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ÉGÉE MER

Le désenclavement insulaire

Olymbos sur l'île de Karpathos, Grèce - crédits : Detlef Dittmer/ Panther Media/ LBRF/ Agefotostock

Olymbos sur l'île de Karpathos, Grèce

Cette multiplication des moyens de transport n'a pas toujours enrayé la véritable hémorragie humaine dont le monde insulaire égéen a souffert, après avoir été une terre d'accueil et d'éclosion de civilisations. En quarante ans, de 1928 à 1971, les Cyclades et les îles de l'Égée orientale avaient perdu un tiers de la population originelle. Mais la multiplication des transports a souvent freiné ou inversé les destinées démographiques : de 1991 à 2001, les Cyclades gagnent 17 000 habitants et le développement est parfois spectaculaire dans les îles et leurs petites agglomérations les plus touchées par le tourisme : Parikia (Paros), Thira, capitale de Santorin, ou Mikonos, perle du tourisme égéen. Le Dodécanèse compte plus de 28 000 habitants supplémentaires, dans la dernière période intercensitaire, la ville de Rhodes en totalisant à elle seule plus de 16 000. Inversement, les grandes îles de l'Égée orientale, beaucoup plus à l'écart du mouvement touristique, continuent à stagner : + 3 000 habitants seulement au cours de la même période à Mytilène, + 2 000 à Samos, quasi-stabilité à Chios.

Quels que soient ces retournements de la démographie, les îles constituent aujourd'hui un monde désenclavé que les car-ferries, dont les lignes, la fréquence et la rapidité se sont accrues dans l'Égée surtout en période estivale, relient aux routes continentales. Partout, la construction de ports en eau profonde et de môles d'abordage, qui remplacent le traditionnel mouillage au large et le transbordement toujours aléatoire en barque, permet l'arrivée régulière de bateaux de fort tonnage, le passage direct et sans rupture de charge de lourds camions et la possibilité de circuler dans l'île en voiture particulière amenée du continent. Certes, l'impression peut être en partie fallacieuse : l'hiver venu, avec ses tempêtes et surtout avec la réduction du flux des étrangers, les îles retrouvent en partie leur isolement inquiétant. Il faut alors compter avec le vent, la maladie ou la mort, en espérant une toujours hypothétique évacuation par hélicoptère. Car la révolution aérienne, forcément plus sélective, a souvent été un choc plus grand encore que le désenclavement maritime, en mettant la capitale grecque à quelques dizaines de minutes de vol, au lieu d'une traversée longue et pénible. Rhodes est, après Athènes, mais avant Thessalonique, l'aéroport le plus fréquenté de Grèce, et Iraklion, en Crète, l'est autant que la métropole du Nord, tandis que sont multipliées en saison estivale les liaisons de charters directs et gros-porteurs en provenance de l'Europe occidentale et septentrionale vers Santorin, véritable porte-avion au centre de l'Égée.

Cette ouverture du monde égéen a entraîné de nouvelles organisations de l'espace et même de nouveaux rythmes saisonniers. Dans la plupart des îles, l'habitat, classiquement perché, et même dissimulé à la mer, autant pour se protéger des pirates que pour s'adapter à l'agriculture de versants travaillés en terrasses, décline au profit des échelles maritimes et des localités portuaires. Même dans les îles dont la population augmente l'inversion des rapports démographiques s'est poursuivie : à Naxos, le gros bourg minier (exploitation d'émeri) et agricole d'Apiranthos a continué à perdre des habitants quand la petite localité balnéaire de la commune, située au pied de la montagne, gonflait et que le port de Naxos concentrait l'essentiel de la croissance. À Mytilène et à Chios, à défaut de véritable développement économique, l'urbanisation, avec ses services même médiocres, renforce encore ces privilèges de villes-escales : avec quelque 35 000 habitants chacune en 2001, les deux capitales de ces îles sont les seules localités à profiter[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense

Classification

Pour citer cet article

Guy BURGEL. ÉGÉE MER [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Grèce : carte physique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Grèce : carte physique

Église, île de Santorin, Grèce - crédits : Anastasios71/ Shutterstock

Église, île de Santorin, Grèce

Île d'Hydra, Grèce - crédits : George Grigoriou/ The Image Bank/ Getty Images

Île d'Hydra, Grèce

Autres références

  • CHIOS

    • Écrit par Bernard HOLTZMANN
    • 1 117 mots
    • 1 média

    Avec une superficie de 858 km2, Chios (Scio ou Chio, depuis le Moyen Âge), séparée de la côte turque par un détroit de 7 kilomètres, est la cinquième île de la mer Égée. Montagneuse au nord (1 297 m) et vallonnée au sud, elle présente dans sa partie centrale une plaine très fertile (Cambos)...

  • CRÈTE

    • Écrit par Pierre-Yves PÉCHOUX
    • 485 mots
    • 1 média

    La plus grande île de Grèce (8 331 km2, 258 km de longueur sur 56 km de largeur), la Crète s'étend d'ouest en est aux confins méridionaux du monde égéen. Les chaînes montagneuses qui couvrent la plus grande partie de l'île (mont Ida 2 456 m, Levka Ori 2 453 m), de direction...

  • CYCLADES

    • Écrit par Pierre-Yves PÉCHOUX
    • 468 mots
    • 2 médias

    L'archipel des Cyclades occupe le centre de la mer Égée. Résultat d'une série de fractures et de transgressions marines intervenues à la fin de l'ère tertiaire, les blocs émoussés de marbres et de schistes de ses îles ensoleillées, sèches et dénudées, prolongent les arcs orographiques de l'...

  • DINARIDES

    • Écrit par Jean AUBOUIN
    • 5 726 mots
    • 1 média
    – Le bassin de la mer Égée comporte des fleuves de moindre importance comme le Vardar ou Axios, la Vistritsa ou Haliakmon en Macédoine, le Pénée en Thessalie.
  • Afficher les 22 références

Voir aussi