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RACHI SALOMON BEN ISAAC dit (1040-1105)

Le Commentateur par excellence

Les œuvres principales de Rachi sont, indéniablement, ses commentaires de l'Écriture et du Talmud. S'il est certain que sa science et son autorité s'étendent à tous les secteurs de la culture et de la tradition juives, Rachi reste avant tout le Commentateur par excellence. Cette entreprise colossale que constitue son commentaire de la majeure partie du Talmud représente une œuvre unique dans l'histoire de la culture juive. Elle a supplanté largement tous les commentaires antérieurs et découragé toute tentative ultérieure parallèle, tant il était évident qu'il avait atteint le summum de ce qui était humainement réalisable dans ce genre.

La spécificité du commentaire de Rachi réside en premier lieu dans sa présentation : il ne s'agit pas de gloses informatives autonomes, mais de parenthèses explicatives qui s'insèrent dans le corps même du texte, déployant simplement la phrase talmudique, mais sans la dénaturer, lui conservant ainsi son caractère si profondément oral. L'étudiant est ainsi initié « de l'intérieur » et accède directement et personnellement au texte lui-même. Car, et c'est là une seconde particularité, le commentaire présente un caractère très populaire, vulgarisateur. Sa lecture est si aisée, son style si clair et si simple qu'ils permettent à l'élève qui peine dans le déchiffrage de la langue talmudique – l'araméen – de s'initier simultanément à la forme et au fond. Suivant pas à pas le fil du raisonnement, le commentaire devance les questions qui, au fur et à mesure, viennent à l'esprit du lecteur : celui-ci se laisse ainsi guider et, presque inconsciemment, s'initie à la dialectique talmudique. Toutefois, si l'ouvrage est destiné au débutant, il l'est encore bien plus au spécialiste : sous une apparence presque naïve, Rachi répond aux préoccupations les plus profondes et les plus complexes touchant à l'analyse du texte, mais seuls ceux qui sont versés dans la science talmudique sont à même de les déceler. Ainsi le commentaire de Rachi concerne tous les niveaux et présente lui-même une structure stratifiée dont on pénètre les couches profondes à mesure que l'on progresse en savoir.

C'est cet aspect qui est le plus fascinant dans l'œuvre de Rachi et qui lui confère presque un côté mystique. Des générations de talmudistes expérimentés ont peiné pour établir l'intention dernière de l'auteur. À la base de cette polyvalence, la précision, la concision, la minutie dans l'usage des lettres et des mots. Une lettre mise à la place d'une autre peut révéler au lecteur attentif toute une réflexion, ou même toute une dialectique implicite. Ce sens du lapidaire poussé à l'extrême a été souvent souligné par les rabbins et est devenu proverbial : « La goutte d'encre qui a séché sur la plume de Rachi contient plus de sagesse que l'océan ne contient de vagues. » On a dit encore de lui : « Dans un seul mot, il enfermait des réponses à des faisceaux de questions. » C'est, sans nul doute, ce talent, ce génie de la pédagogie qui ont fait de Rachi le « Maître » par excellence, « la lumière des yeux de tout Israël ».

Le commentaire de Rachi présente enfin un intérêt d'ordre historique et général. L'auteur, en effet, doué aussi d'esprit pratique, donne chemin faisant mille indications sur les usages et les métiers de son temps. Sur la taille des pierres : « On équarrit la pierre et on l'(arête) ; tout se fait d'après les usages locaux, car il y a des endroits où on a l'habitude de lisser la pierre et d'autres de la rayer de nombreuses stries, comme en Allemagne » (Sabbat, 102 b). « La bière ne se faisait alors qu'avec des dattes, tandis qu'en Médie on en faisait avec du jus d'orge,[...]

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Pour citer cet article

Ernest GUGENHEIM et Michel GUGENHEIM. RACHI SALOMON BEN ISAAC dit (1040-1105) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • RASHI DE TROYES

    • Écrit par Gérard NAHON
    • 196 mots

    Après avoir étudié dans les académies juives de Worms et de Mayence, Salomon ben Isaac, dit Rachi (ou Rashi), vit à Troyes où, dit-on, tout en soignant sa vigne, il explique à ses disciples le Talmud de Babylone dont les manuscrits gagnent les communautés juives d'Occident. Il utilise les leçons...

  • JUDAÏSME - Histoire du peuple juif

    • Écrit par Gérard NAHON
    • 11 244 mots
    • 9 médias
    ...modèlent le judaïsme occidental : Gershom de Metz, qui fait adopter diverses taqqanot (règlements), dont celle qui abolit la polygamie et le lévirat, et Salomon ben Isaac, dit Rashi de Troyes, qui rédige un commentaire de la Bible et du Talmud caractérisé par la clarté, la simplicité et un intérêt très...

Voir aussi