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PERVERSIONS (psychanalyse)

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La structure perverse

C'est à Lacan et à ses élèves qu'il revient d'avoir repris la notion de perversion en termes de structure. Cela signifie que, à la dimension génétique, donc diachronique, qu'on vient d'indiquer, il convient, pour décrire la perversion, d'ajouter une dimension synchronique, rendant compte de l'articulation entre elles des différentes instances psychiques. En effet, le pervers se caractérise moins par ses pratiques sexuelles (dont il est facile de montrer qu'elles sont généralement multiples et relativement contingentes) que par une organisation psychique qui déborde sa vie purement érotique.

Le rapport du pervers à la Loi est particulièrement significatif. Loin de l'ignorer, comme on l'a dit parfois, en alléguant un quelconque défaut de Surmoi, « le pervers provoque et défie la Loi ». Par là, il s'assure de sa présence et de ce que quelqu'un se trouve toujours quelque part pour la lui rappeler (quitte à encourir des sanctions...  aussitôt dénoncées comme abusives). C'est par là qu'il se fait soutien de l'existence d'une Loi dont il n'a pas réussi à éprouver la solidité, en la rattachant à son origine dans la différence des sexes et l'interdit de l'inceste. Mais le pervers, s'il provoque (et finalement interroge), au-delà de l'appareil législatif de la société, celui qui est le support familial de la Loi (c'est-à-dire le père), est également soucieux d'établir les fondements mêmes de toute Loi, et il devient volontiers moraliste : Sade est un prêcheur, et tout pervers se découvre volontiers une vocation d'éducateur ou d'initiateur. De même, la remise en cause des « valeurs » l'incline à refaçonner et réinterpréter la réalité communément observée dans une transfiguration poétique, artistique ou mystique. Aussi certaines activités de cet ordre sont-elles particulièrement recherchées par les pervers, qui souvent y excellent.

Bien qu'on ne puisse décrire ici les divers aspects de la structure perverse, il conviendrait tout particulièrement d'indiquer la place éminente qu'y occupe la jouissance, recherchée, et parfois de façon compulsionnelle, non seulement pour elle-même, mais surtout en tant qu'elle représente pour le pervers une expérience extrême (proche d'ailleurs de l'angoisse) qui serait à l'abri de la tromperie et constituerait ainsi la véritable épreuve de réalité. Le corps, la différence des sexes ayant été éludée (Verleugnung), se trouve ainsi situé dans son double rapport à la jouissance et à la mort, ce qui pose le problème du masochisme.

La perversion tend, à la faveur de cette notion de structure perverse, à déborder largement le cadre étroit que lui assignait une nosographie descriptive pour désigner un ensemble structuré qui est loin de se traduire seulement sous des formes négatives et répréhensibles d'un point de vue médico-légal. D'autre part, sur le plan de la nosologie psychiatrique, on découvre qu'il est intéressant de situer le pervers moins par rapport à une pratique sexuelle (qui serait qualifiée de normale) que par rapport à d'autres organisations de la vie libidinale, celles en particulier qui sont repérables comme structures du névrosé et du psychotique.

— Jean CLAVREUL

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Jean CLAVREUL. PERVERSIONS (psychanalyse) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 27/02/2020

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Jupiter et Antiope, Hendrick Goltzius - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Jupiter et Antiope, Hendrick Goltzius