MERCURE, planète

Des huit planètes du système solaire, Mercure est la plus proche du Soleil, et également la plus petite. Sa trajectoire apparente dans le ciel rend son observation depuis la Terre extrêmement difficile : Mercure ne s'écarte jamais de plus de 280 du Soleil et la meilleure résolution télescopique ne dépasse pas 700 kilomètres.

Mercure - crédits : Planeta Actimedia S.A.© Encyclopædia Universalis France pour la version française.

Mercure

Planètes internes - crédits : Courtesy NASA / Jet Propulsion Laboratory

Planètes internes

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L'essentiel de nos connaissances vient des résultats de la mission américaine Mariner-10, peu à peu complétés par la mission, également américaine, Messenger (Mercury Surface, Space Environment, Geochemistry, and Ranging), lancée le 3 août 2004, qui a effectué le 14 janvier 2008 son premier survol de Mercure, à 200 kilomètres d'altitude environ ; Messenger devrait être placée en orbite autour de la planète en mars 2011.

Mercure vue par Mariner-10 - crédits : NASA

Mercure vue par Mariner-10

Mercure vu par Mariner-10 - crédits : Courtesy NASA / Jet Propulsion Laboratory

Mercure vu par Mariner-10

Terre et Mercure : caractéristiques physiques et orbitales - crédits : Encyclopædia Universalis France

Terre et Mercure : caractéristiques physiques et orbitales

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La sonde Mariner-10, qui a survolé Mercure à trois reprises, en mars et septembre 1974 et en mars 1975, a permis de préciser considérablement les paramètres physiques et orbitaux de la planète (cf. tableau), paramètres qui n'étaient qu'approximativement connus par les études astronomiques. Ses paramètres orbitaux font de Mercure une planète remarquable dans le système solaire : l'orbite est fortement elliptique – excentricité : 0,206 – et son plan est très incliné par rapport à l'écliptique – 70 ; par ailleurs, la période de rotation sidérale de Mercure sur lui-même – 58,646 jours – est exactement égale aux deux tiers de sa période de révolution sidérale autour du Soleil – 87,97 jours. Cette commensurabilité entre rotation et révolution dans le rapport 2/3 est due au freinage de la rotation de Mercure sur lui-même par les marées solaires. Pour un tel freinage, qui normalement aboutit à une synchronisation dans le rapport 1/1, une synchronisation « métastable » dans le rapport 2/3 ne peut être conservée que si l'orbite est fortement elliptique – ce qui est le cas – et si la planète présente une forte anomalie de répartition de masse – ce qui semble donc être le cas. Il est à noter que le plus important cratère d'impact de Mercure, le bassin Caloris, se trouve à proximité de la position théorique de cette anomalie de masse.

Mariner-10 a aussi mesuré avec précision la pression au sol (10—12 atmosphère, soit 10—9 hectopascal) ainsi que les températures diurne (430 0C près du périhélie et au voisinage du point subsolaire) et nocturne (— 170 0C dans les régions équatoriales). La forte densité de Mercure indique que la proportion de fer (par rapport aux silicates) est très importante. Si la planète est différenciée, cela correspond à un noyau ferreux de 1 830 kilomètres de rayon, pour un manteau silicaté ayant seulement 610 kilomètres d'épaisseur.

Le magnétomètre de Mariner-10 a détecté un champ magnétique de 400 gammas (400 . 10—9 tesla), vingt fois plus fort que le champ magnétique solaire « régional ». Ce champ mesuré, relativement inattendu, correspond au franchissement par la sonde d'une magnétosphère créée dans un champ dipolaire interne propre à la planète. Le moment magnétique dipolaire intrinsèque est de (4,8 ± 0,5)1012 teslas-mètres cubes, soit 0,04 p. 100 du moment terrestre. Ce champ provient très vraisemblablement du fonctionnement d'une dynamo interne dans le noyau, indiquant par là même que la planète est très probablement différenciée. Aucune autre donnée géophysique ou orbitographique n'apporte de précision supplémentaire sur la structure interne.

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Les principaux renseignements géologiques concernant Mercure ont été acquis par les caméras de télévision de Mariner-10. Celles-ci ont fourni une couverture photographique de 40 p. 100 de la surface de la planète (entre les longitudes + 100 et + 1900), avec une résolution moyenne de 2 kilomètres ; ponctuellement, la résolution a atteint 200 mètres. 20 p. 100 de la surface ont été photographiés avec un recouvrement stéréoscopique. Messenger a dévoilé en janvier 2008 la majeure partie de la face jusqu'alors inconnue de Mercure.

