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EDWARDS MICHAEL (1938- )

Ici et maintenant

Comparatiste, Michael Edwards l’est en effet, et c’est l’une des raisons pour lesquelles il passe si aisément de l’anglais au français, de la littérature anglaise à la littérature française, tout en pratiquant aussi d’autres langues, en particulier l’espagnol et l’allemand. À l’université de Warwick, il a enseigné tour à tour en section française (1973) et en section littérature anglaise et comparée (1987-2002). À Paris, au Collège de France, après avoir occupé comme associé la chaire de littérature européenne (année universitaire 2000-2001), il a été élu comme titulaire de la chaire d’étude de la création littéraire en langue anglaise et l’a occupée de 2002 à sa retraite en 2008. Sa leçon inaugurale de 2001, « Sur un vers d’Hamlet », est restée mémorable. La même année, il publiait des Leçons de poésie, avant d’évoquer, en 2003, la Terre de poésie. Des essais tels qu’Éloge de l’attente (1996), De l’émerveillement (2008) ou Le Bonheur d’être ici (2011) viennent compléter une méditation qui ne sépare jamais la parole poétique de la forme singulière de connaissance qu’elle permet. En opérant sur le réel un « travail de discrète métamorphose », la littérature se fait « diction d’un monde encore beau, contra-diction d’un monde déchu et pré-diction d’un monde à venir » (« Sur un vers d’Hamlet »).

Michael Edwards n’avait pas eu besoin de franchir la Manche, professionnellement, pour passer d’une langue à l’autre ou, plus exactement, pour aller d’une langue à l’autre. Il avait appris le français à l’école de Kingston. Il a étudié à Cambridge la langue et la littérature françaises. Il a, toujours dans sa jeunesse, passé deux ans au collège franco-britannique de la cité universitaire de Paris. Très vite, il eut conscience que « la planète France exerçait sur [lui] une attraction difficile à contrer », que « la gloire de Paris » lui était « aussi familière et amie que la grandeur de Londres ». Déjà, en Angleterre, il figurait sur une fiche de bibliothèque comme « Michael Edwards de Cambridge et de Paris ». Le 6 juillet 1964, il épousait une jeune Française, Danielle Bourdin, dont il a eu deux enfants. Il possède maintenant la double nationalité.

L’installation à Paris a été comme une aube nouvelle. Et c’est l’une des significations du titre de son recueil poétique si suggestif publié en 2012, Paris aubaine, dédié « à Dani ». Le poème liminaire évoque des « Choses vues rue de Rivoli », où il a élu domicile. Mais l’anglais, dans ce recueil même, retrouve ses droits, avec « Travelling », titre du troisième poème, ou avec le « Villon » en anglais, succédant au « Villon » en français, dans un texte d’ailleurs tout différent.

L’œuvre de Michael Edwards pourrait être rassemblée sous un titre parallèle à celui de son livre, Beckett ou le don des langues(1998). Ce don est tout aussi bien celui d’Yves Bonnefoy auquel il est lié par une longue amitié et une grande admiration. Plus que celui-ci, il a été attiré par le pont des Arts, pêchant « depuis le garde-fou les mots qui passent », et par la coupole voisine de l’Institut (un poème de Paris aubaine, « Paris Paris », en témoigne). Son vœu a été comblé : le 21 février 2013, il a été élu à l’Académie française. Parallèlement, il a été anobli dans son pays d’origine et il est devenu sir Michael Edwards. Plus que jamais il est donc « anglais et français », titre qu’il avait donné à un poème de son recueil Rivage mobile(2003).

— Pierre BRUNEL

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Écrit par

  • : professeur émérite de littérature comparée à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Académie des sciences morales et politiques

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Pour citer cet article

Pierre BRUNEL. EDWARDS MICHAEL (1938- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Michael Edwards - crédits : Jean-Marc ZAORSKI/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Michael Edwards

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