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PONTIFES

« Numa nomma grand pontife Numa Marcius, fils de Marcius, l'un des sénateurs, et lui donna en dépôt une description très détaillée de toutes les cérémonies religieuses, des victimes, des dates, des temples qui convenaient pour les célébrer, et du lieu d'où il fallait tirer de l'argent pour subvenir à ces dépenses. Toutes les autres cérémonies du culte public ou privé étaient également soumises aux décisions du pontife, pour que le peuple sût à qui s'en rapporter, et qu'aucun détail des institutions religieuses ne fût bouleversé par oubli des rites nationaux et introduction de rites étrangers. Outre le culte des dieux d'en haut, ce pontife devait aussi donner des avis sur les rites funéraires, sur les moyens d'apaiser les mânes, et indiquer les présages tirés de la foudre ou de tout autre phénomène qu'il fallait admettre et conjurer » (Tite-Live, I, xx, 5-7).

En évoquant ainsi la nomination du premier pontife par le légendaire roi Numa, Tite-Live nous donne une image fidèle du rôle que le collège fut appelé à jouer à l'époque classique sous la présidence du pontifex maximus. Le grand pontife et ses collègues avaient pour mission de veiller à la rigoureuse conformité de la vie religieuse de Rome : ils devaient assurer les cultes qui n'avaient pas de desservants propres, désigner les flamines majeurs et les vestales, rédiger et conserver le texte des formules rituelles, en général légiférer par « décrets » sur toutes les matières de la religion.

Trois de leurs prérogatives méritent de retenir plus particulièrement l'attention. Ils étaient responsables du calendrier en tant que réglementation du cycle férial : ils définissaient le début de chaque mois par l'observation de la nouvelle lune, déterminaient la date des fêtes mobiles, décidaient de l'usage du mois intercalaire destiné à harmoniser périodiquement une année lunaire avec l'année solaire. C'est en sa qualité de grand pontife que César, en ~ 46, put imposer une réforme du calendrier, et après lui les pontifes restèrent responsables de déterminer les années bissextiles. Ils prenaient soin ensuite de consigner les principaux événements de l'année dans les Libri annales (littéralement « les Livres annuels »), connus sous le nom d'Annales. Ces documents pontificaux ont représenté à Rome le premier exemple d'une histoire et leur forme a servi de modèle aux historiens de l'époque classique. Enfin, les pontifes détenaient les formules juridiques permettant d'entreprendre un procès, les « actions de la loi ». Tous ces documents furent tenus secrets par les pontifes jusqu'au jour où, en ~ 304, un scribe indiscret, à l'instigation de quelques aristocrates éclairés, prit l'initiative de les rendre publics, afin que tout citoyen pût savoir quels étaient ses droits sans dépendre du caprice des maîtres de la jurisprudence religieuse et civile.

Il est bien difficile de dire à quel moment et dans quelles conditions l'institution pontificale apparut à Rome. Elle est sans doute fort ancienne et l'hypothèse la plus acceptable reste celle de Georges Dumézil (La Religion romaine archaïque, 1965). On peut se représenter les choses de la façon suivante : le roi était assisté du flamine de Jupiter pour assurer ses rapports privilégiés avec le dieu-roi ; mais il avait à gouverner la vie religieuse de la cité dans tous les domaines, et pas seulement dans la zone prestigieuse, mais restreinte, de la souveraineté patronnée par Jupiter ; pour faire face à cette charge, il a dû être assisté d'une sorte de conseiller appelé pontife. Après l'expulsion des rois, cette fonction s'est maintenue et a pris une forme collégiale. Il est à noter que le grand pontife et ses collègues sont inamovibles, ce qui n'est le cas pour aucune des magistratures républicaines.[...]

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Pour citer cet article

Jean-Paul BRISSON. PONTIFES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CÉSAROPAPISME

    • Écrit par Jean GOUILLARD, Michel MESLIN
    • 5 400 mots
    • 2 médias
    Auguste, étant à la fois le maître des destinées politiques de l'Empire et le pontifex maximus, chef de la religion romaine, a incarné, de même que ses successeurs, cette unité profonde de la cité romaine, tandis que, sous l'influence des idéologies hellénistiques, se développait autour de la...
  • ROMAIN DROIT

    • Écrit par Jean GAUDEMET
    • 6 341 mots
    ...veut qu'elle ait consulté la législation grecque, non qu'elle ait demandé son inspiration aux dieux. Et si le collège religieux que constituaient les pontifes fut aux origines l'interprète du droit, c'est moins parce que le droit était lié à la religion que parce que les pontifes étaient alors les seuls...
  • ROME ET EMPIRE ROMAIN - La religion romaine

    • Écrit par Pierre GRIMAL
    • 7 011 mots
    Le collège des pontifes présente des caractères très différents, qui font de ceux-ci presque des magistrats. Le nom de pontife (pontifex « faiseur de pont ») reste obscur, en dépit de son étymologie transparente ; de quels ponts s'agit-il ? Peut-être des « chemins de la prière », entre le peuple...
  • SACERDOCE

    • Écrit par Mariasusai DHAVAMONY, Universalis
    • 5 881 mots
    ...la hiérarchie sacerdotale ; celle-ci correspondait à l'ordre selon lequel étaient rangés les dieux : Janus, Jupiter, Mars, Quirinus. Ensuite apparut le pontifex maximus qui, considéré comme le conjoint de Vesta, devint, avec le temps, le grand prêtre chargé non seulement de superviser l'ensemble de l'organisation...

Voir aussi