Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ROBERVAL GILLES PERSONNE DE (1602-1675)

L'utilité durable d'une ingénieuse balance a assuré la mémoire du nom de ce mathématicien né à Roberval et mort à Paris. Ce n'est pas dérisoire. L'instrument témoigne de ce que l'inventeur joignait le sens de l'utile à une conception savante, préfiguration du principe des travaux virtuels.

Roberval eut cependant bien d'autres mérites. Professeur au Collège royal en 1634, membre de l'Académie royale des sciences dès la fondation en 1666, il fut mêlé à tous les grands débats scientifiques de son temps et célèbre autant que redouté. Mais il ne publia que deux petits ouvrages, et les traités qui furent édités de lui en 1693, posthumes, appartenaient alors à une mathématique dépassée. Ce n'est qu'aujourd'hui, à travers la connaissance des fonds manuscrits, qu'il est possible de l'apprécier justement.

Son véritable nom, Personne, était celui de modestes cultivateurs du village de Roberval (près de Senlis). Jeune homme, il semble avoir circulé à travers le royaume, gagnant sa vie par le préceptorat et continuant à s'instruire dans les universités qu'il rencontrait, notamment à Bordeaux.

Il assista au siège de La Rochelle, attiré par la réunion d'amateurs de technique. Il se fixa à Paris en 1628 et devint professeur au collège de Maître Gervais en 1632. Des deux chaires de mathématiques, au Collège royal, seule lui fut accessible, en 1634, celle qui était pourvue par concours tous les trois ans. Il la conserva vingt et un ans, avec la préoccupation constante des concours, jusqu'à ce que la succession de Gassendi, en 1655, lui permette d'obtenir la stabilité. Cette situation explique en grande partie l'habitude qu'il prit d'amasser dans le secret ses archives personnelles et de se réserver les moyens de triompher à toute occasion opportune.

Il eut évidemment des disciples — un certain du Verdus notamment — dont il surveilla l'activité. C'est à partir de copies de cours que furent édités les traités posthumes des « indivisibles » et des « mouvements composés », et l'éditeur, en 1693, a reproduit les notes marginales de la main du maître. « Trop lourd », « obscur »... : c'est le réconfort du lecteur qui peine sur ces textes d'un certain archaïsme. Mais les disciples ont aussi reproduit les magnifiques dessins qui illustraient le cours : dans leur sophistication parfois extrême, ils sont le signe d'une adresse singulière, cachée derrière le discours.

« Notre géomètre », c'est ainsi que le père Mersenne désigna Roberval à partir de 1640. Leur rencontre remontait à 1628 et Mersenne l'avait engagé alors à travailler à la cycloïde. La courbe, que Roberval nommait trochoïde, le mit à l'épreuve durant plusieurs années, mais en 1636 il avait résolu sa construction par points, qui constituait l'équivalent d'une représentation paramétrique et qui permettait d'envisager le traitement plus général des cycloïdes allongées et raccourcies, et il avait résolu leurs quadratures à l'aide de celle d'une sinusoïde « compagne ». Son petit Traité de méchanique — où est ébauchée la règle générale de composition des forces par le parallélogramme — attira, la même année 1636, l'attention de Mersenne, et la publicité que celui-ci décida de donner à Roberval dans son Harmonie universelle, en voie d'achèvement, favorisa les confidences. Mersenne s'en fit désormais l'écho et entraîna son ami dans les compétitions ouvertes de 1637 à 1644 entre René Descartes, Pierre de Fermat et les savants italiens.

Mais, si la manière, originale, dont Roberval pratiquait les « indivisibles » assurait sa priorité sur un certain nombre de résultats relevant du calcul intégral, avant la lettre — quadratures, cubatures, détermination de centres[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études

Classification

Pour citer cet article

Pierre COSTABEL. ROBERVAL GILLES PERSONNE DE (1602-1675) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BALANCE ROBERVAL

    • Écrit par Bruno JACOMY
    • 678 mots
    • 2 médias

    La balance Roberval a été l’instrument de pesage le plus utilisé au cours du xixe siècle et une grande partie du xxe, que ce soit dans le commerce, la vie domestique ou l’enseignement. Elle doit ce succès à sa simplicité de construction, à sa grande robustesse et à sa facilité d’emploi. Jusque-là,...

  • CALCUL INFINITÉSIMAL - Histoire

    • Écrit par René TATON
    • 11 465 mots
    • 3 médias
    ...rotation, valable pour des courbes qui peuvent être engendrées selon un type particulier. Un troisième mathématicien français, l'« inventeur » de la cycloïde, Roberval, était intervenu dès 1637. Il applique avec succès sa méthode cinématique (équivalente à notre méthode élémentaire de détermination de la tangente...
  • MÉCANIQUE - Histoire de la mécanique

    • Écrit par Pierre COSTABEL
    • 6 174 mots
    • 3 médias
    ...plusieurs auteurs. Descartes (1596-1650) l'applique au modèle balistique qu'il élabore dans sa Dioptrique pour l'explication de la réfraction. Roberval (1602-1675) lui consacre en 1639 son cours au Collège de France. Ce ne sont là que deux indications fugitives correspondant à un intense courant...

Voir aussi