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PERSONNALISME

Le retour au sujet personnel

La dernière poussée, décisive, se situe vers 1925 ; et elle s'est soutenue jusqu'aux années cinquante avant de céder à de nouveaux impersonnalismes. Elle fut une réaction autant contre le climat philosophique ambiant que contre le style de civilisation qui tendait à prévaloir. En effet, à la suite du sensualisme, de l'associationnisme anglais, de l'atomisme psychologique selon Taine, des organicismes divers, hardis jusqu'à l'imprudence, on tendait à réduire le sujet à une condition effacée : simple siège d'une combinatoire où s'évanouissait une originalité qu'on ne laissait pourtant point de ressentir. Il s'ensuivit la réaction bergsonienne contre la mécanisation sommaire du sujet personnel. Dans un tout autre sens, l'idéalisme universitaire, principalement en France, fasciné par le Moi universel, inclinait vers une certaine impersonnalité du sujet, quasi uniquement considéré comme pensant, coupé de ses attaches concrètes, notamment sociales. Dans la perspective où « l'esprit répond pour l'esprit » (Léon Brunschvicg), comment justifier la réalité des autres moi ? D'aucuns estimèrent que de telles vues ne rendaient pas compte de l'expérience concrète, intime et sociale du sujet. D'autre part, leur sensibilité souffrait du tour pris par la civilisation contemporaine. Il ne s'agissait pas seulement du « supplément d'âme » réclamé par Bergson, d'ailleurs en vain, pour un corps indéfiniment agrandi : il y avait aussi la mécanisation par une technique qui de soi n'inclut aucun principe modérateur, et la menace d'un embrigadement de plus en plus effectif dans l'uniformité collective. Entre l'individualisme précautionneux du monde petit-bourgeois et l'anonymat collectiviste, ces penseurs refusaient de choisir. Un fort courant se forma, soucieux certes de résister à l'amoindrissement de l'individu, mais aussi de dépasser l'aspect monadique de la personne en restaurant son aspect de relation : il n'était pour eux de personne qu'en société, et la relation interpersonnelle constituait l'expérience première à partir de quoi pouvait se définir l'ordre personnel. Tels furent l'attitude et le propos de nombreuses systématisations dont il est bon de relever l'originalité propre.

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Pour citer cet article

Lucien JERPHAGNON. PERSONNALISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Max Scheler - crédits : ullstein bild/ Getty Images

Max Scheler

Vladimir Jankélévitch - crédits : Louis Monier/ Bridgeman Images

Vladimir Jankélévitch

Autres références

  • BERDIAEV NICOLAS (1874-1948)

    • Écrit par et
    • 2 309 mots
    La formation de la personne humaine échappe au monde objectivé ; dépendant de la subjectivité, elle reçoit son animation de l'image divine qu'elle porte en elle et qui ne cesse de lui transfuser sa propre énergie. La tragédie de l'homme provient de la présence en lui des deux natures, il est le lieu...
  • DOMENACH JEAN-MARIE (1922-1997)

    • Écrit par
    • 957 mots

    Inséparable de la revue Esprit et du mouvement personnaliste qu'Emmanuel Mounier a fondés, le nom de Jean-Marie Domenach restera également associé à une série de refus et d'engagements qui furent ceux d'un homme de foi et de fidélité. Né à Lyon le 13 février 1922, c'est dans cette ville que, au...

  • ELLUL JACQUES (1912-1994)

    • Écrit par
    • 1 212 mots

    Universitaire, professeur de droit romain, auteur d'une Histoire des institutions en cinq volumes qui surprit ses pairs mais servit de référence à plusieurs générations d'étudiants en droit, enseignant aussi à l'Institut d'études politiques de Bordeaux, sociologue, Jacques Ellul se situait hors...

  • DIALOGUE

    • Écrit par et
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    ...Absolu comme un face à face. Le dialogue avec l'Absolu est ici conçu comme une réponse faite par la « créature » à l'appel de Dieu, celui-ci devenant une personne ou un « Tu » éternel, et cessant d'être une chose ou un « cela ». Alors, le face à face devient rencontre : non pas événement extérieur ou empirique,...
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