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LAW JOHN (1671-1729)

L'échec

Cependant, une résistance aux activités de Law s'organisait sous la direction des frères Pâris et Crozat, financiers de la vieille école ; l'« anti-système » revêt bientôt la forme d'une spéculation à la baisse qui menace la Compagnie et la Banque. Certes, Law obtient en janvier 1720 la charge de contrôleur général des finances et, en février, la réunion officielle de la Banque royale et de la Compagnie perpétuelle ; visant plus loin, il projette une refonte de la fiscalité française : il envisage l'instauration d'un impôt unique sur le revenu, payable par tous, et le remboursement de la Dette et des offices par des actions de la Compagnie.

L'œuvre de Law était, par nature, à la merci d'un retournement de l'opinion : l'agiotage provoqua ce renversement. Les émissions de billets par la Banque avaient atteint un milliard de livres en janvier 1720 ; le capital de la Compagnie, accru par paliers, était passé à 322 millions. Le déchaînement de la spéculation dans les officines de la rue Quincampoix avait porté les actions de 500 livres au cours de 20 000 livres ! À ce niveau, les dividendes distribués par la Compagnie parurent dérisoires, et la rentabilité des titres, nulle. Les intrigues des tenants de l'« anti-système » amorcèrent le reflux des cours ; lorsque les gros détenteurs de billets de banque – tels le duc de Bourbon ou le prince de Conti – commencèrent à réaliser leurs avoirs en espèces, le climat de confiance s'évanouit définitivement. Les efforts de Law pour accélérer la mise en valeur de la Louisiane, pour dégoûter le public des pièces d'or et d'argent par de nombreuses mutations monétaires, pour interdire aux particuliers la détention de monnaie métallique, ne parvinrent pas à enrayer le mouvement cumulatif de baisse. Le discrédit des billets de la Banque et des actions de la Compagnie devint tel qu'en juillet et août 1720 des scènes d'émeutes se déroulèrent aux guichets de la Banque où la foule se pressait pour réclamer le remboursement en espèces du papier-monnaie ; le cours des actions retombait alors de 20 000 à 6 000 livres. Pour protéger son encaisse, Law prit des mesures dilatoires qui n'eurent aucun effet ; dès septembre 1720, il fallut en venir à la suppression du cours des billets de 10 000 et de 1 000 livres, et au retrait de la circulation d'une partie du papier-monnaie émis, puis à la confection d'un « rôle » des actionnaires de la Compagnie pour permettre de distinguer entre actionnaires « de bonne foi » et « de mauvaise foi ». Ce nouveau « visa » accrut encore la panique et les actions tombèrent à un louis.

Law s'enfuit le 14 décembre 1720, alors que son système s'effondrait ; la liquidation en fut confiée à ses vieux adversaires, les frères Pâris. Tous les papiers de la Banque et de la Compagnie, dont le montant nominal atteignait 2 milliards et demi, furent astreints à un nouveau visa qui les réduisit à 1 milliard 700 millions, réparti entre 511 000 porteurs, qui furent « indemnisés » en rentes sur les tailles à 2 %.

Le souvenir laissé par le « système » fut durable : il fut impossible, jusqu'au Consulat, d'envisager en France la création d'une banque d'État. L'agiotage et les injustices qui marquèrent la réduction de la dette de la Banque royale traumatisèrent l'opinion et ébranlèrent les hiérarchies économiques traditionnelles. L'État, au sortir de la liquidation, se retrouvait chargé de 52 millions de livres de rentes, donc sensiblement dans la même situation qu'en 1717. Élément positif de ce bilan, la Compagnie des Indes, qui subsista, avait reçu une notable impulsion du passage de Law, comme en témoigne le développement des colonies d'Amérique et de certains ports français, tel [...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Clermont-Ferrand

Classification

Pour citer cet article

Abel POITRINEAU. LAW JOHN (1671-1729) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • COMPAGNIES FRANÇAISES DES INDES

    • Écrit par Louis TRENARD
    • 1 142 mots

    Au temps de Colbert, la colonisation devient une affaire d'État ou de grandes compagnies favorisées par l'État. Colbert fonde la Compagnie française des Indes orientales et la Compagnie française des Indes occidentales (1664). Le but de cette dernière est la production de sucre, mais...

  • CROZAT ANTOINE, marquis du Châtel (1655-1738)

    • Écrit par Jean-Marie CONSTANT
    • 694 mots

    L'un des plus grands financiers de son temps et l'homme le plus riche de Paris si l'on en croit Saint-Simon, qui ne l'aimait pas. Le père d'Antoine Crozat, marchand-banquier, seigneur de deux terres et d'un château, vit ses affaires prospérer à Toulouse, puisqu'il fut appelé deux fois...

  • FRANÇAIS EMPIRE COLONIAL

    • Écrit par Jean BRUHAT
    • 16 688 mots
    • 19 médias
    Avec Law, la Compagnie d'Occident, filiale de la banque créée par le financier écossais avec l'autorisation du Régent, obtient un véritable monopole, remplaçant pour la traite négrière la Compagnie du Sénégal (1718), rachetant les privilèges de la Compagnie des Indes orientales et de la Compagnie de...
  • LOUISIANE

    • Écrit par Jean-Marc ZANINETTI
    • 2 130 mots
    • 3 médias
    ...de l’actuel État du Mississippi, en 1699. Alors que Louis XIV se désintéresse de la Louisiane, sous la régence de Philippe d’Orléans, le financier John Law organise une publicité agressive pour cette nouvelle colonie. La Nouvelle-Orléans est fondée en 1718, mais la Compagnie du Mississippi, que Law...
  • Afficher les 7 références

Voir aussi