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BECK JULIAN (1925-1985)

Né en 1925 dans un milieu aisé de juifs new-yorkais (ses parents étaient enseignants), Julian Beck s'intéresse d'abord à la peinture : Peggy Guggenheim organisera une exposition de ses œuvres dans sa galerie Art of this Century. Pourtant, le travail solitaire du peintre ne lui convient guère. Le théâtre l'attire davantage. En 1943, il rencontre Judith Malina, qui étudie le théâtre à la New School for Social Research de New York. Ensemble, ils fondent, en 1947, leur propre troupe : le Living Theatre.

Si Julian Beck se proclame déjà « anarchiste » en quête de nouvelles voies de création théâtrale ; s'il refuse dès cette époque tout rapport marchand traditionnel avec le public (les spectateurs ne paient pas de billets d'entrée mais donnent ce qu'ils veulent, les comédiens se partageant la recette) ; s'il s'intéresse à des auteurs d'« avant-garde » – comme Paul Goodman – ou « étrangers » – comme Lorca, Jarry, Cocteau, Pirandello, et Brecht, bien sûr –, ce n'est qu'en 1959 qu'il crée le scandale avec The Connection de Jack Gelder. À travers ce spectacle sur la drogue et au cours duquel, à l'entracte, les comédiens viennent demander aux spectateurs de quoi s'acheter de nouvelles « doses », Beck rompt radicalement avec toute psychologie placée sous le signe d'une introspection collective au profit d'un théâtre qui se veut « action », « confrontation » avec la société, disparition des frontières qui séparent l'acteur du spectateur.

Suit une brève tournée en Europe, un passage remarqué au Théâtre des Nations, la découverte d'Artaud et du Théâtre de la cruauté, la création de spectacles comme Dans la jungle des villes, ou Homme pour Homme de Brecht et surtout, en 1963, The Brig (La Taule) de Kenneth H. Brown, qui relate la vie dans un camp disciplinaire de marines : le naturalisme y est d'une telle violence que, sur le plateau, les comédiens ne simulent pas les brimades mais les subissent ou les infligent pour de bon... Placé sous le signe d'Artaud, The Brig constitue une étape essentielle dans le parcours de Julian Beck, tant sur le plan de la pratique théâtrale – dénonciation politique et recherche formelle se révèlent indissolublement mêlées – que sur celui de la vie et de l'organisation de la troupe. En effet, à la suite du spectacle, Julian Beck est poursuivi par le Service des impôts, condamné à deux mois de prison (tandis que Judith Malina purge une peine d'un mois), et contraint à un « exil » qui l'entraîne à travers toute l'Europe dans des tournées marquées par la représentation de Mysteries and Small Pieces (1964), Les Bonnes de Genet, Frankenstein (1965), Antigone de Brecht (1967), et ParadiseNow qui provoque en 1968 le scandale au festival d'Avignon.

En fait, précédé de l'aura du martyre (qu'il sait aussi entretenir), souvent pris à partie, à cause de son refus des normes et des valeurs sociales, appelant à la révolution « non violente » par le théâtre et la poésie, passant par le yoga, le happening, débouchant sur l'improvisation collective, menant sa remise en cause de la représentation jusqu'à son point extrême c'est-à-dire celui de sa dissolution de la rue, Julian Beck présente autant sa troupe comme un modèle de vie communautaire que comme un modèle de théâtre. « La communauté du Living est, d'une certaine façon, l'aspect le plus important de mon travail. Et elle devrait fonctionner vraiment comme une association anarchiste... » L'action de Beck et de sa troupe se voudra donc celle de révolutionnaires qui voyagent de lieu en lieu en essayant d'apprendre ce qui s'y passe, de lier des expériences diverses afin d'aider les populations à trouver à leur tour le moyen de se libérer des structures oppressives de la société actuelle... Ce discours, Julian Beck tente de le mettre en pratique[...]

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Écrit par

  • : journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à La Croix

Classification

Pour citer cet article

Didier MÉREUZE. BECK JULIAN (1925-1985) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - Le théâtre et le cinéma

    • Écrit par Geneviève FABRE, Liliane KERJAN, Joël MAGNY
    • 9 328 mots
    • 11 médias
    ...États-Unis en 1968, ayant perdu tout espoir de réaliser la révolution dont ils avaient rêvé, les membres du Living se séparent en 1970. Les Beck choisirent les favelas du Brésil pour poursuivre leur travail et ébaucher de nouveaux projets (The Legacy of Cain), jusqu'à la mort de Julian Beck en 1985.
  • LIVING THEATRE

    • Écrit par Armel MARIN
    • 975 mots

    Judith Malina et Julian Beck fondent la compagnie du Living Theatre en 1950. Onze ans plus tard, le Living joue à Paris au Théâtre des Nations, une pièce de Jack Gelber, The Connection (L'Intermédiaire). En 1966, la troupe, qui connaît des difficultés aux États-Unis, revient à Paris...

  • MALINA JUDITH (1926-2015)

    • Écrit par Universalis
    • 403 mots

    Née le 4 juin 1926 à Kiel (Allemagne), Judith Malina, fille de rabbin, émigre en 1928 à New York avec sa famille. Par la suite, elle étudie le théâtre avec le théoricien et metteur en scène allemand Erwin Piscator à la New School for Social Research de New York. Exilé lui aussi, il avait...

  • THÉÂTRE OCCIDENTAL - Le nouveau théâtre

    • Écrit par Bernard DORT
    • 5 451 mots
    • 4 médias
    ...formation mais encore pour construire lui-même un spectacle. Ce fut là une des faces du travail du Living Theatre (1951-1970) fondé par un peintre, Julian Beck, et une élève de Piscator, Judith Malina, qui est « passé en quinze ans du texte littéraire à l'improvisation collective pour exprimer ses...

Voir aussi