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MENDÈS FRANCE PIERRE (1907-1982)

Pierre Mendès France - crédits : Baron/ Hulton Archive/ Getty Images

Pierre Mendès France

« Je n'aime pas ce vocabulaire », disait Pierre Mendès France quand on parlait de mendésisme (lettre publiée in Mendès France, de Jean Lacouture, p. 535). Il n'y a pas de système Mendès France. Il y a un homme Mendès France, qui a marqué l'histoire par son caractère plus que par ses idées. Il a été la conscience de toute une génération. Il a incarné la vertu, au sens romain du terme. « Je n'estime que les gens qui me résistent mais je ne peux pas les supporter », lui aurait dit de Gaulle au moment de leur rupture de 1945. François Mauriac y verra la seule erreur du général, le comparant alors à Jeanne d'Arc abandonnée par ses voix.

Dix ans plus tard, quand la nation s'enlise dans l'affaire d'Indochine, Pierre Mendès France prend la voix de Cassandre pour annoncer le désastre inévitable. Diên Biên Phu consommé, des députés aux abois lui confient le pouvoir pour sept mois et dix-sept jours. Il y pratique un nouveau style de gouvernement. Les causeries au coin du feu remplacent les intrigues de couloirs. Le président du Conseil gagne la confiance des citoyens, qui lui fait perdre celle de leurs représentants. Ni les premiers ni les seconds n'oublieront ce météore qui a si vite traversé le ciel de la République. Dans les derniers temps de la IVe, dans les premiers de la Ve, il devient le recours de toutes les « nouvelles gauches » qui se cherchent entre une S.F.I.O. agonisante et un Parti communiste enlisé dans le stalinisme. Il ne parviendra jamais à être leur rassembleur. Sans l'oublier, elles se tourneront vers François Mitterrand en 1965.

L'échec découvre l'autre face d'un destin contradictoire que François Bloch-Lainé résume ainsi : « L'attrait, le rayonnement, le respect [...] et l'échec [...]. L'intelligence, la rigueur, la loyauté du raisonnement entraînent l'adhésion. Mais [...] le rejet de toute ruse utile traduit, semble-t-il, un goût d'avoir raison plus fort que le désir d'aboutir. » Ce haut fonctionnaire ajoute aussitôt que ses collègues et lui ont connu très peu – à peu près pas – d'autres « hommes politiques qui allassent si lucidement au fond des dossiers, et si clairement jusqu'à la formulation des conclusions ». Il conclut : « Nous sommes nombreux à avoir, tant bien que mal, fait du Mendès trente années durant, plus ou moins en liaison avec ce porteur de flambeau solitaire. » À quoi ce dernier répond : « Le devoir d'un responsable ne consiste pas à louvoyer, à ménager sans cesse les uns et les autres, en sacrifiant ainsi l'intérêt de la collectivité tout entière. Il exige des choix, des déterminations claires, avec la volonté de s'y tenir, dans l'opposition comme au pouvoir. »

La riposte décrit bien le caractère de l'homme. Elle éclaire sa popularité en même temps que sa paralysie dans un régime qui exigeait des méthodes exactement contraires pour parvenir au gouvernement et en tirer le maximum possible. Elle étonne de la part d'un fidèle du parlementarisme français traditionnel et du parti qui l'incarnait en le symbolisant : le Parti radical. N'oublions pas que Pierre Mendès France a voté « non-non » au référendum de 1945 : c'est-à-dire pour le retour pur et simple à une IIIe République dont il a toujours gardé la nostalgie. Mis « hors du Parti radical » en 1954, il tentera de s'intégrer à la famille socialiste en adhérant au P.S.A. fondé par des dissidents de la S.F.I.O., puis au P.S.U. qui en fut l'élargissement. Mais il y restera un marginal qui reprendra vite sa liberté. Il était allergique aux organisations disciplinées qui caractérisent notre époque. Il leur préférait les formations souples comme celle de la rue de Valois.

Un homme, une vie politique

Les années de formation

Né à Paris dans une famille d'origine[...]

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Pour citer cet article

Maurice DUVERGER et Emile SCOTTO-LAVINA. MENDÈS FRANCE PIERRE (1907-1982) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Pierre Mendès France - crédits : Baron/ Hulton Archive/ Getty Images

Pierre Mendès France

Diên Biên Phu et accords de Genève, 1954 - crédits : The Image Bank

Diên Biên Phu et accords de Genève, 1954

Autres références

  • AFRIQUE (Histoire) - Les décolonisations

    • Écrit par Marc MICHEL
    • 12 424 mots
    • 24 médias
    ...d'indépendance dans les deux protectorats. La Tunisie était la première concernée. Il est certain que l'évolution fut précipitée par la politique volontariste de Pierre Mendès France, arrivé au pouvoir en juin 1954, dans le contexte dramatique de la défaite française de Diên Biên Phu. Après novembre 1954, le risque...
  • ALGÉRIE

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    De l'autre côté de la Méditerranée, à Carthage, en juillet 1954, Pierre Mendès France, qui vient de signer la paix en Indochine, promet une évolution vers l'autonomie pour la Tunisie et le Maroc qui, depuis trois ans, sont au bord du soulèvement général. Seule l'Algérie reste calme. En réalité, pour...
  • BÉRÉGOVOY PIERRE (1925-1993)

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    • 1 071 mots
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    Homme politique français. Pierre Bérégovoy est né le 23 décembre 1925 à Déville-lès-Rouen (Seine-Maritime). Son père, un « Russe blanc », capitaine du tsar et menchevik, tient un café-épicerie. À cinq ans, l'enfant est confié à sa grand-mère, qui l'éduquera. Bon élève, il obtient le brevet élémentaire...

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    ...contraire affaiblie et divisée après les événements de 1968. Aucune candidature ne s'impose. Gaston Defferre (S.F.I.O.) va présenter la sienne en tandem avec Pierre Mendès France comme éventuel Premier ministre. Les communistes, ne pouvant accepter un candidat qui refuse toute alliance avec eux, présentent...
  • Afficher les 17 références

Voir aussi