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BÉRULLE PIERRE DE (1575-1629)

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Un écrivain mystique

Bérulle – « un des plus saints hommes que j'aie connus », disait Monsieur Vincent – n'avait ni la bonhomie ni le sens pratique de celui-ci. L'homme manquait de prestance : il était petit et avait les yeux exorbités par une ophtalmie douloureuse. Dépourvu d'humour, doué d'une douceur insistante et inflexible qui finissait par rendre son autorité pesante, incapable de digressions, il ne se trouvait à l'aise que dans la spéculation abstraite et la métaphysique. Son style déjà classique est souvent d'une solennelle tristesse. Il reste que Bérulle, ami de François de Sales, de Vincent de Paul et surtout de Saint-Cyran, fut un des directeurs de conscience de son siècle. Son principal ouvrage, le Discours de l'estat et des grandeurs de Jésus (1622), est un des maîtres livres de la spiritualité. Esprit éclectique influencé par le néoplatonisme du pseudo-Denys, par Pic de La Mirandole, par les mystiques rhéno-flamands, mais aussi par saint Bernard et par saint Ignace, Bérulle a repris le théocentrisme de ce dernier, avec toutefois des différences d'accent. « Dieu seul est, écrit-il, [...] et tout est un pur néant en sa sainte présence. » Aussi bien le monde ne subsiste-t-il que grâce à une continuelle création, thème repris par Descartes et transposé par le jansénisme dans la théologie de la grâce. De même que le monde, à chaque instant, a besoin de son créateur, de même l'âme, à tout moment, a besoin du secours divin. Il ne faut donc « voir et n'estimer que Dieu ». Dès lors, « n'est-il pas raisonnable que, comme Dieu seul est, Dieu seul aussi vive et règne en moi ? Et que cette volonté, qui est parfaitement accomplie au ciel, ne soit pas éconduite en la terre ? » Plus nous sommes remplis de Dieu et vides de nous-mêmes, plus nous sommes fidèles à notre condition. Mais théocentrisme, cela signifia essentiellement pour Bérulle, surtout après une « illumination » de 1607, christocentrisme. Toute l'œuvre de l'« apôtre du Verbe incarné » fut désormais un « plaidoyer contre l'indifférence des chrétiens à la personne du Christ ». « Ou vous n'êtes qu'un pur néant, écrivait Bérulle, ou vous êtes membres du Christ. » L'Incarnation est le plus haut – et le plus humble – des mystères. Grâce à elle, l'homme est établi en Jésus et Jésus est devenu le chef de la nature humaine. Toutes les autres dévotions préconisées par Bérulle découlaient de sa doctrine du Verbe incarné et c'est par elle que s'explique le « vœu de servitude » à Marie qu'il tenta, avec quelque maladresse, d'imposer aux carmels. La Vierge a, en effet, réalisé plus pleinement qu'aucun être humain l'ouverture à Dieu. « Elle a été un non-être de soi-même pour faire place à l'être de Dieu et à ses opérations. »

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Écrit par

  • : professeur honoraire au Collège de France, membre de l'Institut

Classification

Pour citer cet article

Jean DELUMEAU. BÉRULLE PIERRE DE (1575-1629) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • AUGUSTINISME

    • Écrit par et
    • 5 572 mots
    L' école française de spiritualité ne peut pas être réduite à la seule figure du cardinal de Bérulle, encore qu'il en soit le centre. L'évolution de sa spiritualité atteste que théologie et spiritualité sont inséparables, comme chez Augustin qu'il prit pour maître et qu'il recommanda comme guide...
  • ÉCOLE FRANÇAISE DE SPIRITUALITÉ

    • Écrit par
    • 786 mots

    Il est devenu courant, depuis la parution du tome III de l'Histoire littéraire du sentiment religieux d'Henri Bremond (1925), de parler d'une « école française de spiritualité », aux limites chronologiques et typologiques assez imprécises, mais située au xviie siècle et...

  • GIBIEUF GUILLAUME (1580 env.-1650)

    • Écrit par
    • 180 mots

    Oratorien français. Après des études à Paris, Gibieuf entre en 1612 dans la société que Bérulle venait de fonder ; il devient rapidement l'associé étroit du fondateur, qu'il remplace pour gouverner la société pendant ses longues absences en Italie et en Angleterre. À la mort de Bérulle, en 1629, Gibieuf...

  • MYSTÈRE

    • Écrit par
    • 2 533 mots
    ...mysterium et ministerium – une composition dramatique sur un sujet religieux : telle la Passion d'Arnoul Gréban. Au xviie siècle, le cardinal de Bérulle et l'école française de spiritualité insufflent au mot une vie nouvelle, en mettant au centre de leurs préoccupations la contemplation...