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MAÎTRES DE SAGESSE (Grèce antique)

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Civilisation et sagesse

Dans un domaine plus restreint, celui de l'activité politique et militaire de la cité, des historiens comme Hérodote et Thucydide prétendent être en mesure de fixer et de transmettre un mémorable susceptible d'inspirer le futur. Ainsi conçue, sophía devient synonyme de « civilisation », de « culture » comme en témoigne Aristote dans le Perì philosophías, dont il ne subsiste plus que des fragments. Aristote part de l'idée, que l'on rencontre déjà dans le Timée (22c sq.), dans le Critias (109d-110a) et dans les Lois (III, 677a sq.), suivant laquelle des catastrophes cosmiques détruisent périodiquement l'humanité, à l'exception d'un tout petit nombre d'hommes. À la suite de ces catastrophes, l'humanité doit progressivement réapprendre, chaque fois, toutes les techniques, tous les arts. Or, pour Aristote, ces étapes sont au nombre de cinq. D'abord, les hommes inventèrent « les moyens de subvenir à leurs besoins ». Ensuite, ils inventèrent les arts (tékhnai), « qui contribuèrent à la noblesse et à l'ornement de la vie ». En troisième lieu, « ils inventèrent les lois et tous les liens qui assemblent les parties d'une cité ». Puis ils avancèrent jusqu'à la considération des corps et de la nature qui les fabrique, et ils nommèrent cette démarche « science de la nature ». Chacune de ces inventions et de ces découvertes, les hommes l'appelèrent sagesse (sophía), et sage (sophós) son auteur. Enfin, « ils parvinrent jusqu'aux objets divins, hypercosmiques et totalement immuables, et c'est la connaissance de ces objets qu'ils nommèrent „souveraine sagesse“ ». Dans les fragments qui subsistent du Perì philosophías, il ne reste plus trace du premier et du deuxième stade. Mais c'est au troisième que se rapportent les fragments sur la « sagesse » des Sept Sages, mis en relation avec le sanctuaire de Delphes, sur la sagesse des mages perses infiniment plus ancienne que celle des Égyptiens et sur la sagesse d'Orphée dont Aristote discutait la légende. Venait ensuite la sagesse des phusikoí, c'est-à-dire des présocratiques qui s'interrogèrent sur la nature (perì phúseōs), de Thalès à Leucippe et à Démocrite en passant par Parménide.

Ces fragments marquent bien les affinités entre le sage et l'inspiré. Même si on ne s'accordait ni sur leur nombre ni sur leur nom, on s'entendait pour considérer les « Sages » comme des législateurs, des hommes qui, dans leur cité, avaient joué le rôle d'arbitre et surtout qui avaient su exprimer des règles éthiques en formules mémorables comme « Connais-toi toi-même » et « Rien de trop », qu'ils auraient offertes à Apollon et fait graver à l'entrée de son temple à Delphes (Platon, Protagoras, 343 a-b). Tout cela montre bien qu'il n'y avait pas, en Grèce ancienne, de ligne de démarcation très précise entre la connaissance du « passé, du présent et du futur » qui caractérisaient ces figures que l'on qualifiait de « sage », de « poète » et de « devin ». Il faut remarquer par ailleurs que la « sagesse » n'était pas, en Grèce ancienne, l'apanage des seuls Grecs.

Dans le Perì philosophías, Aristote reste platonicien, dans la mesure où il considère que la philosophie (philosophía) constitue le point culminant de la sagesse (sophía). Mais très rapidement le disciple manifestera son opposition au maître sur la question de l'existence de réalités intelligibles séparées, le divin étant par lui identifié au moteur de l'univers qui demeure immobile à l'extérieur du monde sensible, avec lequel il reste cependant en contact. Aristote adopte donc un point de vue historique qui lui permet d'admettre, à la différence de Platon, que la sagesse peut avoir d'autres domaines d'application que la philosophie,[...]

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Luc BRISSON. MAÎTRES DE SAGESSE (Grèce antique) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 26/03/2019