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PERVERSIONS (psychanalyse)

Jupiter et Antiope, Hendrick Goltzius - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Jupiter et Antiope, Hendrick Goltzius

La perversion se définit classiquement comme déviation de l'instinct sexuel. Aussi son étude systématique s'est-elle donné pour objet d'offrir une classification descriptive. C'est ainsi que doivent être comprises les œuvres considérables de Krafft-Ebing, de Henry Havelock Ellis et des divers auteurs qui se sont assigné pour tâche de dresser une nomenclature des perversions. On ne s'arrêtera pas à cette énumération, longue et au demeurant assez fastidieuse, des perversions sexuelles. On y note que la perversion concerne l'objet sexuel : le partenaire sexuel élu peut être un individu non point hétérosexuel, mais homosexuel, très jeune (pédophilie, pédérastie), très âgé (gérontophilie), ou même le cadavre (nécrophilie)... L'objet sexuel peut également être l'animal (zoophilie, bestialité), un vêtement, une chaussure, un sous-vêtement (fétichisme), le pervers pouvant en outre se revêtir des vêtements de l'autre sexe (travestisme). C'est aussi la pratique sexuelle elle-même qui peut être pervertie : exhibitionnisme (des organes génitaux), voyeurisme, sadisme (recherche de la souffrance du partenaire), masochisme (le pervers érotisant sa propre souffrance), participation de tiers (un ou plusieurs) aux pratiques sexuelles, multiplication des actes sexuels (satyriasis, nymphomanie), ces diverses pratiques étant fréquemment associées les unes aux autres.

On remarquera qu'une telle énumération constitue en elle-même une interprétation implicite des perversions, car elle suppose un ordre naturel de l'instinct sexuel qui serait repérable soit par comparaison avec les pratiques de l'animal, soit par des recherches statistiques (Kinsey). Toute déviation serait donc liée à un substratum organique (Dupré), à une « dégénérescence » constitutionnelle (Magnan) dont il conviendrait de déceler par ailleurs les autres stigmates, morphologiques ou moraux, et pour laquelle il faudrait invoquer une transmission, ou pour le moins une prédisposition héréditaire.

Cette psychiatrisation de la perversion reste viciée par défaut de méthode en ce qui concerne l'observation de son objet. En effet, ce sont des médecins légistes qui ont fait une telle classification dans le souci de répondre aux problèmes médico-légaux résultant des actes délictueux et criminels commis par les pervers ; en particulier, il s'agissait d'établir la « responsabilité » juridique du pervers criminel, et d'établir un pronostic en fonction d'une sanction légale éventuelle, celle-ci se trouvant ainsi élevée au rang d'auxiliaire thérapeutique.

L'apparente objectivité de telles études est fortement entachée par la pression judiciaire et sociale qui pèse sur l'observateur. Toute description, du reste, concourt à décrire comme « autre » (différent de l'observateur, du médecin, du juge) le pervers, c'est-à-dire à l'aliéner. Or, non seulement la référence implicite à un instinct sûr qui serait le fait de la majorité des hommes reste indémontrable, mais il est au contraire d'observation courante que toute vie sexuelle qualifiée de normale comporte des pratiques empruntant peu ou prou aux actes ou aux fantasmes pervers. On peut même dire qu'une sexualité qui prétendrait coïncider exactement avec la visée reproductrice ne pourrait être que le fait d'inhibitions majeures portant à méconnaître ce que la pulsion sexuelle comporte d'aveugle et de débordant.

Les écrits des pervers

L'étude des perversions est abordée avec plus de profit par la lecture des ouvrages écrits par les pervers eux-mêmes ou par ceux qui ont su reconnaître chez les pervers, selon le mot de Pierre Klossowski, leur « prochain », leur frère : Sade, Masoch, Jean Genet, ou Georges Bataille et Gilles Deleuze, parmi bien d'autres. La bibliographie concernant[...]

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Jean CLAVREUL. PERVERSIONS (psychanalyse) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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