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HARDOUIN-MANSART JULES (1646-1708)

Le classicisme français

Château de Vaux-le-Vicomte - crédits :  Bridgeman Images

Château de Vaux-le-Vicomte

Mansart est parti de ce qu'avait accompli la génération des architectes préclassiques ; certaines de ses solutions sont influencées par des œuvres comme Maisons-Laffitte et Blois, Vaux-le-Vicomte et le Versailles de 1668, Saint-Jacques du Haut-Pas et les Minimes. Peut-être tenait-il de son mentor Le Nôtre le sens des grands plans ou quelques principes d'esthétique générale ; par ailleurs, d'Orbay avait déjà amorcé le processus d'harmonisation et d'épuration. Dès qu'il sort de l'ombre, Mansart accède très vite aux plus hautes tâches, dans lesquelles il se réalise pleinement. En admettant même que l'œuvre tardive est moins riche, on ne peut certainement pas parler de déclin.

Jules Hardouin-Mansart a travaillé dans des genres très diversifiés ; déjà l'ensemble de Versailles comprend des édifices extrêmement variés : châteaux et églises, pavillons et hôtels, parcs, urbanisme et construction utilitaire. C'est surtout dans les châteaux et les constructions publiques (hôtels de ville) qu'il fait preuve d'une remarquable faculté d'adaptation : moderniser, agrandir et rhabiller sans trop compromettre ce qui préexiste, aménager et décorer, se conformer, tout en corrigeant le style d'un architecte provincial, à une tradition locale ou à celle d'un type (Versailles en premier lieu, Saint-Cloud, Meudon, Chantilly, Fontainebleau et Saint-Germain, Dampierre et Boufflers, les hôtels de ville de Lyon et d'Arles, etc.). En revanche, certaines de ses œuvres sont presque uniques dans l'architecture française avant le milieu du xviiie siècle par leur caractère absolu et leur formalisme : le dôme des Invalides et Marly.

Après l'architecture dense, passionnée de perfection rigoureuse de François Mansart, et après le baroque des grands volumes et des contrastes agressifs que manifestent les œuvres de Le Vau, l'avènement d'Hardouin-Mansart marque une détente, que la critique a souvent regrettée en y voyant une perte d'intensité artistique.

Mansart aime les grandes surfaces lisses ou d'une structure simple, la répétition des formes (surtout l'arcade en plein cintre et la colonne détachée), les longues horizontales, l'espace dégagé et ouvert. L'académisme officiel est pour lui une justification ou un catalyseur : placer des rangées de colonnes devant une façade lui donne un air de grandeur et permet de cacher des irrégularités (cour de Marbre, Saint-Cloud, hôtel de Sagonne, hôtel de Lorge) ; l'ordre cannelé ajoute une fine valeur à la surface (Marly, chapelle de Versailles, intérieurs de Versailles et de Trianon).

Mansart s'est intéressé aux problèmes de l'architecture-décor : Marly, les Dômes et la Colonnade dans le parc de Versailles. Cela pose le problème de l'architecture en fonction du décor que demande l'absolutisme du Roi-Soleil ; Marly, l'énorme façade sur jardin de Versailles et le dôme des Invalides en sont des exemples. Le sens du décoratif est ce qu'il y a de plus « baroque » chez Mansart. Il lui sert merveilleusement quand il s'agit de faire valoir la splendeur de la pierre comme une des bases de l'architecture (Grand Trianon, chapelle de Versailles), et bien sûr dans les intérieurs.

Place des Victoires - crédits : Robert Cameron/ The Image Bank/ Getty Images

Place des Victoires

On notera la largeur des formes : l'arcade en plein cintre grande ouverte en est le leitmotiv ; elle est employée dès le château du Val et utilisée au maximum dans le « grand projet » pour Versailles (non exécuté). Cette ampleur se retrouve dans la conception, dans l'élévation des places parisiennes (modèle auquel il a donné ses lettres de noblesse avec la place Vendôme et la place des Victoires et qui se transmettra à tout le xviiie siècle), la patte-d'oie de Versailles, dans l'architecture des Écuries et de l'Orangerie. Mansart réussit aussi à donner[...]

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Écrit par

  • : docteur de l'université de Vienne, professeur assistant à l'université de Montréal

Classification

Pour citer cet article

Jörg GARMS. HARDOUIN-MANSART JULES (1646-1708) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Château de Versailles en 1668 - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Château de Versailles en 1668

Dôme des Invalides, Paris - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Dôme des Invalides, Paris

Versailles - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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