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BOUKHARINE NICOLAS IVANOVITCH (1888-1938)

« Un vieux bolchevik »

À partir de 1929, il procède de temps à autre à des « autocritiques » ; il occupe encore des fonctions officielles, mais n'exerce plus aucun pouvoir. Il figure comme rédacteur en chef des Izvestia jusqu'au 16 janvier 1937 ; cependant, au cours de son procès, il déclarera être en état d'arrestation depuis plus d'un an. Principal accusé présent du procès du « bloc antisoviétique des droitiers et trotskistes » (dénomination officielle), il est inculpé de sabotage, conjuration destinée à renverser Staline, espionnage pour le compte de l'Allemagne et du Japon, complot pour démembrer l'U.R.S.S. au profit de ces puissances. Tout en passant, à l'instar de tous les accusés, les « aveux » les plus invraisemblables, il se regimbe lorsque le procureur l'accuse d'avoir voulu assassiner Lénine en 1918. Exécuté aussitôt après le procès, il sera réadmis à titre posthume comme membre du Parti en 1988.

Les dernières années de Boukharine furent celles d'un homme lucide, mais sans perspectives politiques et sans espoir. Lors d'un passage en France en 1935, il rend visite à l'un des leaders mencheviques en exil, auquel il remet un article donnant un tableau saisissant de l'U.R.S.S. à cette époque ; cet article parut anonymement au début de janvier 1937 dans le bulletin des mencheviks Socialisticheski Vestnik, sous le titre « Lettre d'un vieux bolchevik ». Ce même bulletin leva l'anonymat en novembre 1959.

Dans le panthéon des dirigeants de la révolution d'Octobre, la figure de Boukharine est une des plus tragiques sinon la plus tragique. Il n'a pas l'envergure d'un Lénine ou d'un Trotski, il n'est pas un homme politique au sens strict comme un Zinoviev, il ne demeure pas au second plan comme un Kamenev, il n'a rien de commun, en dépit de ses écarts des années 1926-1928, avec la grossièreté et la démagogie d'un Staline. C'était un intellectuel. Son caractère enjoué et son esprit ont fait de lui le favori du parti ; il était un remarquable professeur. Ses dons cependant ont amené cet homme, profondément attaché à la cause de la révolution socialiste, à assumer, au cours d'une période très difficile, des responsabilités politiques à des postes pour lesquels il lui manquait la force de caractère indispensable.

— Pierre FRANK

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Écrit par

  • : directeur de la revue Quatrième Internationale

Classification

Pour citer cet article

Pierre FRANK. BOUKHARINE NICOLAS IVANOVITCH (1888-1938) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PREOBRAJENSKI EVGUENI ALEXEÏEVITCH (1886-1937)

    • Écrit par Yves SUAUDEAU
    • 929 mots

    Né dans une famille de petits fonctionnaires, Preobrajenski connaît, dès le lycée, les cercles d'études marxistes. Militant et bolchevik à dix-huit ans, il participe après 1907 à la lutte clandestine. Arrêté, il intervient lorsque Kerenski, son avocat, qui sera en 1917 chef du gouvernement...

  • STALINE JOSEPH VISSARIONOVITCH DJOUGACHVILI dit (1879-1953)

    • Écrit par Nicolas WERTH
    • 6 474 mots
    • 7 médias
    ...Kamenev pour éliminer du jeu politique son adversaire le plus dangereux, Trotski. Une fois ce dernier affaibli, il renverse ses alliances et se rapproche de Boukharine, Tomski et Rykov pour écarter Zinoviev et Kamenev de la direction. Désormais assez puissant, il se retourne contre ses alliés de la veille...
  • U.R.S.S. - Histoire

    • Écrit par Nicolas WERTH
    • 22 741 mots
    • 53 médias
    Selon Boukharine, une telle politique ne peut que « tuer la poule aux œufs d'or ». Il faut, au contraire, satisfaire en priorité les besoins de la paysannerie, jouer à fond la carte de l'économie de marché. Tel est le sens de son discours du 17 avril 1925, au cours duquel il appelle les paysans à « s'enrichir,...

Voir aussi