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NATION Vue d'ensemble

Conformément à son étymologie (natio, en latin, a pour origine nascere, « naître »), le terme nation désigne initialement un groupe plus ou moins vaste d'individus ayant une origine commune. Ainsi, dans l'université de Paris, avant le xve siècle, les étudiants étaient classés en quatre nations (France, Picardie, Normandie et Allemagne). Le terme s'appliquait donc, de manière assez floue, à des populations ayant des caractéristiques culturelles ou religieuses communes, habitant une même contrée ou appartenant à un même État. C'est à partir du xviiie siècle que le vocable acquiert une nouvelle dimension et devient une notion fondamentale de la modernité politique et sociale.

Déclaration des droits de l'homme - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Déclaration des droits de l'homme

À l'époque des Lumières, la nation reçoit une signification nouvelle qui fait d'elle une des armes de la révolution idéologique engagée contre les sociétés d'Ancien Régime. La nation désigne désormais la population d'un État, mais selon un principe radicalement différent de celui qui rassemble les sujets d'un même souverain. Selon la définition fournie par l'abbé Sieyès à l'aube de la Révolution française, la nation est « un corps d'associés vivant sous une loi commune et représentés par une même législature ». Un principe de libre association définit donc la nation. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (26 août 1789) précise la nouvelle conception du terme : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément » (article 2). La nation est un corps politique formé de citoyens libres et égaux en droits, seul détenteur légitime de la souveraineté.

On oppose parfois deux conceptions de la nation qui seraient antagonistes. La première, dite française, reposerait sur cette définition purement politique et contractuelle, issue du mouvement des Lumières et de la Révolution. L'appartenance nationale serait alors le résultat d'une adhésion libre et rationnelle du citoyen. Inversement, il existerait une seconde conception, dite allemande, rattachée au romantisme, qui définirait la nation comme communauté culturelle et ethnique. L'appartenance nationale serait en ce cas totalement déterminée. Cette opposition est en fait peu pertinente pour rendre compte de la formation des nations modernes, qui ont toutes été définies à la fois comme corps politique et communauté culturelle. En effet, c'est dans l'ordre culturel que la nation moderne, conçue politiquement en termes universels, reçoit sa détermination concrète et ses limites. Les citoyens d'une même nation sont supposés avoir un intérêt commun en vertu d'une histoire et d'une culture partagées qui fondent leur fraternité et les distinguent des membres d'une autre nation. Cette culture commune est d'ailleurs gage de cohésion pour la communauté politique. La nation, selon la formule d'Ernest Renan, est « un plébiscite de tous les jours », comme union contractuelle idéale, mais elle n'existe durablement que si ses membres, malgré leurs divergences et leurs différences sociales, partagent une forte croyance en leur commune appartenance.

Avant l'ère nationale, de telles cultures communes et nationales n'existaient pas. Les partitions culturelles n'étaient pas seulement d'ordre géographique mais aussi sociales, et c'est seulement à partir du xixe siècle que les cultures nationales, trans-sociales, se sont constituées. Les nations modernes ont été désormais dotées d'histoires spécifiques, établissant leur unité et leur pérennité à travers les âges. L'unification linguistique des nouvelles communautés politiques s'est faite contre la diversité linguistique et dialectale antérieure, souvent par création de langues communes modernes. La détermination[...]

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Pour citer cet article

Anne-Marie THIESSE. NATION - Vue d'ensemble [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LA CRÉATION DES IDENTITÉS NATIONALES (A.-M. Thiesse)

    • Écrit par Pierre MILZA
    • 981 mots

    Que l'idée de nation et le sentiment identitaire qui s'y rattache soient non pas des faits « naturels » mais des constructions de l'esprit, apparues au début de l'ère industrielle, il est peu d'historiens aujourd'hui pour le nier. Les Français ne furent certainement ni les premiers ni les plus ardents...

  • AFRIQUE (conflits contemporains)

    • Écrit par René OTAYEK
    • 4 953 mots
    • 4 médias
    Le passage de l'État colonial à l'État postcolonial ne marque aucune rupture en la matière. Certes, l'heure est à la construction de la nation, objectif proclamé de ces mêmes élites qui héritent des rênes du pouvoir. La stigmatisation du tribalisme associée à la délégitimation des appartenances...
  • ALLEMAGNE (Géographie) - Géographie économique et régionale

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    ...Deutscher Reich de Bismarck (en 1871). Mais la conscience de former un peuple s'affirme précocement en dépit et au-delà du morcellement des États territoriaux. L'idée de nation se nourrit dès le Moyen Âge de la résurrection du passé germanique à travers les grandes chansons de geste du cycle de Siegfried et de...
  • ANDERSON BENEDICT (1936-2015)

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    L’historien et politologue irlandais Benedict Anderson tient une place importante dans l’historiographie anglo-saxonne pour ses travaux sur les origines du nationalisme.

    Benedict Richard O’Gorman Anderson est né le 26 août 1936 à Kunming, dans le sud de la Chine, où son père occupe un poste au Bureau...

  • ARABISME

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    Le nationalisme arabe s'est forgé une idéologie, comportant une théorie fondamentale de la nation – et de la nation arabe –, théorie constituée en fonction des aspirations spontanées et des problèmes politiques pratiques posés par la situation des peuples arabes. Aux théories européennes sur la nation,...
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