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MATTA ROBERTO ANTONIO SEBASTIAN (1911-2002)

Peintre ? Poète ? Philosophe peintre ? Savant utopiste ? Tout à la fois ? Rien de tout cela ? Matta refuse de s'identifier à un peintre, refuse même d'assumer le seul jeu d'un « Matta ». Il s'agit d'un homme qui a remis en question de nombreuses définitions (et d'abord celle de la peinture) : il a su démontrer par tout son travail, dessiné, peint, construit, sculpté, écrit, que les tableaux ne sont pas davantage « sur toile » ou « sur mur » qu'un livre n'est « sur papier », mais, comme n'importe quels « coucher de soleil, bouteille de vin, hostie, amulette », sur conscience. Ce n'est pas le regardeur qui, comme le disait Marcel Duchamp, « fait la peinture », mais celui que Matta appelle le « Jegardeur », qui « garde toutes les illuminations de son propre verbe voir ». Duchamp, en 1946, dans le Catalogue de la Société anonyme, écrivait déjà : « Matta suivit les physiciens modernes dans la quête de son espace neuf qui, bien que décrit sur toile, ne devait pas se confondre avec une nouvelle illusion tri-dimensionnelle » et concluait : « Bien qu'encore jeune, Matta est le peintre le plus profond de sa génération ».

Avec ses Morphologies psychologiques de 1938, Matta a commencé à révolutionner la peinture par la trouvaille d'une « perspective dans le temps » : en jetant toutes les couleurs sur la toile et en y libérant des formes nouvelles, comme s'il les extrayait de la matière même où l'être et la pensée sont en fusion avec l'« architecture du temps ».

Un réinventeur du surréalisme

Né en 1911 à Santiago du Chili, Matta ne s'est pas identifié davantage à son pays de naissance. Il l'a quitté en 1933 pour s'embarquer vers la France, sur un bateau de la marine marchande. Ayant suivi des études d'architecture à l'université catholique de Santiago, il trouva à Paris du travail chez Le Corbusier, où il devait faire des dessins pour la Ville radieuse. En 1934, il rencontra à Madrid Rafaele Alberti et Federico García Lorca, qui lui donna une lettre d'introduction auprès de Salvador Dalí. Mais il partit pour la Scandinavie et l'U.R.S.S., où il dessina des fenêtres pour les habitations ouvrières, puis trouva du travail à Londres, auprès de Gropius et de Moholy-Nagy, rencontra Henry Moore et Magritte, sans jamais avoir encore entendu parler du surréalisme. Magritte écrivit en 1937 à son ami Scutenaire : Matta « fait des peintures mille fois plus intéressantes que celles de Miró ».

De retour à Paris, il reçut le choc qui l'éveilla à ce qu'il cherchait confusément : la possibilité d'une peinture du changement. Il tomba en effet par hasard, dans la revue des Cahiers d'art, sur un article de Gabrielle Buffet-Picabia : « Cœurs volants », consacré à Marcel Duchamp. Matta, qui devait écrire en 1944 un traité incisif sur le Grand Verre, doit être considéré comme le premier artiste qui ait saisi d'emblée l'enjeu de Marcel Duchamp, le seul qui, sans jamais imiter Duchamp, soit allé au-delà des nouvelles conceptions picturales impliquées dans La Mariée mise à nu. Mais c'est Gordon Onslow-Ford, un officier de marine anglais rencontré par hasard, qui, avant de devenir peintre lui-même, l'encouragea le plus à ce moment-là à dessiner puis à peindre. Il se décida finalement à utiliser en automne 1937 le mot d'introduction que Lorca lui avait remis et Salvador Dalí l'incita à aller voir André Breton, qui venait d'ouvrir la galerie Gradiva, rue de Seine. Deuxième choc, déterminant, qui lui fit abandonner Le Corbusier. L'année suivante, il exposa quatre dessins à l'Exposition internationale du surréalisme et écrivit, à la demande de Breton, un article sur l'architecture dans Le Minotaure. Ayant commencé à fréquenter Duchamp, il[...]

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Pour citer cet article

Alain JOUFFROY. MATTA ROBERTO ANTONIO SEBASTIAN (1911-2002) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • GORKY ARSHILE (1904-1948)

    • Écrit par Alain JOUFFROY
    • 851 mots

    Né en Arménie turque, Gorky, le premier peintre américain qui ait suscité une véritable légende, avait perdu l'usage de la parole à l'âge de trois ans, sous le choc du départ de son père, qui s'enfuit en Amérique pour se dérober au service militaire turc. Un professeur lui rendit l'usage de la...

Voir aussi