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PRESSE Journalisme et journalistes

Les historiens du journalisme ont décrit l'émergence et le développement de ce champ de production culturelle à partir de la fin du xixe siècle. Leurs travaux permettent de saisir la permanence des débats sur la profession de journaliste, sa responsabilité morale et juridique, sa formation, ses « dérives » ainsi que sur les mécanismes de défense que celles-ci suscitent. L'histoire du journalisme français peut se résumer à une lutte pour conquérir une relative autonomie professionnelle par rapport à d'autres espaces sociaux, notamment politique et économique. Cette prétention à incarner un « quatrième pouvoir » a non seulement toujours donné lieu à des polémiques, tout particulièrement fortes lors de l'apparition de nouveaux genres ou supports d'information comme le montre encore l’exemple récent d’Internet, mais aussi à l'occasion des périodes de guerre, voire d'affaires et de scandales.

C'est entre 1880 et le premier conflit mondial que le journalisme s'est progressivement constitué comme un univers professionnel relativement autonome. La loi de 1881 est une première étape au sens où, selon Christian Delporte, elle « révèle et contribue à définir une partie essentielle des référents culturels et identitaires de la profession », sur laquelle vont s'appuyer les journalistes pour s'affranchir un peu plus du contrôle politique. Le développement d'un marché dominé, non plus par la presse d'opinion et littéraire en déclin mais par la presse populaire en pleine expansion, favorise cette prise de distance. La presse grand public fait émerger l'information et le reportage, c'est-à-dire de nouveaux contenus et de nouvelles pratiques, qui restent cependant marqués en France par une forte tradition littéraire et politique.

L'autonomie relative du journalisme se construit également à travers les luttes sur la définition du métier et de ses frontières. L'activité journalistique s'impose progressivement à partir de 1870-1880 comme un travail à part entière, c'est-à-dire qu'il ne concerne plus quelques « amateurs éclairés » pour lesquels il n'était qu'un tremplin vers la littérature, le pouvoir ou l'administration. L'entre-deux-guerres est aussi décisive dans la construction et la reconnaissance de la profession avec la mise en place du syndicat des journalistes (1918), à l'origine du statut de 1935. Ce dernier prévoit notamment deux dispositions importantes, qui subsistent aujourd'hui : la clause de conscience permet aux journalistes de quitter leurs entreprises avec des indemnités en cas de changement de ligne éditoriale ; l'instauration d'une carte d'identité professionnelle, délivrée par une commission ad hoc. Pour autant, l'échec des projets de constitution d'un ordre des journalistes montre que la régulation interne des pratiques et des discours reste très lâche. Le mouvement de professionnalisation se manifeste enfin, dans l'entre-deux-guerres, par la confirmation du succès de la « presse d'information » sur la « presse partisane » et le renforcement du reporter comme modèle d'excellence professionnelle. La synthèse proposée ici vise à restituer cette histoire et à expliquer les transformations du journalisme français depuis le deuxième conflit mondial.

Les luttes de définition et les hiérarchies professionnelles

Contrairement à ce que peuvent laisser penser les discours généraux sur les journalistes, l'espace journalistique s'avère très diversifié et hiérarchisé quand on s'intéresse à ses pratiques et, bien évidemment, aux publics auxquels il s'adresse. On peut dégager plusieurs lignes de clivage.

Journalismes « engagé » et « objectif »

Dans l'histoire de la presse française, deux conceptions s'affrontent d'emblée : d'une[...]

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Pour citer cet article

Dominique MARCHETTI. PRESSE - Journalisme et journalistes [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LE SIÈCLE DE LA PRESSE 1830-1939 (C. Charle)

    • Écrit par Éric PHÉLIPPEAU
    • 1 084 mots

    L'histoire retracée par Le Siècle de la presse 1830-1939 (Seuil, Paris, 2004) a la couleur d'une synthèse érudite. Et ce n'est pas là le moindre de ses mérites. Christophe Charle ne s'était pas encore signalé comme spécialiste de l'histoire de la presse française. Mais comment ses précédents...

  • 1848 ET L'ART (expositions)

    • Écrit par Jean-François POIRIER
    • 1 189 mots

    Deux expositions qui se sont déroulées respectivement à Paris du 24 février au 31 mai 1998 au musée d'Orsay, 1848, La République et l'art vivant, et du 4 février au 30 mars 1998 à l'Assemblée nationale, Les Révolutions de 1848, l'Europe des images ont proposé une...

  • AGENCE FRANCE-PRESSE (AFP)

    • Écrit par Universalis, Christine LETEINTURIER
    • 600 mots

    L'Agence France-Presse est la première agence de presse généraliste francophone et la troisième du monde, derrière, Associated Press et Reuters. Héritière de l'Agence Havas fondée en 1932, elle est créée, à titre provisoire, par une ordonnance du 30 septembre 1944 et dotée d'un statut spécial définitif...

  • AGENDA POLITIQUE, sociologie

    • Écrit par Nicolas HUBÉ
    • 548 mots

    La «  mise à l’agenda » concerne la question des « effets » des médias sur le débat public et sur les électeurs, et en particulier lors des moments de « surchauffe symbolique » que sont les élections. Maxwell McCombs et Donald Shaw ont formulé en 1972 le principe suivant : il se peut que la presse...

  • ALGÉRIE

    • Écrit par Charles-Robert AGERON, Universalis, Sid-Ahmed SOUIAH, Benjamin STORA, Pierre VERMEREN
    • 41 835 mots
    • 25 médias
    ...l’étranger, Berbère Télévision (Paris) ou Al Magharibia (Londres), une chaîne islamiste lancée par le fils d’Abassi Madani, qui vit au Qatar. Le pays dispose de titres de presse nombreux, peu onéreux et donc encore assez lus. Les Algériens achetaient souvent trois ou quatre journaux par jour au début de la décennie...
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Voir aussi