Morphologie générale

Quelle que soit la résolution des images, l'élément morphologique dominant mis en évidence par les missions spatiales est le cratère. Il en existe de toutes tailles : le plus grand, le bassin Caloris, a un diamètre de 1 550 kilomètres ; sur les photographies à très haute résolution, on distingue une multitude de cratères d'un diamètre voisin de 200 mètres ; des mesures indirectes, comme celle de la polarisation de la lumière réémise par Mercure, montrent que le sol est criblé de cratères dont le diamètre descend jusqu'à 1 micromètre.

L'étude morphologique des cratères révèle, malgré la variabilité des formes, une grande unité. Au-dessous de 10 kilomètres de diamètre, les cratères ont l'aspect caractéristique des trous d'obus : en forme de bol d'une profondeur comprise entre le cinquième et le dixième du diamètre, ils sont entourés d'une couronne de débris nommés éjecta. Entre 10 et 20 kilomètres de diamètre, les cratères quittent progressivement cette forme pour adopter un fond plus ou moins plat. À partir de 20 kilomètres de diamètre, ils ont tous un fond plat avec, au centre, l'ébauche d'un piton. Entre 20 et 150 kilomètres de diamètre, la couronne d'éjecta se développe et le piton devient de plus en plus net et important. Dans les cratères de 150 à 200 kilomètres de diamètre, il s'élargit et tend à devenir un anneau. Au-delà de 200 kilomètres de diamètre, les cratères, nommés alors bassins, présentent un ou plusieurs anneaux concentriques, sauf quand, postérieurement à leur formation, ils ont été remplis par des matériaux volcaniques. Tous ces caractères (éjecta, variation de forme en fonction du diamètre, etc.) se retrouvent dans les moindres détails sur la Lune et sur une centaine de cratères terrestres pour lesquels des études in situ (qui permettent par exemple de retrouver des fragments de météorite) ont prouvé qu'il s'agissait de cratères d'impact. Le passage de la forme simple (bol) à une forme plus complexe s'explique par des phénomènes de rebond immédiatement après l'impact. Les seules différences entre les cratères de Mercure et ceux des autres planètes ou satellites (répartition des éjecta et des cratères secondaires, diamètres limites de changement de classe...) proviennent des variations de l'accélération de la pesanteur à la surface de ces corps.

Chronologie

Sur Mercure, un cratère n'est soumis à aucune forme d'érosion classique (éolienne, fluviatile, etc.) puisqu'il y a absence totale d'atmosphère et d'eau. Il ne peut qu'être recouvert par des terrains plus récents, ou oblitéré partiellement par les impacts d'autres météorites, en particulier des innombrables micrométéorites. Cette « éternité » des cratères explique leur abondance (remarquons qu'il tombe sur la Terre autant de météorites que sur Mercure et que l'atmosphère est bien incapable d'arrêter les plus grosses ; cependant, un cratère terrestre sera la proie de l'érosion, pourra être recouvert de sédiments, etc.). Sur toutes les planètes privées d'atmosphère, on peut établir une chronologie des cratères selon leur état de « fraîcheur ». Les cratères récents sont intacts, alors que les cratères très anciens ont été dégradés par d'autres impacts. Sur Mercure comme sur la Lune, une estimation du nombre de cratères en fonction de leur âge relatif montre que les impacts ont vu leur fréquence diminuer considérablement au cours du temps : les chutes de météorites, très rares aujourd'hui, furent autrefois très abondantes.

Terrains de Mercure - crédits : Courtesy NASA / Jet Propulsion Laboratory

Terrains de Mercure

Les cratères permettent de dater les terrains de Mercure : les terrains anciens, exposés depuis longtemps au bombardement, seront très cratérisés ; en revanche, les terrains jeunes seront peu cratérisés. Les densités de cratères (nombre de cratères par million de kilomètres carrés, par exemple) ont donc valeur de « fossiles stratigraphiques » et permettent d'établir une chronologie relative. En appliquant cette méthode, on peut bâtir une « stratigraphie » et on trouve ainsi que 80 p. 100 de la surface de Mercure sont constitués de terrains très anciens : ce sont les plaines dites intercratères et les terrains dits très cratérisés. 10 p. 100 de la surface sont formés de plaines moyennement cratérisées, dites intermédiaires, qui oscillent d'un pôle relativement abondant (7 p. 100) et encore relativement cratérisé, à un pôle très peu abondant (3 p. 100) et assez peu cratérisé. Le reste de la planète est constitué de plaines lisses, très peu cratérisées, donc « jeunes ». En comparant les dénombrements de cratères avec ceux qui ont été effectués sur la Lune, où l'on connaît les âges absolus des terrains (mesurés par des méthodes de datation isotopique), on peut estimer à 3,8-3,9 milliards d'années l'âge des plaines jeunes, et à au moins 4,0-4,2 milliards d'années celui des plaines intercratères.

