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PÉTRONE, lat. TITUS PETRONIUS NIGER (mort en 65/66)

Sous le nom de Pétrone, on possède des fragments d'un roman latin, dont le titre est donné par les manuscrits sous la forme Satiricon (c'est-à-dire « Histoires mêlées »), l'auteur y étant appelé Petronius Arbiter. La partie conservée consiste d'abord en « extraits longs », contenus dans un manuscrit de Leyde, puis dans le récit du festin de Trimalchion (Cena Trimalchionis), transmis par un manuscrit de la Bibliothèque nationale de Paris, enfin des « extraits courts », connus par divers manuscrits. L'ensemble est très lacunaire, et le fil du récit se laisse malaisément reconstituer.

Il est vain de chercher dans ce roman une condamnation morale de l'époque néronienne ; les épisodes érotiques ne sont que des « divertissements », certains allant jusqu'à la farce ; l'inspiration épicurienne (sérénité devant la mort, mépris de la superstition) est plus profonde. Le Satiricon, très imité par les conteurs latins du xviie siècle, est à l'origine du genre picaresque.

Thèmes et aventures

On peut considérer que le sujet est l'histoire d'un jeune homme, Encolpe, qui la raconte lui-même à la première personne, selon une convention fréquente dans le roman antique. Probablement parti de Rome, cet Encolpe, qui est un « étudiant avancé », a commis plusieurs méfaits : il a offensé gravement le dieu Priape, « patron » de la sexualité virile, et l'un des thèmes du roman est la vengeance du dieu ; mais la religion de Priape, qui appartient à la mystique populaire, n'est pas, ici, prise au sérieux. Encolpe a commis d'autres crimes ; peut-être est-il coupable de sacrilège, pour avoir dérobé des objets sacrés dans un temple ; condamné pour cela aux bêtes, il a réussi à s'enfuir et s'est rendu en Campanie, où se déroule la plus grande partie de l'action conservée. Lorsque nous le rencontrons, il voyage avec un rhéteur, Agamemnon, qui parcourt les villes à la manière des professeurs itinérants de ce temps ; il traîne avec lui un adolescent, Giton, qui est son « mignon » et il a aussi un compagnon, Ascylte, qui lui dispute les faveurs de Giton. Encolpe, sur sa route, est passé par Baïes (près de Naples), où il s'est fait des ennemis : une courtisane nommée Tryphène et un navigateur, un riche marchand, Lichas, ainsi que sa femme, Hédylé.

Les premiers épisodes conservés nous montrent Encolpe et Ascylte essayant de vendre au marché un manteau qu'ils ont volé, puis aux prises avec une femme de mœurs légères, Quartilla, qui les entraîne dans une orgie d'où ils échappent à grand-peine. Sur ce, on vient leur rappeler qu'ils sont invités à dîner, avec Agamemnon, par Trimalchion. L'épisode commence dans les thermes publics, où l'on voit Trimalchion (dont le nom, aux racines sémitiques, suggère l'idée de « puissant roi ») jouer à la balle dans un costume grotesque. C'est un ancien esclave syrien, venu tout enfant en Italie, et qui a gagné sa liberté et commencé sa fortune en rendant des services à son maître et à la femme de celui-ci. Maintenant, il possède des domaines sans nombre, qu'il administre en grand seigneur ridicule, avec l'aide de sa femme, Fortunata, ancienne prostituée très âpre au gain. Encolpe décrit par le menu la maison de son hôte (une maison de type pompéien – mais il est probable que la scène se passe à Puteoli, aujourd'hui Pouzzoles) puis les détails du dîner, avec ses rites étranges : tous les valets chantent, il faut entrer du pied droit dans la salle à manger (le pied gauche porte malheur), etc. Le repas dure longtemps ; chaque service donne lieu à des plaisanteries, des surprises, des symboles ; il y a une loterie, une scène de chasse, des bateleurs, et, surtout, la conversation. On y découvre l'hôte, parvenu sans culture, mais vaniteux et assez bonhomme, qui éprouve un grand respect pour la science d'Agamemnon. Autour de lui, ses amis, affranchis comme[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres

Classification

Pour citer cet article

Pierre GRIMAL. PÉTRONE, lat. TITUS PETRONIUS NIGER (mort en 65/66) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CRITIQUE D'ART, Antiquité gréco-romaine

    • Écrit par Agnès ROUVERET
    • 4 815 mots
    ...qu'il s'agisse de celui de la ville, promue par Pline l'Ancien en huitième merveille du monde, ou des luxueuses villas des particuliers. Au moment où Pétrone, dans le Satiricon, met en scène une véritable leçon de critique d'art, on peut dire, avec l'un de ses dérisoires héros, que l'art est bien mort....
  • LATINES (LANGUE ET LITTÉRATURE) - La littérature

    • Écrit par Pierre GRIMAL
    • 8 569 mots
    • 2 médias
    ...bienvenu, avec le Satyricon, composé au cours des mêmes années que les Lettres à Lucilius (62-64 apr. J.-C.). Ce roman picaresque, dû sans doute à Pétrone, d'abord ami de Néron, puis brouillé avec lui, nous fait mieux connaître la vie quotidienne de riches affranchis, assurément ridicules, mais qui,...
  • ROME ET EMPIRE ROMAIN - Le Haut-Empire

    • Écrit par Yann LE BOHEC, Paul PETIT
    • 35 262 mots
    • 17 médias
    ...un genre littéraire différent : Lucain, dans sa Pharsale, a choisi de raconter en vers la phase de la guerre civile qui a opposé César à Pompée. Pétrone, « l'arbitre des élégances », vécut également au temps de Néron, mais, lui, n'était pas espagnol. Dans un roman court et passionnant, le ...

Voir aussi