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ROSE-CROIX

Les ordres contemporains

Aux xixe et xxe siècles, comme par le passé, on s'empare d'un nom sonore et fascinant sans se donner la peine de préciser la doctrine enseignée par ceux qui avaient été les premiers à se réclamer de lui. On se contentera de citer quelques noms d'ordres créés çà et là ; la liste est loin d'être exhaustive. En 1867 naît en Angleterre la Societas Rosicruciana in Anglia, qui est d'inspiration authentiquement chrétienne et dont les rituels sont empreints d'un symbolisme « traditionnel » au meilleur sens du terme. Plusieurs de ses membres – dont Samuel L. Mathers, beau-frère de Bergson – s'en détachent pour créer en 1887 une société dissidente, la Golden Dawn in the Outer, dont fait partie Bulwer Lytton et qui est destinée à mettre en œuvre les voies actives de la magie. L'important ouvrage de la Golden Dawn, dû à Israël Regardie et intitulé The Golden Dawn (1937-1940), somme de théurgie et de kabbale occidentale, contient des développements sur le symbolisme de la rose et de la croix. En Allemagne, l'ordre de la Rose-Croix ésotérique, fondé en 1888 par Franz Hartmann, s'inspire des idées de Fictuld sur la Rose-Croix d'or. La même année, Stanislas de Guaïta fonde l'ordre kabbalistique de la Rose-Croix, dont font aussi partie Papus et Peladan ; le terrain avait été préparé par Eliphas Levi. Mais Peladan se sépare de cet ordre pour créer une société dissidente, l'ordre de la Rose-Croix, du Temple et du Graal, appelé aussi Rose-Croix catholique. Le xxe siècle s'ouvre avec l'Association rosicrucienne de Max Heindel, aux États-Unis, préoccupée d'astrologie et dont font partie de nombreux guérisseurs ; elle existe toujours et compte des milliers d'adhérents ; son centre se trouve à Mount Ecclesia, près de Los Angeles. En Angleterre, en 1912, les membres de la franc-maçonnerie mixte créent un ordre du Temple et de la Rose-Croix ; Annie Besant, l'une de ses fondatrices, invente à cette occasion une histoire stupéfiante sur les réincarnations successives de Christian Rosenkreutz.

C'est l' A.M.O.R.C. (Antiquus Mysticusque Ordo Rosae Crucis) qui reste l'ordre le plus important quantitativement. Organisé en 1909 par Harvey Spencer Lewis, son siège international se trouve à San José (Californie). L'A.M.O.R.C. se réclame assez vaguement de l'idéal initiatique des premiers rose-croix du xviie siècle ; la filiation restant indémontrable, il allègue diverses « transmissions ». L'enseignement comporte, outre les travaux collectifs, une pédagogie tendant à développer la personnalité spirituelle de ses membres, qui reçoivent généralement leurs initiations dans les loges. Cet ordre est bien connu du grand public par l'intense publicité à laquelle il se livre dans le monde entier ; selon ses propres affirmations, il atteindrait un effectif de six millions de membres, dont cent mille en France. Il est assez bien représenté dans les États africains (20 p. 100). On retrouve plusieurs éléments de la Golden Dawn dans ses grades terminaux. Mentionnons enfin deux autres obédiences : l'étrange fraternité des Polaires, qui, fondée sur une méthode oraculaire enseignée par Zam Bathiva, se prétend une résurrection de la « vraie Rose-Croix » ; et l'École internationale de la Rose-Croix, ou Lectorium Rosicrucianum, dont le siège est aux Pays-Bas, et qui s'inspire à la fois des cathares, du Graal et de la Rose-Croix. Elle se veut gardienne des antiques mystères chrétiens et publie des livres d'initiation mystique.

— Antoine FAIVRE

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section), professeur à l'université de Bordeaux-III

Classification

Pour citer cet article

Antoine FAIVRE. ROSE-CROIX [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • FLUDD ROBERT (1574-1637)

    • Écrit par Sylvain MATTON
    • 1 573 mots
    C'est pour défendre les manifestes rosicruciens contre les attaques d'A. Libavius que Fludd publia en 1616 son premier ouvrage, l'Apologia compendiaria, qui reparut en 1617, considérablement augmenté, sous le titre de Tractatus apologeticus. Tout en priant les Rose-Croix de le recevoir dans...
  • GUAÏTA STANISLAS DE (1861-1897)

    • Écrit par Antoine FAIVRE
    • 294 mots

    Né en Lorraine, ami de Maurice Barrès qu'il fit adhérer au martinisme, curieux de sciences secrètes et d'alchimie mais intoxiqué par les stupéfiants, Stanislas de Guaïta mourut prématurément. Initié à l'ésotérisme chrétien par Éliphas Lévi, et aux grands mystères en général...

  • KABBALE

    • Écrit par François SECRET, Gabrielle SED-RAJNA
    • 7 223 mots
    ...Avec Paracelse s'engage un processus qui sera illustré par l'Amphitheatrum Sapientiae aeternae (1609) d'Henri Kunrath, comme par le mouvement de la Rose-Croix. Et, parce que Jean Trithème a été le maître de Paracelse, sa Steganographie en viendra à désigner l'alchimie pour Jacques Gohory, un des...
  • PELADAN JOSEPH dit JOSÉPHIN (1859-1918)

    • Écrit par Antoine FAIVRE
    • 441 mots

    Partisan de l'ésotérisme et fondateur d'un ordre rosicrucien catholique, Joséphin Peladan, qui se donnait le titre de sâr, hérité, prétendait-il, d'un ancêtre roi babylonien, faisait grand cas de Fabre d'Olivet tout comme son contemporain Stanislas de Guaïta, le fondateur,...

  • Afficher les 8 références

Voir aussi