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NERUDA PABLO (1904-1973)

« Pourquoi m'a-t-on donné des mains ? »

C'est en novembre 1968 que paraît le recueil intitulé Les Mains du jour (Las Manos del día, 1968). Le poète regarde ses mains et les déclare inutiles puisque lui-même n'a rien bâti de concret. Qui est-il ? Non point l'un de ces travailleurs manuels auxquels il a tant rendu hommage, notamment dans les Odes élémentaires, mais un simple spectateur de l'œuvre matérielle des hommes. Certes, le chant poétique magnifie la fabrication des choses, mais la feuille de papier et les mots qui y sont déposés par le poète garderont toujours un caractère amer et dérisoire. Neruda retrouve la solitude, tentation jusqu'alors conjurée par la poésie. L'heure de la mort approchant, il convient de dire clairement quel fut le sens de toute une vie. Une conclusion se dégage malgré les incertitudes : l'œuvre nérudienne est un cadeau fait aux hommes, un acte de partage qui renverra les êtres à leur propre vie et les aidera à prendre conscience d'eux-mêmes. La forêt chilienne demeure aussi inépuisablement belle et le poète l'exalte une fois de plus avant l'invocation terminale à toutes les mains des hommes et à chacune des « mains du jour ».

C'est encore la nature de son pays qui inspire à Neruda le livre suivant : Encore (Aún, juillet 1969). Alors qu'il fête son soixante-cinquième anniversaire, le poète proclame la nécessité d'éclairer ses « devoirs terrestres ». Aussi chante-t-il sa terre, l'Araucanie, « rose mouillée » dont les racines se trouvent dans son propre corps, et dont les chemins le conduisent vers le pôle Sud, « entre des arbres brûlés ». Chaque terme géographique renvoie à un jalon de l'itinéraire matériel et poétique qui amena l'enfant de Temuco à la découverte du verbe, c'est-à-dire à sa véritable naissance. La mort du poète a déjà commencé, mais seule importe l'éternité de la vague :

Je meurs dans chaque vague chaque jour. Je meurs dans chaque jour en chaque vague. Pourtant le jour ne meurt jamais. Il ne meurt pas. Et la vague ? non plus. Merci.

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española
  • : agrégée de l'Université, maître assistante à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Bernard SESÉ et Marie-Claire ZIMMERMANN. NERUDA PABLO (1904-1973) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Pablo Neruda - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Pablo Neruda

Coups d'État au Chili et en Argentine, 1973 et 1976 - crédits : Pathé

Coups d'État au Chili et en Argentine, 1973 et 1976

Autres références

  • AMÉRIQUE LATINE - Littérature hispano-américaine

    • Écrit par Albert BENSOUSSAN, Michel BERVEILLER, François DELPRAT, Jean-Marie SAINT-LU
    • 16 898 mots
    • 7 médias
    Au sommet de la conscience nationale, nous trouvons la voix majeure de Pablo Neruda, un des tout premiers poètes, prix Nobel 1971 et auteur de cette immense épopée de l'Amérique qu'est Canto general (1950, Chant général), exaltation des paysages grandioses du Nouveau Monde, de la soif...
  • CHANT GÉNÉRAL, Pablo Neruda - Fiche de lecture

    • Écrit par Claude FELL
    • 831 mots
    • 1 média

    Le jour même de la mort de son père, le 7 mai 1938, Pablo Neruda (1904-1973) commence la rédaction du Chant général du Chili, qu'il intitulera plus tard, en raison de sa dimension continentale, Chant général. La mort de ses parents semble détacher à jamais Neruda du Chili de son enfance,...

  • LARRAÍN PABLO (1976- )

    • Écrit par Pierre EISENREICH
    • 1 008 mots
    • 1 média
    ...télévisuelle typique de la fin des années 1980, No plonge le spectateur au cœur des compromis des appareils politiques et de leur communication. Enfin, le biopic imaginaire qu’est Neruda (2016) déploie en 1948, au cours de la traque du poète et sénateur communiste (Luis Gnecco) poursuivi par le président...
  • LARRAÍN SERGIO (1931-2012)

    • Écrit par Karen SPARKS
    • 361 mots

    Le photographe chilien Sergio Larraín témoigna de la vie des rues de Santiago, notamment par ses portraits, d'une grande intensité, d'enfants vivant sur les rives du Mapocho. Il sut également capturer l'esprit de Londres à la fin des années 1950 à travers plusieurs séries de clichés....

Voir aussi