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MESTA

À partir du xiie siècle, lorsque la reconquête de l'Espagne sur les Maures progresse nettement, les souverains de Castille récompensent leurs vassaux, nobles et chevaliers des ordres militaires, des services rendus dans la lutte contre l'adversaire musulman, par la cession de terres qui seront destinées en priorité à l'élevage. Ces nouveaux propriétaires sont au xiiie siècle assez nombreux pour fonder une association d'éleveurs transhumants, la Mesta, reconnue par ordonnance royale en 1273 et nantie de privilèges qui vont lui permettre de s'organiser rapidement. Dès la fin du siècle, le roi nomme à sa tête un magistrat, l'alcade entregador, qui contrôle l'élevage transhumant avec l'aide d'entregadores subalternes : ces derniers, à raison d'un par district, surveillent les cañadas ou chemins empruntés par les troupeaux ; ils doivent notamment maintenir le libre accès aux abreuvoirs et aux lieux de repos et veiller à ce que forêts, pâtures, landes n'empiètent pas sur ces routes, dont la largeur réglementaire est de soixante-dix-huit mètres.

Le parc ou cabaña, dirigé par un mayoral, est divisé en rebaños ou troupeaux comprenant chacun mille moutons, qui sillonnent l'Espagne deux fois par an et dont le passage donne lieu à des différends plus ou moins graves avec les cultivateurs sédentaires. Ces conflits sont portés devant le tribunal dirigé par l'alcade entregador qui donne rarement raison aux paysans, malgré l'évidence des destructions causées par les moutons. Mais les plaintes des agriculteurs parviennent aussi aux oreilles des souverains qui, à la fin du xiiie et au début du xive siècle limitent la compétence des alcades, les empêchant d'empiéter sur les prérogatives de la justice locale. L'histoire de la Mesta est jalonnée par les prises de position contradictoires du pouvoir royal qui soutient cette organisation tyrannique, lorsqu'il est lui-même dans une situation de faiblesse, et qui protège les municipalités rurales lorsque son autorité se raffermit. Ces dernières tentent de faire valoir leurs droits en réclamant la perception d'une taxe sur la transhumance ou montazgo. En 1326, seules certaines localités possèdent cette prérogative dont les entregadores assurent le contrôle. Non contentes de ces dédommagements financiers, elles s'efforcent d'enclore les pâtures, créant ainsi les dehesas (défenses) pour se préserver des dégâts causés par les troupeaux. Au xive siècle, à l'élevage du mouton local ou churro, dont la laine est peu serrée, se substitue celui des merinos importés du Maroc (du nom des Mérinides, la dynastie régnante), qui fournissent une laine de qualité supérieure. La transhumance connaît alors une période de prospérité et les sédentaires redoublent de vigilance en percevant un droit de passage ou portazgo et une taxe sur les produits de la Mesta vendus sur les marchés locaux. À la fin du xve siècle la monarchie exerce une surveillance accrue sur la Mesta par l'intermédiaire d'un délégué de son Conseil qui préside les réunions du Conseil supérieur de l'association, mais elle décrète aussi l'élargissement des voies de passage pour les troupeaux ; ainsi la Mesta peut-elle s'arroger légalement d'immenses étendues. Les raisons de cette faveur royale sont multiples : aux prétentions monopolistiques des rois sur le commerce de la laine s'ajoutent, surtout à partir du xvie siècle, la politique d'expansion (l'élevage requiert moins de bras que l'agriculture et laisse donc davantage d'hommes disponibles pour les entreprises militaires), et les crédits consentis à la Couronne par le Conseil de la Mesta. L'ensemble des troupeaux contrôlés par celle-ci s'accroît considérablement pour atteindre 3,5 millions de têtes en 1526. Cependant la Mesta va payer un lourd tribut à l'inflation[...]

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Marie-France SCHMIDT. MESTA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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