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ROSE-CROIX

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Les cercles allemands du XVIIIe siècle

Au siècle des Lumières, les sociétés groupées sous le nom de « Rose-Croix » existent surtout en Allemagne, où elles prennent le nom encore plus poétique de « Rose-Croix d'or » (Gold- und Rosenkreutz). Il s'agit de groupements épars, sans liens réciproques, et généralement préoccupés d'alchimie. Il faut beaucoup d'imagination pour voir une « filiation » ininterrompue entre ces groupements et les manifestes d'Andreae. Certes, l'expression Gold- und Rosenkreutzer avait déjà été employée à deux ou trois reprises au début du xvie siècle (par Petrus Mormius notamment) ; et le théosophe Samuel Richter, alias Sincerus Renatus, surtout, l'avait répandue par un écrit de 1709 consacré à la pierre philosophale, dans lequel on trouve déjà un projet de statuts pour une société portant ce nom, si bien qu'à la suite de Richter d'autres auteurs (dont J. H. Schmidt, alias Hermann Fictuld, en 1747) affirment l'existence d'une société des Rose-Croix d'or, détentrice des vrais arcanes hermétiques. Toutefois, c'est seulement ensuite, et pas avant 1755, qu'on découvre une trace historique palpable de cercles de ce nom : en Allemagne du Sud, en Europe centrale, à Francfort ; ils recrutent des gens importants, comme Stanislas II, roi de Pologne. Aucune de ces sociétés ne semble avoir été maçonnique, mais bon nombre de leurs membres sont également francs-maçons.

Tout à coup, en 1777, l'un de ces cercles manifeste une suprématie quantitativement indiscutable, celui des « Rose-Croix d'or d'ancien système » (Gold- und Rosenkreutzer älteren Systems) ; il se compose de neuf hauts grades et utilise des rituels passionnants pour l'historien du symbolisme. Au cours des deux années suivantes, de nombreux francs-maçons, assoiffés de mystère et d'ésotérisme, quittent leurs loges maçonniques de la Stricte Observance templière pour se rallier à ces Rose-Croix d'or d'ancien système. En même temps, deux membres de l'ordre contribuent à son renom : F. J. W. Schröder, médecin alchimiste, et F. C. Œtinger, qui fut le plus grand théosophe allemand du xviiie siècle. Il faut mentionner trois autres personnages dont l'histoire se confond avec celle de cet ordre : Joseph Schleiss zu Löwenfeld, alias Phoebron, mériterait une belle monographie ; Bischoffswerder et Wöllner sont plus connus. Entré d'abord à la Stricte Observance templière, disciple du magicien Schrepfer, J. R. Bischoffswerder s'affilie aux Rose-Croix d'or d'ancien système, y fait entrer un obscur pasteur de la Marche, J. C. Wöllner ; tous deux initient ensuite à leur société le futur Frédéric-Guillaume II de Prusse : le 8 août 1781, grâce à des procédés « magiques », Bischoffswerder évoque pour la circonstance, au château de Charlottenburg, au milieu du tonnerre et des éclairs, les esprits de Marc Aurèle, de Leibniz et du Grand Électeur. Fait historique de grande portée ; en effet, dès qu'il monte sur le trône en 1786, Frédéric-Guillaume II nomme ses deux initiateurs, l'un, Wöllner, ministre d'État et des Cultes ; l'autre, Bischoffswerder, ministre de la Guerre. Pourtant, c'est à ce moment-là que l'ordre disparaît tout à coup, ses deux grands maîtres devenus ministres lui imposant un silanum général, probablement parce qu'ils n'ont plus, dès lors, besoin du rosicrucisme pour s'assurer une carrière ; à cela s'ajoute le fait que le cabinet autrichien limite considérablement le nombre de loges tolérées. Avant ces mesures, il est probable que les Rose-Croix d'or d'ancien système comptaient plusieurs milliers d'adhérents.

La littérature de ce milieu est intéressante pour l'historien de l'alchimie. On peut citer : [...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section), professeur à l'université de Bordeaux-III

Classification

Pour citer cet article

Antoine FAIVRE. ROSE-CROIX [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • FLUDD ROBERT (1574-1637)

    • Écrit par
    • 1 573 mots
    C'est pour défendre les manifestes rosicruciens contre les attaques d'A. Libavius que Fludd publia en 1616 son premier ouvrage, l'Apologia compendiaria, qui reparut en 1617, considérablement augmenté, sous le titre de Tractatus apologeticus. Tout en priant les Rose-Croix de le recevoir dans...
  • GUAÏTA STANISLAS DE (1861-1897)

    • Écrit par
    • 294 mots

    Né en Lorraine, ami de Maurice Barrès qu'il fit adhérer au martinisme, curieux de sciences secrètes et d'alchimie mais intoxiqué par les stupéfiants, Stanislas de Guaïta mourut prématurément. Initié à l'ésotérisme chrétien par Éliphas Lévi, et aux grands mystères en général...

  • KABBALE

    • Écrit par et
    • 7 223 mots
    ...Avec Paracelse s'engage un processus qui sera illustré par l'Amphitheatrum Sapientiae aeternae (1609) d'Henri Kunrath, comme par le mouvement de la Rose-Croix. Et, parce que Jean Trithème a été le maître de Paracelse, sa Steganographie en viendra à désigner l'alchimie pour Jacques Gohory, un des...
  • PELADAN JOSEPH dit JOSÉPHIN (1859-1918)

    • Écrit par
    • 441 mots

    Partisan de l'ésotérisme et fondateur d'un ordre rosicrucien catholique, Joséphin Peladan, qui se donnait le titre de sâr, hérité, prétendait-il, d'un ancêtre roi babylonien, faisait grand cas de Fabre d'Olivet tout comme son contemporain Stanislas de Guaïta, le fondateur,...

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