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QUASARS

L'évolution cosmique des quasars

Lorsqu'on eut constaté que les quasars non radioémissifs sont beaucoup plus nombreux que ceux qui sont associés à une radiosource intense, et réalisé qu'il était relativement aisé de les découvrir, on entreprit de faire des recherches systématiques de ces objets dans des aires limitées du ciel en s'efforçant d'atteindre des magnitudes de plus en plus élevées, c'est-à-dire des objets d'éclat apparent de plus en plus faible. On a pu ainsi estimer la variation du nombre de quasars qui existent dans chaque degré carré du ciel, en fonction de leur magnitude.

Ce nombre croît évidemment avec la magnitude : sur chaque cliché, le nombre de quasars faibles est supérieur au nombre de quasars brillants. Mais, là encore, une surprise attendait les observateurs : le nombre des quasars croît plus vite avec la magnitude qu'il ne le ferait si l'Univers était uniformément peuplé ; en d'autres termes, la luminosité ou, cela revient au même, le nombre des quasars augmente avec la distance ou, ce qui est encore équivalent, lorsqu'on remonte dans le temps, puisque la lumière qu'on reçoit de ces objets met d'autant plus de temps à nous parvenir que leur distance est plus élevée. En mesurant le décalage spectral vers le rouge, c'est-à-dire la distance, de tous les quasars observés sur un cliché couvrant une petite portion du ciel, on est en mesure de calculer l'ampleur de cet effet d'évolution ; on a pu montrer que le nombre de quasars par unité de volume était 100 000 fois plus élevé il y a 14 milliards d'années (soit 6 milliards d'années après le début de l'expansion, dans le cas d'un Univers âgé de 20 milliards d'années) qu'il ne l'est maintenant, tel que nous l'observons dans notre voisinage ; cela bien sûr ne concerne que les quasars les plus lumineux ; les autres sont trop faibles pour être détectés aux distances très grandes qui sont ici en cause.

Cependant, l'étude de l'évolution cosmique des quasars est compliquée par les effets amplificateurs des lentilles gravitationnelles. Ce phénomène consiste en ceci qu'un objet massif (une galaxie, un amas de galaxies) peut former deux ou plusieurs images distinctes et amplifiées d'un objet situé derrière lui. Plusieurs dizaines de quasars doubles ou multiples sont connus ; le premier d'entre eux fut découvert fortuitement en 1979 par l'astronome britannique Dennis Walsh et ses collaborateurs, Robert F. Carswell et Ray J. Weymann. Ainsi, l'éclat apparent des quasars, ou tout au moins d'une fraction d'entre eux, est supérieur à ce qu'il serait en l'absence de ce phénomène, faussant dans une certaine mesure le calcul de leur luminosité.

Cette constatation que les quasars étaient plus nombreux dans le passé a une conséquence importante si l'on accepte l'hypothèse que les quasars sont les manifestations de trous noirs situés au cœur des galaxies. En effet, la masse d'un trou noir peut croître avec le temps par adjonction de matière qui, en tombant sur lui, le rend lumineux, comme nous l'avons vu ; cette masse ne peut jamais décroître, puisque rien ne peut s'échapper du trou noir. On estime qu'il y a 14 milliards d'années une galaxie parmi 100 millions contenait un trou noir dont la masse était au moins égale à 10 milliards de fois celle du Soleil ; ce nombre était cent fois plus élevé pour les trous noirs dix fois moins massifs.

On obtient ces nombres en supposant qu'à cette époque les quasars rayonnaient à leur puissance maximale permise par la limite d'Eddington. Mais, à présent, le nombre de quasars de même luminosité est 100 000 fois plus petit ; pourtant, les trous noirs, si trous noirs il y a, doivent toujours exister. Cela conduit tout naturellement[...]

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Écrit par

  • : astronome à l'Observatoire de Haute-Provence, ancien élève de l'École polytechnique, docteur ès sciences

Classification

Pour citer cet article

Philippe VÉRON. QUASARS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Marin Ryle et la radioastronomie - crédits : Ron Case/ Hulton Archive/ Getty Images

Marin Ryle et la radioastronomie

Variation de luminosité - crédits : Encyclopædia Universalis France

Variation de luminosité

Galaxie de Seyfert : spectre - crédits : Encyclopædia Universalis France

Galaxie de Seyfert : spectre

Autres références

  • DÉCOUVERTE DES QUASARS

    • Écrit par James LEQUEUX
    • 296 mots

    Les premières cartes radio du ciel, élaborées dans les années 1950 et 1960, montrent que, en dehors des sources radio appartenant à notre Galaxie et d'objets identifiés à d'autres galaxies, il existe des sources de petit diamètre apparent qui coïncident avec des objets d'apparence...

  • ASTROMÉTRIE

    • Écrit par Jean KOVALEVSKY
    • 6 512 mots
    • 9 médias
    ... des astres qui n'ont pas de mouvement de rotation d'ensemble détectable. C'est le cas des galaxies lointaines et, en particulier, des quasars. Un tel système est dit cinématique. L'Union astronomique internationale a décidé en 1991 de se rapporter plutôt à un système cinématique. Il...
  • ASTRONOMIE

    • Écrit par James LEQUEUX
    • 11 339 mots
    • 20 médias
    ...inattendues d'objets se manifestent : les radiogalaxies –  galaxies d'apparence normale mais émettant un flux radio très élevé –, puis, en 1963, les quasars – qu'on sait aujourd'hui être des noyaux de galaxies extraordinairement actifs –, et, en 1967, les pulsars. Ces derniers sont...
  • GAIA, mission

    • Écrit par François MIGNARD
    • 6 981 mots
    • 4 médias
    Pour positionner les étoiles, le système de référence utilisé reposait sur la position de 2 000 quasars (galaxies très éloignées et sans mouvement apparent sur le plan du ciel) localisés avec précision pour la première fois dans le domaine visible, et donc accessibles directement à l’immense majorité...
  • GALAXIES

    • Écrit par Danielle ALLOIN, André BOISCHOT, François HAMMER
    • 10 087 mots
    • 13 médias
    ...été découvertes en 1963 grâce à leur émission radioélectrique. Elles sont impossibles à distinguer des étoiles sur les clichés du ciel, d'où leur nom de quasars (abrégé de quasi stellar radio sources). Dans le domaine des ondes radio, elles se caractérisent par une émission très intense provenant d'une...
  • Afficher les 16 références

Voir aussi