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NICOLAS DE FLUE ou NIKLAUS VON FLÜE (1417-1487)

Mystique et diplomate suisse, Nicolas de Flue a eu le curieux privilège de gouverner, du fond de sa retraite d'ermite dans le Ranft, une large part de la politique helvétique pendant la seconde moitié du xve siècle. Une sagesse, non dénuée de ruse, un amour sincère de la paix, un ascendant spirituel certain et l'art de trancher les querelles en se tenant à l'écart des intérêts qui s'y jouaient ont fait de lui un des principaux unificateurs de la Confédération. C'est sans doute grâce à son opiniâtreté que la Suisse évitera l'éclatement qu'aurait pu provoquer la Réforme à ses débuts.

Né à Flüeli près de Sachseln dans une famille de notables, Nicolas de Flue — Niklaus von Flüe — mène pendant trente ans une existence de bourgeois aisé, actif dans la vie politique. Il a dix enfants de son épouse Dorothea Wyss, occupe un poste de conseiller, devient juge en 1459, est élu député à la diète en 1462, mais refuse la nomination de Landammann. Déjà rebuté par les mesquineries de la politique, il s'indigne d'un verdict obtenu par pots-de-vin et, échouant à le briser, il renonce à toutes ses fonctions, rompt avec le monde, prend, le 16 octobre 1467, congé de ses enfants, dont le plus jeune avait à peine seize semaines. Il se dirige vers l'Alsace, fait demi-tour et erre dans le massif du Melchtal, où des chasseurs le découvrent dans un état de grande faiblesse. Sans que l'on puisse départager la part d'inspiration et du propos délibéré, il s'installe dans la gorge du Ranft, qui dépendait de son domaine familial. Il ne quittera plus son ermitage, y vivant dans l'ascétisme, passant pour ne prendre aucune nourriture et recevant un nombre croissant de pèlerins confondus par le spectacle de sa sainteté.

Bruder Klaus, ainsi que l'appelaient ses contemporains, avait été initié à la vie mystique dès sa jeunesse par Heimo am Grund. Des dispositions aussi élevées prêtaient comme une auréole divine aux avis et conseils prodigués à ceux qui venaient l'interroger sur les affaires du temps. Son intervention fut décisive dans la paix que la Suisse établit, en 1473, avec l'Autriche. Mais l'importance de son œuvre pacificatrice apparaît surtout à partir de 1478. Il met fin aux dissensions internes de la Confédération et parvient à sceller son unité de manière définitive. C'est à ce titre qu'il fut déclaré Père de la patrie. Son renom diplomatique dépasse les limites de son pays natal. Les ambassadeurs de Venise, d'Autriche, d'Allemagne viennent consulter cet homme étrange qui expose une vision lucide de la situation politique internationale et mêle à ses prières une solide connaissance du droit et des cas de jurisprudence.

Nicolas de Flue semble avoir été animé par un amour sincère de la paix. Il soutient que toute guerre est contraire aux volontés de Dieu. Ses discours exhortent ses compatriotes à rester fidèles à leurs franchises et à ne jamais se compromettre avec des princes étrangers. Il les met en garde contre toute velléité de conquête et contre la politique mercenaire, qui continuera cependant jusqu'au xviiie siècle. Peu après sa mort, un procès en canonisation fut engagé. Il n'aboutit qu'en 1947, sous le pontificat de Pie XII.

— Raoul VANEIGEM

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Pour citer cet article

Raoul VANEIGEM. NICOLAS DE FLUE ou NIKLAUS VON FLÜE (1417-1487) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MONACHISME

    • Écrit par André BAREAU, Guy BUGAULT, Jacques DUBOIS, Henry DUMÉRY, Louis GARDET, Jean GOUILLARD
    • 12 526 mots
    • 3 médias
    ...ostentation une vie régulière. Cette fois encore, l'érémitisme permit à des âmes d'exception de retrouver le détachement absolu ; le saint patron de la Suisse Nicolas de Flue († 1487) quitta sa femme et ses dix enfants pour vivre près de vingt ans seul dans la montagne, ce qui ne l'empêcha pas de contribuer à...

Voir aussi