Columbia, à une époque où le cinéma entrait dans sa première phase critique.

Né dans l'ancien empire austro-hongrois, à Jarosław, maintenant territoire polonais, le jeune Spiegel arrive aux États-Unis en 1925. Là, à l'image de nombreux réalisateurs, il entre dans les premiers studios hollywoodiens comme conseiller pour les versions étrangères (c'était l'époque des films tournés en double version). Après avoir fait ses classes à la M.G.M., il devient aux studios Universal le responsable des versions allemandes. Envoyé à Berlin, il y séjournera jusqu'en 1933. Il ne regagnera les États-Unis qu'au début de la Seconde Guerre mondiale. Il devient alors le producteur d'un autre exilé, le réalisateur français Jean Duvivier, pour Tales of Manhattan (Six Destins, 1942), film à sketches, américain par la distribution, mais européen dans son style, qui associe étroitement l'expressionnisme allemand et la vision très sombre du réalisateur. Après la guerre, et toujours sous un pseudonyme, Spiegel produit un film d'Orson Welles, The Stranger (Le Criminel, 1945), dont John Huston a écrit le scénario. De cette rencontre avec Huston naîtra la firme Horizon Pictures, qui produira avec succès African Queen (1952), d'après le roman de C. S. Forester. L'intérêt de ce film repose sur la recette suivante : un couple de vedettes (H. Bogart et K. Hepburn) est projeté dans une situation irréversible et hautement spectaculaire (une descente en radeau) ; par ailleurs, des dialogues littéraires sont frappés au coin de l'humour hustonien. La firme produisit également deux films moins célèbres mais tout aussi remarquables, We Were Strangers (Les Insurgés, 1949) du même J. Huston, et The Prowler (Le Rôdeur, 1951) de Joseph Losey, en Angleterre, puis, en 1954, Sur les quais, d'Elia Kazan, avec Marlon Brando. Là encore, Sam Spiegel sut allier critères artistiques et éléments plus « accrocheurs », capables d'assurer le succès au box-office. Moins esthète qu'homme d'affaires avisé, il fera connaître ses plus grands triomphes à la firme Columbia, avec Le Pont de la rivière Kwaï (1957) de David Lean, et Soudain l'été dernier (1959) de Joseph Mankiewicz. Il réussira même à relancer le mythe de la superproduction dans les années 1960, pourtant très critiques à l'égard d'un tel système : ce sera donc de nouveau la consécration, avec Lawrence d'Arabie, réalisé par David Lean en 1962, et interprété par de nombreux acteurs plus rompus au théâtre shakespearien qu'à la fiction hollywoodienne.

Malgré le déclin du cinéma des grands studios, Sam Spiegel commandite des œuvres importantes, et fait alterner de nouveaux réalisateurs – Arthur Penn pour The Chase (La Poursuite impitoyable, 1965) – et des metteurs en scène classiques – Anatole Litvak, avec La Nuit des généraux, 1967. En 1971, Nicholas et Alexandra, de Franklin Schaffner, ne remportera pas le succès escompté, et Spiegel devra demeurer inactif jusqu'en 1976 : Le Dernier Nabab constitue en quelque sorte son œuvre testamentaire. Le héros du roman de Scott Fitzgerald avait été inspiré par Irvin Thalberg, créateur de l'image de marque de la M.G.M. Pour réaliser ce film, Spiegel, reprit Kazan comme réalisateur. Il souhaitait montrer, à travers cette dernière production, la fragilité du système[...]

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André-Charles COHEN. SPIEGEL SAM (1903-1985) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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