Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

MITCHELL PETER DENNIS (1920-1992)

Il est rare qu'un chercheur du xxe siècle crée son laboratoire sur ses propres fonds. C'est pourtant ce que fit le chimiste anglais Peter Mitchell qui révolutionna ensuite la bioénergétique. Il développa en effet dans les années 1960 une « théorie chimiosmotique » avec laquelle il rencontra d'abord le scepticisme général avant de convaincre en moins de dix ans toute la communauté scientifique, grâce à des arguments théoriques et expérimentaux. Il reçut pour ces travaux le prix Nobel de chimie en 1978.

Peter Dennis Mitchell est né à Mitcham (Surrey, Angleterre), le 29 septembre 1920. Après une scolarité médiocre, il obtient, en 1943, une licence de chimie-physiologie à l'université de Cambridge. Il commence alors des recherches sur le mécanisme d'action de la pénicilline, dans le laboratoire de J. D. Danielli, auteur d'un très célèbre modèle moléculaire de membrane biologique. Docteur en 1950, Mitchell est nommé professeur de biochimie à l'université d'Édimbourg en 1955. Il se tourne alors vers la bioénergétique, s'efforçant de répondre à la question centrale : comment l'adénosine triphosphate (ATP), la molécule universelle donatrice d’énergie utilisable par les cellules, est-elle synthétisée dans les cellules animales, végétales ou bactériennes ? Il s'intéresse alors précisément à la synthèse d’ATP dans les mitochondries de foie de rat. Les théories régnant à l'époque postulaient l'existence « d'enzymes de couplage » liant les phosphorylations d'ADP aux oxydations de la chaîne respiratoire des mitochondries. Dans tous les grands laboratoires de bioénergétique du monde, on s'efforçait donc d'isoler (sans succès) ces « enzymes de couplage ».

Mais la santé de Mitchell n'est pas très bonne et il supporte mal l'atmosphère stressante du campus d'Édimbourg. En 1964, il prend la décision inhabituelle d'installer son laboratoire, grâce à des fonds privés, dans un vieux manoir des Cornouailles : Glynn House. C'est là qu'avec sa collaboratrice Jennifer Moyle il expérimente et développe la théorie chimiosmotique. Il part de l'idée que si, depuis plus de vingt ans, on n'arrive pas à isoler les « enzymes de couplage », c'est que ces enzymes n'existent pas.

Mitchell fonde sa théorie sur quatre postulats :

– l'ATP-synthétase phosphorylant l'adénosine diphosphate (ADP) est une ATP-hydrolase membranaire, fonctionnant de manière réversible et puisant son énergie dans des flux de protons ;

–  les transferts d'électrons de la chaîne respiratoire forment des « boucles d'oxydo-réduction » libérant des protons d'un seul côté de la membrane interne des mitochondries ;

– ces flux de protons peuvent engendrer des « transferts actifs » d'ions à travers la membrane ;

–  les flux de protons créent aussi, de part et d'autre de la membrane interne des mitochondries, des différences de potentiel suffisantes pour assurer les synthèses d'ATP par les ATP-synthétases.

Mitchell et Moyle ont effectivement mesuré des différences de concentrations en protons de part et d'autre de la membrane interne des mitochondries ; ces différences peuvent s'annihiler : par des biosynthèses d'ATP ; par transport actif de calcium à l'intérieur des mitochondries ; à la suite d'une perméabilisation artificielle de la membrane à l'aide de détergents ou d'autres « agents découplants ».

Par ailleurs, des expériences de « bains acides » imposés à des chloroplastes à l'obscurité et suivis de biosynthèses d'ATP avaient montré que la théorie chimiosmotique s'appliquait aussi aux productions d’ATP photosynthétiques. Enfin, des ATP-synthétases furent isolées et leur fonctionnement élucidé dans les années[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur honoraire de biologie cellulaire, université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie

Classification

Pour citer cet article

Paul MAZLIAK. MITCHELL PETER DENNIS (1920-1992) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BIOSYNTHÈSE DE L'ATP

    • Écrit par Paul MAZLIAK
    • 240 mots

    La théorie émise par Peter Mitchell (1920-1992), qu'il baptisa théorie chimiosmotique, bouleversa la bioénergétique. Jusqu'alors, on considérait que l'oxydation des substrats respiratoires dans les mitochondries était couplée avec la synthèse endergonique (consommatrice...

  • MITOCHONDRIES

    • Écrit par Roger DURAND
    • 10 929 mots
    • 20 médias
    Trois postulats essentiels sont à la base de cette théorie :
  • PHOTOSYNTHÈSE

    • Écrit par Jean LAVOREL, Paul MAZLIAK, Alexis MOYSE
    • 10 290 mots
    • 14 médias
    ...compartimentation chez les mitochondries et les chloroplastes, qui permet une accumulation d'énergie sous forme chimiosmotique, que l'Anglais P. Mitchell (prix Nobel 1978) a pu proposer la théorie chimiosmotique (cf. bioénergétique). Celle-ci fournit notamment une explication cohérente de...
  • PHOTOSYNTHÈSE ET ÉNERGIE LUMINEUSE - (repères chronologiques)

    • Écrit par Claude LANCE
    • 530 mots

    1845 J. R. Mayer, ayant formulé la loi de conservation de l'énergie, suggère que les plantes transforment 1'énergie solaire en énergie chimique.

    1905 F. F. Blackman, en étudiant l'étude des facteurs limitants de la photosynthèse, notamment la température, est le premier...

Voir aussi