Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

MUSICOTHÉRAPIE

Bases théoriques contemporaines de la musicothérapie

Si les effets bénéfiques de la musicothérapie sur des troubles psychiques ou comportementaux sont indéniables, du moins telle qu’elle est utilisée pour compléter l’arsenal thérapeutique classique, on peut se demander quelles sont les bases théoriques et expérimentales de ce constat.Parmi les tentatives d’explication rationnelle des bénéfices de la musicothérapie dans certaines thérapies de personnes en grande difficulté relationnelle, deux approches se distinguent par leur cohérence. L’une est neurologique, l’autre relationnelle, ces deux approches ne s’excluant d’ailleurs pas.

Oliver Wolf Sacks - crédits : L. Novi

Oliver Wolf Sacks

Oliver Sacks, un neurologue britannique, a explicité, par de nombreuses observations, le caractère très particulier de la sensibilité musicale chez des patients souffrant d’atteintes neurologiques multiples. Il en a fait la synthèse dans un livre traduit en français en 2009 et plusieurs fois réédité depuis : Musicophilia. La musique, le cerveau et nous. S’il n’etait pas lui-même musicothérapeute, il a collaboré de nombreuses années avec Connie Tomaino, professeur d’art-thérapie en musicologie de l’université de New York qui fut présidente de l’American Association for Music Therapy, à l’origine à l’hôpital Beth Abraham de New York. Leurs travaux portent surtout sur des sujets adultes atteints de diverses atteintes sensorielles et cérébrales. Oliver Sacks décrit leur sensibilité musicale particulière. Il rejoint alors, à partir de sa pratique de neurologue, des conclusions récentes relatives à la plasticité cérébrale et aux processus cognitifs. Ainsi, selon lui, 60 p. 100 des aveugles ont l’oreille absolue, contre 10 p. 100 de la population ordinaire. Sacks en conclut que le cortex visuel des aveugles de naissance est largement réaffecté à d’autres zones sensorielles et en particulier à la perception et au traitement de l’information sonore. Les performances des aveugles seraient ici affaire de plasticité cérébrale. Chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, alors que les reconnaissances visuelles (de l’espace, des personnes, etc.) sont particulièrement atteintes, la musique peut constituer une sorte de béquille mnémotechnique quand elle prend une forme rythmée ou chantée. Elle permet d’enchaîner alors des actes complexes. On retrouve cela également chez des patients atteints de lésions frontales. Par exemple, une musique rythmée dont la personne a conservé la mémoire peut l’aider à retrouver les étapes successives qui vont lui permettre de s’habiller seul sur le rythme de la musique. D’autres cas détaillés dans son ouvrage permettent à Sacks de proposer une hypothèse fonctionnelle. Les relations entre les systèmes moteur et auditif sont bien connues chez l’animal et sont à la base de nombreux réflexes (sursaut, orientation, etc.). Chez l’homme, le développement de ces connexions et des processus cognitifs associés peuvent fournir une explication sur les liens entre sons et performances motrices de ces malades. Sacks va plus loin et rejoint, par le chemin de la clinique, une des conclusions actuelles de la cognition appliquée à la physiologie cérébrale, la participation simultanée de nombreuses zones cérébrales à la perception puis la réponse à une stimulation extérieure. Pour Sacks, la musique et les émotions ne dépendent pas seulement de la mémoire à leur propos. L’intelligence et la sensibilité musicale sont régies par le fonctionnement d’aires mutiples du cortex cérébral. Les réactions émotionnelles à la musique sont de localisations très diffuses, corticales et sous-corticales, si bien que même avec des lésions cérébrales étendues, il demeure possible de percevoir la musique et d’y répondre, ce qui serait alors une base de la rééducation des sujets atteints. A contrario, la lésion de certaines aires cérébrales entraîne[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteure en psychologie, unité INSERM 669, praticienne hospitalier en psychiatrie

Classification

Pour citer cet article

Marie-Ève HOFFET. MUSICOTHÉRAPIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>David jouant de la harpe devant Saül</em>, Rembrandt - crédits : Mauritshuis, The Hague

David jouant de la harpe devant Saül, Rembrandt

Oliver Wolf Sacks - crédits : L. Novi

Oliver Wolf Sacks

Autres références

  • KIRCHER ATHANASIUS (1602-1680)

    • Écrit par Sylvain MATTON
    • 3 538 mots
    ...fondée sur des caractéristiques sociales et nationales. Enfin il inventa une machine à composer, l'arca musarithmica, et fut un des précurseurs de la musicothérapie. Mais, héritier de la tradition boétienne, il continue de faire de la musique une branche des mathématiques dont les rapports harmoniques...
  • MÉDECINES ALTERNATIVES

    • Écrit par Bernard CHEMOUNY, Bernard POITEVIN
    • 1 653 mots
    • 3 médias
    – Musicothérapie : musique et thérapeutique.
  • MUSICOLOGIE

    • Écrit par Danièle PISTONE
    • 3 740 mots
    ...science aux rôles très divers : l'acoustique (étude physique du son), l'analyse (étude détaillée des partitions), l'esthétique, l'histoire de la musique, la musicothérapie, l'organologie, la paléographie, la pédagogie, la philologie (naissance, évolution et relations des systèmes et langages), la stylistique,...

Voir aussi