OBSTÉTRIQUE

On considère Soranus d'Éphèse (ii e s. de notre ère) comme le père de l'obstétrique. Il démontra, en effet, que le fœtus est propulsé, non par ses efforts propres, mais par les contractions de l'utérus, et inventa la « version podalique » qui consiste à saisir l'enfant par les pieds pour le retourner avant de l'extraire. La version resta, pendant dix-sept siècles, la principale opération obstétricale car, si les anciens disposaient de nombreux instruments, presque tous étaient de maniement difficile et dangereux.

À la fin du xvi e siècle, Peter Chamberlen inventa une pince (en anglais forceps) capable de saisir la tête : l'idée de génie était qu'elle fût démontable. Les branches, introduites séparément, étaient ensuite solidarisées par un lien. Le forceps de Chamberlen était une pince droite, sans entablure, d'application malcommode. Il fut doté d'une courbure adaptée au bassin féminin, d'une articulation solide, de moyens de traction efficaces, et considérablement allégé, par William Smellie (Édimbourg) et André Levret (Lyon), qui firent construire, vers 1750, des instruments si parfaits qu'ils peuvent encore être utilisés, le cas échéant, en clinique obstétricale.

La césarienne post-mortem était pratiquée à Rome et continua de l'être sporadiquement dans l'Occident chrétien. En 1500, le succès de Jacob Nufer sur sa propre femme, bien vivante, mit l'opération à la mode. Le premier traité sur la césarienne (F. Rousset) parut en 1581, mais la mortalité opératoire resta inacceptable pendant trois siècles, et même après la découverte de l'asepsie. Ce n'est qu'en 1907 que fut mise au point en Pologne, par Laszkö, une technique nouvelle qui évite la contamination du péritoine et l'infection mortelle.

La péritonite, en effet, a longtemps été le risque principal de l'accouchement, même normal. Elle devint un fléau après 1830 : les épidémies de fièvre puerpérale décimèrent les maternités des grandes villes. La croisade menée par Ignace Semmelweis (Pest), et surtout les trente années de lutte patiente conduite par Stéphane Tarnier de 1858 à 1888, parvinrent à imposer la propreté et l'usage des antiseptiques dans les maternités.

L'analyse des variations du rythme cardiaque fœtal permit à Depaul, dès 1840, de tirer des conclusions que l'enregistrement électronique (Caldeyro-Barcia, Montevideo, 1968) a confirmées et affinées. Enfin, la mesure de l'acidité du sang du fœtus (Saling, Berlin, 1969), donne un moyen nouveau d'apprécier l'état de l'enfant au cours du travail de l'accouchement.

On ne saurait passer sous silence les maîtres français qui ont formé des générations de praticiens : Ambroise Paré et son gendre Jacques Guillemeau au xvi e siècle, François Mauriceau au xvii e, Jean-Louis Baudelocque à la fin du xviii e, Stéphane Tarnier à la fin du xix e. Les traités de Louise Bourgeois (xvii e s.), de Madame Du Coudray (xviii e), de Madame Lachapelle, première directrice de l'École de sages-femmes de Paris, ceux de Madame Boivin et de Marie Dugès (début du xix e s.) perpétuent l'enseignement d'une lignée de sages-femmes prestigieuses.

L'obstétrique se trouve, aujourd'hui, écartelée entre deux tendances contradictoires, l'une et l'autre excessives :

– La médicalisation de l'acte obstétrical implique un luxe de surveillance, parfois difficilement supportable, tandis que l'évaluation, statistique plus que médicale, du risque fœtal conduit à un taux de césariennes très élevé. Bien que la baisse de la mortalité périnatale paraisse justifier cet « interventionnisme », les conséquences pour les mères sont loin d'être négligeables.

– Un courant dit « écologique », en réaction, dénie à la médecine le droit d'intervenir[...]

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Écrit par

  • Yves MALINAS : docteur en médecine, ancien professeur à la faculté de médecine de Grenoble

Classification

Pour citer cet article

Yves MALINAS, « OBSTÉTRIQUE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Autres références

  • ÉCHOGRAPHIE

    • Écrit par Paul-François LEROLLE
    • 2 938 mots
    • 2 médias

    L'utilisation des ultra-sons dans le domaine médical comme méthode diagnostique constitue l'échographie. Elle est actuellement bien au point en gynécologie et surtout en obstétrique. On l'utilise aussi pour l'étude des seins, du cœur (étude de la valvule mitrale et de la pathologie tumorale[...]

  • ÉCLAMPSIE

    • Écrit par François BOURNÉRIAS
    • 1 467 mots

    Complication de la néphropathie gravidique (ou toxémie gravidique), qui touche surtout les primipares, au troisième trimestre de la grossesse.

    Il importe de surveiller l'apparition des signes de cette affection (hypertension, protéinurie puis œdèmes), car le repos au lit, strict et prolongé,[...]

  • HÉMATOME RÉTROPLACENTAIRE

    • Écrit par Paul-François LEROLLE
    • 2 193 mots

    Le terme le mieux adapté de l'hématome rétroplacentaire est probablement celui d'apoplexie utéroplacentaire, qui le distingue des hémorragies rétroplacentaires, rares, attribuées à des traumatismes ou encore à une endométrite.

    Il fait partie, avec l'éclampsie,[...]

  • HÉROPHILE (env. 340-300 av. J.-C.)

    • Écrit par Jacqueline BROSSOLLET
    • 2 356 mots

    Bien que né en Chalcédoine, Hérophile passa sa vie à Alexandrie, alors au sommet de l'épanouissement artistique et scientifique que suscitèrent les Ptolémées, après la mort d'Alexandre le Grand, en encourageant la fusion des cultures grecque et orientale. Il étudia la médecine[...]

  • KYSTES OVARIENS

    • Écrit par Paul-François LEROLLE
    • 2 413 mots
    • 1 média

    Tumeurs normalement bénignes, des kystes peuvent se développer aux dépens de l'ovaire (ou des deux ovaires).

    Il faut distinguer les kystes fonctionnels et les kystes organiques. Les premiers disparaissent le plus souvent spontanément après les règles, d'où l'importance de ne pas[...]

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Voir aussi