Mais, contrairement aux continents lunaires, les plaines intercratères ne sont pas « saturées » en cratères, à l'exception d'un faible pourcentage de leur surface (les terrains très cratérisés). Par conséquent, ces vieux terrains de Mercure ne constituent pas une croûte primitive ayant enregistré le bombardement depuis l'origine : un (ou des) processus géologique(s) a (ont) formé de nouvelles surfaces recouvrant cette éventuelle croûte primitive.

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En classant les cratères selon leur état de dégradation et en distinguant qualitativement plusieurs densités de cratères, on peut obtenir une échelle « stratigraphique » plus fine. Une cartographie d'ensemble de la planète (fig. 1) permet alors d'estimer les surfaces relatives de ces différentes unités, donc de connaître l'évolution avec le temps du ou des processus ayant créé ces terrains.

Une telle étude montre que la formation des plaines a été très précoce dans l'histoire de Mercure. Très actif avant 4,1 milliards d'années, ce processus a rapidement décru pour cesser presque complètement il y a 3,9 milliards d'années environ. Une intense mais brève réactivation eut lieu vers 3,8 milliards d'années. Depuis lors, il ne semble plus y avoir eu de production notable de nouveaux terrains sur Mercure.

Nature des terrains

La nature chimique et pétrographique des terrains de Mercure n'est pas complètement élucidée, mais deux types d'arguments différents indiquent que la surface est très probablement volcanique.

Arguments morphologiques

Si, contrairement à ce que l'on observe sur Mars ou sur la Lune, la présence de volcans stricto sensu n'est pas manifeste, de nombreuses structures (rides, dômes, etc.) sont très probablement d'origine volcanique. De plus, les photographies détaillées des contacts entre plaines lisses et plaines intercratères montrent que les premières recouvrent les secondes, envahissant les parties basses et transformant en « îles » les parties hautes, comme le font des nappes de laves recouvrant un terrain accidenté.

Arguments spectroscopiques

Le spectre de réflexion de Mercure contient des bandes spectrales caractéristiques de certains minéraux volcaniques. En particulier, la bande des 950 nanomètres que l'on observe sur Mercure caractérise l'ion fer dans les pyroxènes. Des études spectrales plus précises ont été menées en comparant les spectres de Mercure et ceux d'échantillons lunaires. Ces comparaisons montrent des similitudes importantes entre les spectres de Mercure et ceux des basaltes lunaires pauvres en fer et en titane, les plus clairs des échantillons de basaltes lunaires récoltés lors des missions Apollo-12 et Apollo-15. De plus, on peut noter l'absence de raies caractéristiques du fer dans les olivines, raies qui devraient être présentes si Mercure avait une composition chondritique (ultrabasique). Ces études spectrales, ainsi que celles qui concernent l'albédo, montrent que la surface de Mercure est remarquablement homogène. Il n'y a pas comme sur la Lune dualité entre terrains sombres (les mers lunaires, basaltiques) et terrains clairs (les continents lunaires, anorthosiques).

La surface de Mercure semble donc constituée en totalité de terrains volcaniques très anciens et complètement disloqués par les impacts pour les plaines intercratères et intermédiaires, un intense mais court épisode volcanique ayant ultérieurement produit les plaines lisses, qui n'ont été que peu modifiées, du fait de la raréfaction des impacts.

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Cette omniprésence de terrains volcaniques, l'absence de terrains de nature chondritique et la présence d'un champ magnétique indiquent que la planète est très vraisemblablement différenciée.

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Écrit par

  • : professeur de géologie à l'École normale supérieure de Lyon

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Mercure vu par Mariner-10 - crédits : Courtesy NASA / Jet Propulsion Laboratory

Mercure vu par Mariner-10

Autres références

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    L'exploration spatiale a permis la mise en évidence d'un faible champ magnétique dipolaire qui représente moins de 1 p. 100 du champ terrestre. L'existence de ce champ magnétique entraîne celle d'une magnétosphère de taille réduite qui dévie les particules énergétiques du vent solaire.
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