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LA COMÉDIE, Dante Alighieri Fiche de lecture

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Devoir de l'œuvre

Un tel travail, et en général l'élévation à partir de données « naturelles », dépend entièrement de chacun, comme manifestation de liberté et « de grâces divines ». De la même façon, les princes négligents de l'antépurgatoire, tel l'empereur putatif qui déçoit les espoirs placés en lui, sont d'autant plus coupables qu'ils eurent de puissance ; et le centre géométrique de l'ouvrage, le chant XVI du Purgatoire – le cinquantième chant sur cent au total –, est entièrement occupé par une réflexion sur le mal dans le monde, où s'expose la conception fondamentale de l'auteur sur le libre arbitre et la nécessaire division des pouvoirs.

Une construction de mots contre le néant, La Comédie l'est à un sommet rarement atteint. Mais l'auteur ne se serait pas satisfait d'une telle formule. Il y a plus, en effet, et notamment la création de soi par la parole. Son propre personnage, que Dante met en scène, n'est presque jamais le simple porte-parole du narrateur, ni du sujet d'énonciation : il peut avoir des moments d'absence, d'incompréhension, de totale incapacité le pétrifiant « contre la conscience » même (Purgatoire, XXVII). Aussi, son guide ultime et son amour, Béatrice, doit finalement renoncer à tout faire passer par la compréhension rationnelle, celle que privilégiait Virgile : qu'il emporte au moins une « image » fidèle de ce qu'en pèlerin il a vu, « à la manière/ dont on rapporte son bourdon ceint de palme » (Purgatoire, XXXIII). D'autres exemples de cette sorte de détour par la complexité de l'expérience corporelle, dont la volonté divine use elle-même en proposant sur les premières corniches du Purgatoire des visions d'un art total « accessible à tous les sens », sont évoqués par les anticipations des infortunes réelles de Dante.

Au sein de cette création, par la parole poétique, un être humain vient donc porter témoignage en son corps « vivant ». Le pari d'un texte sacré, où les mots sont des substances, où l'ouvrage est également icône et monument, semble alors tenu : les mots existent là comme des choses. Ainsi, de montée en envol vers ces « étoiles » sur lesquelles se clôt chaque livre de La Comédie, un voyageur auquel nous pouvons nous identifier se superpose à la source idéale de tout texte pour nous livrer la preuve merveilleuse de ce que peut une langue, et la poésie.

— Jean-Charles VEGLIANTE

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Jean-Charles VEGLIANTE. LA COMÉDIE, Dante Alighieri - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 18/04/2013

Autres références

  • ALLÉGORIE, notion d'

    • Écrit par
    • 1 454 mots
    ...l'un aussi bien que l'autre : également réels, l'ancien et le nouveau, le passé et le présent, l'actuel et l'à-venir, le naturel et le surnaturel. Même siDante, dans La Divine Comédie (1304-1320), parle d'allégorie, Auerbach préfère employer figure, plus proche ici du « type » exégétique.
  • DANTE ALIGHIERI (1265-1321)

    • Écrit par
    • 5 410 mots
    • 2 médias
    Nul ne met plus en doute que la Comédie à laquelle l'admiration de la postérité ajouta l'épithète « divine », et dont le titre définit, suivant les catégories littéraires d'alors, un style moins noble et soutenu que celui de la tragédie, dont le modèle est l'Énéide...
  • ÉPOPÉE, notion d'

    • Écrit par
    • 1 627 mots
    ...c'est-à-dire bien après qu'a commencé de s'imposer, dans les différentes langues européennes, une littérature vernaculaire. À suivre les principes aristotéliciens , La Divine Comédie (1304-1320) de Dante ne semble pas digne d'être comparée à L'Iliade puisqu'elle ignore notamment la règle de l'unité...
  • MIMÉSIS, Erich Auerbach - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 787 mots
    Reprenant des travaux plus anciens sur Dante, Auerbach montre que La Divine Comédie, au xive siècle, par le choix de la langue « vulgaire » (l'italien au lieu du latin), mais surtout par la mise en œuvre de la notion de figure (le rapport d'un événement présent à un autre événement, passé...