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LYSIPPE (env. 390-env. 305 av. J.-C.)

Dernier des grands sculpteurs grecs dont le nom nous soit parvenu, Lysippe est, comme ses prédécesseurs, mieux connu par les textes (P. Moreno, Testimonianze per la teoria artistica di Lisippo, éd. Canova, Trévise, 1973 ; Lisippo I, Dedalo Libri, Bari, 1974) que par ses œuvres, qui ne nous ont été transmises que par des copies (C. Picard, Manuel d'archéologie grecque, la sculpture IV, A. et J. Picard, Paris, 1963 ; Lysippe et son influence, études de divers savants, réunies par J. Chamay et J.-L. Maier, Hellas et Roma, Genève, 1987 ; A. Stewart, Greek Sculpture, An Exploration, vol. I, texte, Yale Univ. Press, New Haven-Londres, 1990 ; Lisippo, l'arte e la fortuna, catal. expos., éd. Fabbri, Rome, 1995). Sa très longue vie coïncide presque exactement avec le ive siècle, dont il incarne la situation ambiguëdans la civilisation grecque : né au début du siècle à Sicyone, une petite cité du nord du Péloponnèse célèbre pour le travail du bronze, il est le continuateur de Polyclète ; mort vers 305 avant J.-C., dans un monde grec métamorphosé par les conquêtes d'Alexandre et les monarchies fondées par ses successeurs, il a contribué à imposer un goût nouveau. Cette œuvre diverse est aussi très abondante : Pline l'Ancien (XXXIV, 37) lui attribue mille cinq cents statues, ce qui implique un important atelier, lequel contribua au retentissement durable de son style.

Hermès attachant sa sandale - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Hermès attachant sa sandale

Fidèle à la tradition péloponnésienne, Lysippe fut exclusivement un bronzier. La statue en bronze repêchée dans l'Adriatique en 1971 et acquise en 1977 par le musée Getty est d'un intérêt majeur : qu'on l'attribue au maître lui-même ou à son entourage (voir J. Frel, The Getty Bronze, The J. Paul Getty Museum, Malibu, Californie, 1982 ; A. Viacava, L'Atleta di Fano, L'Erma di Bretschneider, Rome, 1994), elle témoigne, mieux que les copies en marbre de l'Agias (musée de Delphes) et de l'Apoxyomène (musée du Vatican), de la façon dont Lysippe a renouvelé le genre dominé par Polyclète un siècle plus tôt : la statue honorifique d'athlète vainqueur. De l'esprit classique, il garde le formalisme et l'inexpressivité, mais ses figures sont plus élancées (la tête représente un huitième du corps, au lieu d'un septième chez Polyclète) et surtout instables, saisies dans un instant fugace.

Parmi ses statues de divinités, seules celles d'Héraclès se sont maintenues au répertoire : il a su donner à la figure du héros un pathos nouveau, proche de l'humanité souffrante. Tantôt colossales, comme à Tarente (18 m de hauteur), et tantôt miniatures, comme l'Héraclès Épitrapézios, surtout de table réalisé sans doute pour Alexandre, ces œuvres ont connu un immense succès, à commencer par l'Héraclès Farnèse (Musée archéologique de Naples), dont la fortune a connu un regain depuis la Renaissance.

Portraitiste attitré d'Alexandre, Lysippe a établi au premier plan de l'art grec ce genre brimé par l'idéalisation classique. En conférant aux statues-portraits du conquérant (Alexandre à la lance, musée du Louvre, Alexandre Azara, ibid.) une intensité dramatique qui exprime le caractère romantique de sa personnalité, il a contribué à la formation du mythe d'Alexandre (voir le catalogue de l'exposition de Rome, Alessandro Magno, storia e mito, Leonardo Arte, Rome, 1995).

Sarcophage dit d'Alexandre le Grand - crédits :  Bridgeman Images

Sarcophage dit d'Alexandre le Grand

Lysippe est aussi et surtout l'auteur de grands groupes dramatiques, d'une ampleur inconnue jusque-là : dans le sanctuaire de Delphes, sans doute le Quadrige du Soleil sortant des flots, ex-voto rhodien dressé au sommet d'un haut pilier en face du temple d'Apollon, et sûrement la Chasse d'Alexandre, ex-voto de Cratéros, l'un des lieutenants d'Alexandre, réalisée en collaboration avec Léocharès ; dans le sanctuaire de Zeus Olympien à Dion (Macédoine), le [...]

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Écrit par

  • : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Bernard HOLTZMANN. LYSIPPE (env. 390-env. 305 av. J.-C.) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Hermès attachant sa sandale - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Hermès attachant sa sandale

Sarcophage dit d'Alexandre le Grand - crédits :  Bridgeman Images

Sarcophage dit d'Alexandre le Grand

Autres références

  • DELPHES

    • Écrit par Bernard HOLTZMANN, Giulia SISSA
    • 9 618 mots
    • 9 médias
    ...sculptures », exceptionnel hors de Delphes, y est attesté au moins huit fois. La plus célèbre était celle, couverte, qui abritait le groupe en bronze de Lysippe représentant la chasse d'Alexandre, dédié par son général Cratéros vers 330 avant J.-C. ; la mieux conservée est celle qui fut dédiée vers 335...
  • GRÈCE ANTIQUE (Civilisation) - Les arts de la Grèce

    • Écrit par Pierre DEVAMBEZ, Agnès ROUVERET
    • 18 518 mots
    • 24 médias
    Ils ne ressemblent pas non plus à ceux que, renouant avec le passé, Lysippe fondit dans le bronze. Ce sculpteur, qu'Alexandre le Grand estimait entre tous, se considérait comme un disciple lointain de Polyclète ; et cependant rien ne ressemble moins aux figures du vieux maître solidement posées...
  • PORTRAIT, art grec

    • Écrit par Bernard HOLTZMANN
    • 1 339 mots
    • 3 médias

    Que l'art grec, si exclusivement attaché à la représentation de la figure humaine, ait tardé à pratiquer le portrait, ce n'est un paradoxe qu'en apparence : durant toute la période archaïque et jusqu'au second classicisme du ~ ive siècle, les artistes grecs sont...

  • RENOUVELLEMENT DE LA SCULPTURE GRECQUE

    • Écrit par Bernard HOLTZMANN
    • 190 mots
    • 1 média

    Un type athlétique, nouveau par ses proportions et son attitude, mis au point par Lysippe, le grand bronzier de Sicyone (Péloponnèse) ; des figures rêveuses, d'une sensualité inconnue jusque-là, créées par le maître athénien Praxitèle ; un retour au marbre suscité par l'énorme chantier du...

Voir aussi