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LITTÉRATURE NUMÉRIQUE

La littérature n’a jamais été faite que de mots et de phrases : qu’elle soit contée oralement ou imprimée sur papier, qu’elle se lise sur un parchemin, un codex, un écran d’ordinateur, une liseuse ou un téléphone portable, elle est solidaire de son dispositif d’inscription et d’affichage. Mais c’est quand celui-ci se modifie que son influence sur l’émergence du sens d’un texte littéraire saute aux yeux. Plus de quatre siècles après Gutenberg, la littérature n’est plus indissolublement liée au livre imprimé. Des auteurs expérimentent les dispositifs numériques pour tester leurs potentialités, éprouver l’impact de cette matérialité inédite sur l’écriture et la lecture.

Si l’on situe les débuts de la littérature numérique dans les années 1950, c’est dans les années 1980, avec la démocratisation des ordinateurs dits personnels, qu’elle a quitté les cercles restreints des laboratoires scientifiques. Longtemps portée par les avant-gardes qui voyaient en elle à la fois un moyen de révolutionner les manières « traditionnelles » de raconter et de poétiser la langue, tout en bouleversant le système littéraire avec ses circuits de sélection, de valorisation et de capitalisation, la littérature numérique constitue aujourd’hui un champ international diversifié.

L’écriture hors du livre

Ses formes sont aussi multiples que ses supports. Si les premières décennies de la littérature numérique, en phase avec les recherches en cybernétique et en intelligence artificielle, ont été marquées par la combinatoire et la génération automatique, le texte littéraire a commencé à s’animer à partir des années 1980. Lettres et mots traversent alors l’écran, vibrent, se renversent, se rejoignent et explosent, intégrant les significations potentielles du mouvement pour former de nouvelles figures poétiques. Dans la littérature de jeunesse notamment, l’animation textuelle s’est invitée sur la tablette et conquiert de nouveaux publics et des parts de marché.

L’hypertexte quant à lui, a été expérimenté d’une part dans l’édition littéraire savante : les fonctions documentaires de l’hyperlien, en donnant accès à des versions antérieures, des intertextes ou des fac-similés, se sont révélées opérationnelles dans l’édition électronique scolaire et critique, renouvelant en outre la génétique littéraire. D’autre part, dans la littérature narrative, l’hypertexte, qui permet d’activer des mots ou des phrases marqués par un lien pour naviguer vers d’autres textes, a rapidement suscité l’idée de doter le lecteur d’un nouveau pouvoir, impliquant ses gestes de manipulation dans l’émergence du sens. L’hypertexte narratif de la première génération devait faire naître une nouvelle figure d’auteur-lecteur, mais aussi « délinéariser » le texte littéraire et bouleverser son architecture.

Dans la littérature numérique pour tablette et dans les blogs littéraires, le potentiel narratif et poétique de l’hyperlien se diversifie. Il amène parfois le lecteur à se perdre dans des labyrinthes textuels, mais peut également favoriser des logiques de guidage. L’hyperlien constitue en effet la marque d’une interprétation de la relation de cohérence temporelle et/ou logique entre deux textes effectuée par l’auteur, qui ne cède donc qu’en partie son pouvoir d’intervention sur le texte.

La littérature hypertextuelle est progressivement devenue hypermédiatique, en associant par liens des mots et des images fixes et animées. Son exploration de nouvelles gammes de formes et de figures de la « manipulabilité » la rapproche parfois du jeu vidéo.

Avec l’arrivée du Web, la littérature numérique est venue s’inscrire dans des logiques du flux, s’associant à des bases de données dynamiques, s’alimentant de requêtes soumises à des moteurs de recherche, affichant des formes textuelles[...]

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Écrit par

  • : professeur agrégé de lettres modernes, détaché à l'université de Paris-VIII
  • : professeur des Universités en sciences de l'information et de la communication, université de Paris-VIII

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