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PULP FICTION, film de Quentin Tarantino

L'art de la conversation et des injections d'héroïne

Tarantino aime l'accumulation. Le couple de braqueurs qui ouvre le film, discutant passionnément dans la cafétéria comme les héros d'un film nouvelle vague dans un bar du VIe arrondissement à Paris, est filmé de toutes les façons possibles ou presque : plan unique, champs-contrechamps à 45 0, à 90 0, à 180 0, avec ou sans l'interlocuteur en amorce, travelling latéral... Il ne manque à cette collection que la plongée et la contreplongée totales – une lacune à laquelle remédiera Tarantino dans les duels de Kill Bill (2003-2004), à côté duquel Pulp Fiction est d'une sobriété toute bressonienne... Accumulation des clins d'œil et des références, aussi – une petite centaine, dans le film, à propos de films, livres et séries T.V. (il suffit de consulter un bon site de fans, sur Internet, pour en obtenir la liste). Cette conception scintillante de la forme s'épanouit aussi dans le collage des chansons et les « jeux de langage » des dialogues : les fuck comme s'il en pleuvait, les charmants euphémismes de la fiancée de Butch et l'étonnement de Vincent devant les noms français de ses hamburgers favoris... Quant au fond, il semble que la question ne soit pas là : la situation de conversation la plus courante est d'ailleurs la communication à sens unique, dans laquelle un personnage essaie laborieusement d'expliquer quelque chose à l'autre – tout est dans la performance linguistique.

Seul compte le fun hédoniste dans ce monde où tout est dérisoire (des camps de prisonniers de guerre où meurt le père de Butch jusqu'à la conversion tardive de Jules, connectée à la série T.V. Kung-fu), à l'exception des transgressions (assassiner avec flegme, absorber quantité de substances illicites). L'« esprit cool », comme le disent ses exégètes Pountain & Robbins, « pourrait bien s'accommoder d'un néo-féodalisme criminel aussi bien qu'il le fait du capitalisme consumériste. La désagréable vérité est que, comparée à l'excitation que procurent la drogue et les armes, une société prospère et bien ordonnée est ennuyeuse comme la pluie ».

— Laurent JULLIER

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Pour citer cet article

Laurent JULLIER. PULP FICTION, film de Quentin Tarantino [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Pulp Fiction, Q. Tarantino - crédits : The Kobal Collection/ Aurimages

Pulp Fiction, Q. Tarantino

Autres références

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - Le théâtre et le cinéma

    • Écrit par Geneviève FABRE, Liliane KERJAN, Joël MAGNY
    • 9 328 mots
    • 11 médias
    ...même année, elle est absurde, gratuite et incongrue, mêlant humour et tragique, sans que cela gêne le moins du monde les personnages, ou le spectateur. Pulp Fiction (1994), palme d'or à Cannes, donne la clé de l'univers de Tarantino : une succession de petites histoires très violentes, aux héros divers,...
  • TARANTINO QUENTIN (1963- )

    • Écrit par Frédéric STRAUSS
    • 1 183 mots
    • 1 média
    ...l'empreinte (L'Ultime Razzia de Kubrick en est un des modèles) et le brio caractéristique d'une reformulation théâtralisée du film noir. Sur un matériau romanesque à peine renouvelé, Pulp Fiction raffine encore cet art d'opérer – tant au niveau plastique que dans le scénario – une sorte...

Voir aussi