ŒDIPE, mythologie

Dans la tradition de L'Odyssée, Œdipe est l'homme que sa mère Jocaste épouse, sans le savoir, commettant ainsi le « grand forfait ». Il n'y a pas de mot en grec pour l'inceste.

Quand Œdipe s'unit à sa mère, il a déjà tué son père Laïos et l'a dépouillé de ses armes. Les dieux révèlent aussitôt le crime. Pourtant Œdipe va régner sur Thèbes, mais torturé par les maux apportés par les Érinyes de sa mère-épouse, qui s'est pendue. La mort du père, à elle seule, semble n'avoir aucune suite. Œdipe n'est inquiété par les Érinyes, levées par le suicide de sa mère, que parce qu'il a, d'une certaine manière, troublé l'ordre. En effet, à Thèbes, la souveraineté est régulièrement transmise par les femmes, et c'est la main de Jocaste ou d'Épicaste qui est promise au vainqueur du monstre dont Thèbes est prisonnière. Le destin de Laïos est de n'avoir pas d'enfant mâle ou de périr par la main de fils qu'il aurait le malheur d'engendrer. Pour celui qui veut régner à Thèbes, Jocaste est la Terre, à laquelle il doit nécessairement s'unir.

<it>Œdipe et le Sphinx</it>, Ingres

Œdipe et le Sphinx, Ingres

Œdipe et le Sphinx, Ingres

Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867), Œdipe et le Sphinx, 1808. La victoire d'Œdipe signifie…

Laïos est poursuivi par la colère de l'Héra du Cithéron, protectrice du mariage et sans doute de ce type de souveraineté transmise par les femmes. Le Sphynx, monstre envoyé à Thèbes par Héra, est un être mi-femme, mi-bête, qui possède sexuellement et dévore physiquement de jeunes garçons, ses victimes. Puissance polymorphe, qui combine l'oiseau, le serpent et le lion, et qui se fait énigme vivante comme ces dieux de la mer, Protée, Thétis, Nérée ou Métis, puissances primordiales qui se muent en toute sorte de formes. L'énigme que propose le monstre est aussi pour les Grecs une parole multiple, mobile, chatoyante, insaisissable comme l'être polymorphe qui se confond avec elle. Répondre à l'énigme, c'est fixer le polymorphe, le réduire à une seule forme, comme font les héros chargés d'affronter un dieu rusé que seul peut enchaîner une prise circulaire, assez forte pour épuiser le cycle des métamorphoses déployé par cette divinité. L'autre monstre que devait vaincre Œdipe est le renard de Teumesse, animal à qui, tous les trente jours, on donnait un enfant à dévorer. Nul chien ne peut le rattraper à la course. Les moyens employés par Œdipe sont inconnus. Mais, dans le mythe de Procris et de Céphale, le renard est éliminé par un chien que nul ne peut semer : incapable de distancer son poursuivant, lui-même impuissant à combler cette distance, tous deux sont figés dans la pierre.

— Marcel DETIENNE

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    Écrit par

    • Marcel DETIENNE : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)

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    Pour citer cet article

    Marcel DETIENNE, « ŒDIPE, mythologie », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

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    <it>Œdipe et le Sphinx</it>, Ingres

    Œdipe et le Sphinx, Ingres

    Œdipe et le Sphinx, Ingres

    Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867), Œdipe et le Sphinx, 1808. La victoire d'Œdipe signifie…

    Autres références

    • ANTIGONE

      • Écrit par Robert DAVREU
      • 592 mots

      Issue de l'union maudite, parce qu'incestueuse, d'Œdipe et de Jocaste, elle porte bien son nom (du grec Antigonê), celle que sa piété familiale condamnera à une mort atroce sans époux ni descendance, au terme d'une courte vie toute de malheur, d'errance et de déréliction....

    • ANTIGONE, Sophocle - Fiche de lecture

      • Écrit par Aliette ARMEL
      • 921 mots
      • 1 média
      Une même fatalité pèse sur les deux sœurs : « l'héritage désastreux d'Œdipe ». Il a délivré Thèbes du Sphinx, mais il a également tué son père Laïos et épousé sa mère Jocaste dont sont nés Étéocle, Polynice, Antigone et Ismène, frères et sœurs autant que fils et filles d'un Œdipe qui avait la même mère...
    • DESTIN

      • Écrit par Catherine CLÉMENT
      • 2 193 mots
      « Œdipe et Freud apportèrent tous deux la peste » (A. Green). La question se pose de savoir pourquoi c'est à Œdipe que Freud emprunte le modèle qui le définit comme structure universelle. Il s'en explique : « Pour moi, une série de suggestions prirent leur origine à partir du...
    • ÉCHEC

      • Écrit par Eliane AMADO LEVY-VALENSI
      • 4 487 mots
      • 1 média
      ...grec met en lumière une dimension de la psyché humaine sur laquelle s'appuie explicitement la psychanalyse pour expliquer le développement des névroses : Œdipe naît dans un réseau de fatalités. C'est son père qui est averti – et non lui-même –, et son exil ne l'empêche d'être ni le meurtrier de son père,...
    • ÉNIGME

      • Écrit par Alain DELAUNAY
      • 708 mots

      L'énigme est protéiforme : charade, rébus, anagramme, chiffre, mystère, secret, trucage, devinette, maquillage, prestidigitation, trompe-l'œil, collage, problème, oracle, etc. Elle joue ainsi sur les registres les plus divers de la connaissance (image, symbole, signe,...

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    Voir aussi