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MAHĀBALIPURAM

Sur la côte de Coromandel, à environ soixante-cinq kilomètres au sud de Madras, Mahābalipuram est, sans conteste, le site archéologique le plus célèbre de l'Inde méridionale.

Mahābalipuram, « cité du grand Bali » (un souverain mythique), est le nom actuel de l'antique Māmallapuram ou ville de Mahāmalla, le « Grand Lutteur », titre porté par le roi Narasimhavarman Ier (vers 630-668) à la suite de ses succès militaires. Un port existait là depuis longtemps, qui joua un rôle dans les relations commerciales internationales aux premiers siècles de notre ère, comme en témoignent les monnaies romaines qu'on y a découvertes. S'il ne fonda pas la ville à laquelle s'attacha son nom, Narasiṃhavarman lui conféra à coup sûr une importance nouvelle : tandis qu'il développait sa flotte, il fit de Mahābalipuram le port de sa capitale Kāñcípuram. Ce port contribua à la diffusion de la culture indienne vers Sri Lanka et l'Asie du Sud-Est.

Après la chute de la dynastie Pallava, à la fin du ixe siècle, le port demeura actif. Au xiie siècle on commença, pour l'abandonner peu après, la construction d'un temple dont la porte monumentale, inachevée, a été conservée. Il semblerait que le site ait été victime des éléments. Déserté, envahi par les sables, il ne garde aucune trace des bâtiments d'habitation que les hommes avaient élevés en matériaux fragiles ; seules subsistent les demeures des dieux, taillées dans la roche vive ou édifiées en pierre.

Grottes et bas-reliefs

La ville se développa autour d'une colline haute d'une trentaine de mètres et longue d'environ huit cents, s'étendant parallèlement au rivage, et autour d'une masse rocheuse de dimensions plus modestes située au sud de la précédente. Ce fut sur ces formations granitiques que travaillèrent directement ouvriers et sculpteurs suivant des procédés qu'aurait introduits dans le sud du Dekkan Mahendravarman Ier, père de Narasiṃhavarman. Une dizaine de grottes artificielles trouent les flancs de la colline ; elles se composent chacune généralement d'une véranda ou salle ( maṇḍapa) peu profonde et d'un ou de plusieurs petits sanctuaires aménagés dans la paroi rocheuse. La délicatesse du décor, l'élégance des figures (gardiens des seuils, divinités isolées ou groupées) témoignent de la maîtrise acquise par les artistes en une génération.

La Descente du Gange, bas-relief de Mahabalipuram, Inde - crédits : Dinodia Picture Agency, Bombay,  Bridgeman Images

La Descente du Gange, bas-relief de Mahabalipuram, Inde

Au pied de la colline se déploie un célèbre bas-relief qui ne mesure pas moins de vingt-sept mètres de longueur et de neuf mètres de hauteur ; il représente une multitude d'hommes, de bêtes, de génies, de créatures fantastiques se pressant de part et d'autre d'une faille verticale au fond de laquelle se détachent avec vigueur des images de nāga (êtres mi-humains et mi-ophidiens qui personnifient l'eau). Il est difficile de déterminer avec précision le sujet de ce vaste tableau, hymne à la joie de vivre. Est-ce la Pénitence d'Arjuna (comme le pensent J. Fergusson et A. K. Coomaraswamy) ou la Descente du Gange (selon V. Goloubew et G. Jouveau-Dubreuil) ? Faut-il y voir un épisode de la rivalité entre le guerrier Arjuna, devenu pour un temps ascète en vue d'obtenir une arme magique de Śiva, et le dieu lui-même sous la forme d'un chasseur (passage du Mahābhārata, III, repris au ve siècle par Bhāravi dans un poème en sanskrit, Kirātārjunīya) ? Ou bien l'écoulement sur la terre des flots du Gange, fleuve céleste, par la grâce de Śiva qui fut touché par la vie austère du sage Bhagīratha (Rāmāyaṇa, I ; Bhāgavata-Purāṇa, IX) ? Śiva est, certes, représenté dans ce bas-relief ainsi qu'un homme en posture d'ascète. Mais les éléments d'iconographie qui permettraient de trancher dans un sens ou dans l'autre font défaut. Quelle que soit l'identification proposée, elle ne peut écarter le[...]

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Écrit par

  • : chargée de recherche au CNRS, chargée de mission au Musée national des arts asiatiques-Guimet

Classification

Pour citer cet article

Rita RÉGNIER. MAHĀBALIPURAM [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

La Descente du Gange, bas-relief de Mahabalipuram, Inde - crédits : Dinodia Picture Agency, Bombay,  Bridgeman Images

La Descente du Gange, bas-relief de Mahabalipuram, Inde

Temple du Rivage, Mahabalipuram, Inde, 2 - crédits : M. Borchi/ De Agostini/ Getty Images

Temple du Rivage, Mahabalipuram, Inde, 2

Temple du Rivage, Mahabalipuram, Inde, 1 - crédits : Dinodia Picture Agency, Bombay,  Bridgeman Images

Temple du Rivage, Mahabalipuram, Inde, 1

Autres références

  • INDE (Arts et culture) - L'art

    • Écrit par Raïssa BRÉGEAT, Marie-Thérèse de MALLMANN, Rita RÉGNIER
    • 49 040 mots
    • 67 médias
    ...post-Gupta ; enfin, les sanctuaires monolithes – répliques de sanctuaires de maçonnerie – avec lesquels s'épanouit vers le milieu du viie siècle, à Mahābalipuram, le style Pallava de l'extrême sud de la péninsule (Tamilnāḍu), puis les temples, non plus sculptés dans la roche, mais construits, qui...
  • PALLAVA

    • Écrit par Rita RÉGNIER
    • 1 383 mots
    • 6 médias
    ...triomphe valut à Narasimhavarman Ier (env. 630-668) le titre flatteur de Mahāmalla ou Māmalla (Grand Lutteur) qu'on retrouve dans le nom du port important qui fut, sinon créé, du moins agrandi, équipé et embelli par ses soins : Māmallapuram, aujourd'huiMahābalipuram au sud de Madras.

Voir aussi