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LA COLLECTION JEAN PLANQUE (exposition)

La figure du collectionneur a fait son apparition dans le champ de l'histoire de l'art au milieu du xxe siècle, à la suite notamment de l'approche pionnière de l'historien de l'art britannique Francis Haskell. En art moderne, son étude est plus récente, marquée, en France, par des expositions mémorables comme celles des chefs-d'œuvre du Dr Barnes (musée d'Orsay, Paris, 1993) ou encore des collections d'amateurs français d'art contemporain, souvent anonymes, dans le cas de Passions privées (musée d'Art moderne de la Ville de Paris, 1995-1996).

L'expositionDe Cézanne à Dubuffet. La collection Jean Planque eut lieu à l'Hôtel de Ville de Paris, du 2 avril au 27 juillet 2003, après avoir été installé à Lausanne, Winterthur (2001), Marseille (2002) et Barcelone (2002-2003). Elle s'inscrivait dans la constitution de cette histoire du goût, en prenant pour objet une période peu aimée de la peinture européenne: les années 1950. Ainsi, l'ensemble réuni des toiles d'Alfred Manessier, Pablo Picasso, Jean Dubuffet, Roger Bissière, Nicolas de Staël, Viera da Silva ou Hantaï forme le portrait d'un amateur exigeant, le Vaudois Jean Planque (1910-1998), qui fut pendant presque vingt ans « l'œil » du grand marchand d'art suisse Ernst Beyeler.

Jean Planque s'est plusieurs fois présenté lui-même comme un autodidacte. La découverte, alors qu'il est étudiant, de l'œuvre de Cézanne, dans la vitrine de la galerie Vallotton à Lausanne, puis d'aquarelles de Klee, à Bâle, décident de sa vocation. Il se lie à des peintres suisses, Walter Schüpfer et René Auberjonois, qui l'introduisent auprès de marchands d'art. En 1946, la galerie Tanner, à Zürich, lui offre de travailler pour elle. En quelques séjours à Paris, Planque acquiert des tableaux importants de Corot, Bonnard, Renoir ou Modigliani pour le compte du galeriste. En 1954, il rencontre Ernst Beyeler, dont il sera l'un des collaborateurs les plus proches, jusqu'en 1972. Planque « chasse » à Paris des toiles de grande qualité, encore accessibles, de Cézanne, du Douanier Rousseau ou encore des fauves… Grâce à la commission qu'il touche à chaque transaction, il acquiert l'aisance financière suffisante pour constituer une collection personnelle dans laquelle ses rencontres et amitiés avec les artistes auront beaucoup pesé. En 1955, il repère dans une petite galerie parisienne des tableaux de Dubuffet, en acquiert une dizaine et recommande à Beyeler d'acheter les œuvres de cet artiste aux États-Unis, où elles sont moins chères. Deux ans plus tard, Dubuffet cherche à faire la connaissance de cet amateur et se lie avec lui d'une longue amitié, parfois orageuse, assortie d'arrangements commerciaux – Beyeler obtient d'abord l'exclusivité des lithographies de l'artiste, puis en 1962, après la rupture de ce dernier avec la galerie Cordier, il le représente sur le marché européen. Les choses se passent de façon similaire avec Mark Tobey en 1956, et avec Antoni Tapiès en 1958-1959…

Autre rencontre marquante, celle de Picasso, en 1960, dans sa villa La Californie. L'artiste montre une petite toile de Cézanne à l'amateur, et semble séduit par le regard sûr et sincère que celui-ci porte sur la peinture. Le maître accepte donc exceptionnellement de vendre, directement à Beyeler, une vingtaine de toiles choisies dans l'atelier, qui illustreront l'hommage que prépare le marchand pour les quatre-vingt-cinq ans de l'artiste. De la même manière, en 1964, Jean Planque participe activement et en toute complicité à l'élaboration de l'exposition du cycle de L'Hourloupe par Dubuffet au Palazzo Grassi à Venise.

En véritable amateur, Planque rassemble pour lui-même un ensemble de toiles souvent austères et difficiles,[...]

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Écrit par

  • : conservatrice du Patrimoine, conservatrice au musée d'Art moderne de la Ville de Paris

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Pour citer cet article

Cécile DEBRAY. LA COLLECTION JEAN PLANQUE (exposition) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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