MANILLE, Philippines

Une dynamique urbaine largement modelée par les projets privés

En partie détruite pendant la Seconde Guerre mondiale, la ville reste cependant marquée par les différentes phases de son histoire. La ville Intramuros, édifiée par les Espagnols, constitue le centre historique, rénové à plusieurs reprises et aujourd'hui entouré d'une ceinture verte. Les Américains font appel, en 1905, à l'architecte-urbaniste de Chicago Daniel Burnham, pour élaborer le schéma directeur de la ville. Incomplètement réalisé, son plan a toutefois fortement marqué le développement de la ville avec les extensions sur la baie, la géométrie du réseau viaire, l'association du bâti et des espaces verts. La rivière Pasig marque une forme de limite entre des quartiers nord, commerçants et populaires comme Binondo, le quartier chinois, Tondo ou Santa Cruz, et sud plus résidentiels, le long de la baie de Manille, comme Ermita ou Malate.

Les promoteurs privés, appartenant souvent aux grandes familles philippines, sont les principaux acteurs du développement urbain, en l'absence d'une planification efficace, les pouvoirs publics de la Région métropolitaine de Manille peinant à gérer et à coordonner le développement d'une ville aujourd'hui tentaculaire et fragmentée, qui s'étend en une forme radioconcentrique. La famille Ayala est ainsi à l'origine du développement, dans les années 1950, du premier centre d'affaires de Manille, le quartier de Makati, au sud-est de la ville, concurrencé à partir des années 1980 par l'autre centre d'affaires développé par la famille Ortigas au nord-est. De nombreuses opérations immobilières de plus petite envergure ont contribué, sans coordination, à façonner la physionomie de la ville, qui se caractérise par une forte imbrication des formes urbaines et une hétérogénéité dans les utilisations du sol. Laissés à l'initiative du secteur privé, la ségrégation sociale domine les projets urbains. Des quartiers de très fortes densités, mal desservis – le quartier d'habitat sous-intégré de Tondo atteint des densités proches de 70 000 habitants au km² –, jouxtent des quartiers plus aérés d'ensembles résidentiels clos ou de tours de condominium, immeubles luxueux d'habitation en copropriété.

En effet, bien que, à Manille, le revenu moyen de la population soit trois fois supérieur à celui des Visayas, et onze fois supérieur à celui de la province la plus pauvre, la Région autonome de Mindanao, 20 p. 100 de sa population vit au-dessous du seuil de pauvreté et 35 p. 100 réside dans des zones d'habitat sous-intégré. Manille est en effet la principale destination des migrations rurales-urbaines, stimulées par la pauvreté rurale due à la faible productivité de l'agriculture, à l'inégale répartition des terres agricoles et à la fréquence des catastrophes naturelles. La question de l'habitat social et de la réhabilitation des bidonvilles y constitue un enjeu majeur.